Aux dernières nouvelles et grâce aux premiers chiffres issus du vote anticipé, 53% des Floridiens déclarent voter pour Trump, contre 43% pour Harris. Dans le lot, une puissante communauté latino-américaine qui a surtout fait pencher Miami-Dade (68% d'électeurs hispaniques) dans le rouge, quand le milliardaire a lancé sa campagne en 2015. Une population que le candidat MAGA avait réussi à séduire une première fois en s'adressant à la classe ouvrière hispanique plus ou moins apolitique. Rebelote en 2024, en misant toute sa stratégie sur l'immigration.
Miami, autrefois solide bastion démocrate, roule désormais pied au plancher pour Donald Trump.
Et il suffit de sauter dans un Uber pour s'en rendre compte. Guillermo, la vingtaine, tatoué du cou aux avant-bras et casquette vissée en arrière, ne parle pas un mot d'anglais. La radio crache les dernières infos en espagnol et malgré sa volonté apparente de taper la causette, la discussion s'avèrera impossible: «Vous êtes sûr de ne pas parler un peu espagnol?», qu'il emballe dans un large sourire. Non seulement on est sûr, mais on le regrette. On tente malgré tout, par mots-clés.
C'est tout ce que l'on obtiendra. Dans sa Hundai flambant neuve, la musique cubaine va envahir l'habitacle jusqu'à destination. Pour Guillermo, comme pour José ou Maria, avec qui on fera aussi un petit bout de route ces derniers jours, l'anglais est une langue étrangère. Un détail à Miami, où l'espagnol déboule en premier quand on commande un café au coin de la rue. Mais ça devient plus compliqué en cas d'urgence. En 2017, un chauffeur Uber s'était vu infliger une prune de 250 dollars pour n'avoir pas su «répondre à une simple question en anglais d'un officier de police».
Pour beaucoup, Uber ou Lyft sont la première possibilité d'emploi. Des heures de route pour un salaire de misère, «mais c'est mieux que rien», nous dit Adolfo. Raison pour laquelle tous nos interlocuteurs voudront rester discrets. Luz, la quarantaine, maîtrise suffisamment bien l'anglais pour nous dire à quel point «Kamala Harris va ruiner le pays si elle devient présidente».
Elle est d'ailleurs certaine que Donald Trump, pour qui elle vote pour la première fois, triomphera le 5 novembre prochain. Selon cette Américaine originaire de Bogota, le milliardaire est le seul à pouvoir «nettoyer le pays». Comprenez, faire de l'ordre dans la politique migratoire. Et Luz n'y va pas par quatre chemins:
Comme pour tous les chauffeurs pro-Trump avec qui on échangera quelques mots sur l'asphalte de Miami, Liz invoque l'immigration et le pouvoir d'achat comme raison d'offrir son bulletin au candidat républicain: «Tout est tellement beaucoup plus cher qu'il y a quatre ans. Les appartements, la nourriture, les vêtements, ce n'est plus possible». Le coupable? Joe Biden, évidemment. Surprise, Luz avait pourtant voté pour lui en 2020.
Si on en croit nos interlocuteurs, le plus gros défaut de Kamala Harris, c'est son expérience au pouvoir. Car Luz n'est pas forcément contre l'ascension d'une première femme à la tête du pays, mais elle avait «quatre ans pour faire ses preuves» et elle «a montré qu'elle n'a pas les reins assez solides pour faire autre chose que du Biden».
Magdelennys, confortablement installée au volant de sa Lexus et accompagnée d'un nounours blanc posé sur le tableau de bord, est du même avis: «Kamala a échoué, ce serait du suicide de repartir pour quatre ans avec elle». Cette Colombienne d’origine n'a pas peur de l'élection qui approche, parce qu'elle sait que «Donald Trump va gagner».
Le fameux slogan Make America Great Again s'est fait une place de choix dans l'esprit de beaucoup de Latino-Américains. Tout comme les éléments de langages catastrophistes et les mensonges que le milliardaire propage depuis dix ans. Donald Trump un tyran, un dictateur, un danger pour la démocratie? «Ce sont les médias de gauche qui veulent nous le faire croire. Mais c'est faux. D'ailleurs, les démocrates s'obstinent à faire de Trump un monstre, c'est leur seul programme politique», s'énerve Diego, alors qu'il nous emmène dans le quartier de Wynwood.
Tous nos chauffeurs seront d'ailleurs de parfaits porte-paroles du candidat républicain, reprenant parfois mot pour mot des slogans et des chiffres tronqués du gourou MAGA. Tous? Presque. Carlos, fin soixantaine, va voter pour Kamala Harris. Alors qu'on croit causer au premier chauffeur Uber démocrate depuis notre aventure sur les routes de Miami, il va très vite nous contredire: «Je ne vote pas pour un parti, mais pour une personnalité. J'ai voté Obama et Clinton pour ce qu'ils avaient à proposer». Dans un anglais balbutiant malgré trois décennies passées à Miami, Carlos est effrayé par Donald Trump.
Quand on lui demande pourquoi tant de Latino-Américains font confiance au candidat républicain, Carlos fulmine: «Je crois que beaucoup d’électeurs latinos de Miami se font manipuler par ce qu’ils entendent à la radio et lisent sur les réseaux sociaux. Ils ont peur pour l'argent et leur sécurité, mais Trump n'est pas la solution et ils n'ont pas conscience de sa dangerosité».
Alors qu'elle a longtemps été mise à l'écart de la campagne des deux candidats, la communauté latino est enfin dans leur viseur, à deux semaines de l'élection présidentielle. Une communauté qui a historiquement tendance à voter démocrate.
Si la Floride et Miami sont désormais dans une bulle largement républicaine, la course s'inverse au niveau national, avec 56% pour Harris et 37% pour Trump. Mais la vice-présidente «peine à convaincre» durablement cet électorat, comme le précise notamment le New York Times, avec des sondages «dangereusement faibles» dans l'histoire démocrate. Quoi qu'il en soit, le temps presse: près de 20 millions d'Américains ont déjà voté.