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«Donald Trump ne va pas disparaître en 2028»

L’avenir du parti républicain sera trumpiste ou ne sera pas. Et JD Vance est bien placé pour incarner l’avatar du gourou MAGA.
L’avenir du parti républicain sera trumpiste ou ne sera pas. Et JD Vance est bien placé pour incarner l’avatar du gourou MAGA.images: getty, montage: watson

«Donald Trump ne va pas disparaître en 2028»

Le «Big Beautiful Bill» du président est-il vraiment en train de fracturer les républicains? La rupture violente entre Musk et Trump peut-elle fragiliser le parti? D’ailleurs, qu’en restera-t-il en 2028, après l’ouragan MAGA? On fait le check-up des Républicains en compagnie de Françoise Coste, professeure d'études américaines et spécialiste du mouvement conservateur.
08.06.2025, 07:05
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Avec le vote sensible sur le budget et le divorce bruyant entre Musk et Trump, c’est le bon moment de faire un check-up du Parti républicain. Comment se portent les conservateurs de Washington?
Il y a ce que l’on voit et les coulisses. En façade, force est de constater que le Parti républicain est toujours très uni derrière Donald Trump. La Chambre et le Sénat, où le parti est majoritaire, suivent toujours Trump les yeux fermés. Comme en 2017, le président a prévu de gigantesques baisses d’impôts, en particulier pour les contribuables les plus riches, qui sont tout de même la base du parti, et pour les grandes entreprises. Sans oublier les coupes drastiques dans les programmes de santé publique, comme Medicare et Medicaid.

«Pour l’instant, par rapport au dogme républicain, la présidence Trump, c’est le rêve absolu. Il y a quelques tensions en coulisses, mais c’est très discret»

Donc le hold-up de Trump sur le Parti républicain n’est pas près de faiblir?
Exactement. Etant donné que la base du parti est encore totalement dans le culte de la personnalité de Donald Trump, les élus qui critiquent ouvertement sont très rares. Il reste par exemple quelques faucons soutenant l’Ukraine, qui osent dire que Trump est trop proche de Poutine. Mais c’est dérisoire, comparé à il y a vingt ans.

A vous entendre, il paraît surtout difficile de savoir ce qui se trame concrètement chez les républicains, tellement ses membres ne veulent pas se mettre Trump à dos.
D’abord parce qu’il demeure très populaire au sein du parti, mais aussi parce que les démocrates sont toujours en chaos. Dans l’état actuel des choses, les républicains sont très confiants et persuadés qu’ils feront un bon score aux élections de mi-mandat l’année prochaine. Il n’y a pour l’heure aucune raison de chambouler quoi que ce soit, sans oublier que la plupart des élus ont effectivement peur de fâcher le président.

«Avant les élections de mi-mandat, pour un élu républicain, se mettre à dos Donald Trump équivaut à se tirer une balle dans le pied. » C’est l’assurance d’un duel perdu d’avance, car Trump est capable de faire campagne contre vous et de lever des fonds pour vous mettre à terre»

Au moins à court terme, et malgré de sévères critiques durant la campagne, le parti a-t-il eu raison de tout miser sur Trump?
A court terme, mais aussi sur le plan tactique et électoral, ce fut effectivement un très bon calcul. Il faut aussi réaliser que les huiles du parti qui, en 2016, s’étaient ralliées à Trump à contrecœur ont quitté la vie politique depuis. Pour ne citer que les ténors, Mitt Romney n’est plus au Sénat, Mitch McConnell ne se représente pas. Les «trumpistes malgré eux», les «trumpistes réticents» ne sont plus là. Et la nouvelle garde des républicains est composée de trumpistes volontaires, loyaux et motivés.

Peut-on encore sincèrement distinguer le Grand Old Party du mouvement MAGA?
Non. MAGA a littéralement kidnappé le Parti républicain. Au point d’être devenu le parti trumpiste.

Etait-ce finalement un vœu et un objectif clairement défini pour Donald Trump?
Pas du tout. Dans le sens où il ne s’est jamais dit, «je vais capturer et occuper de l’intérieur un parti politique. Trump ayant toujours été très court-termiste, son caractère le rend totalement incapable d’avoir un plan à dix ans et de le mettre patiemment en pratique. Il en a simplement profité quand l’occasion s’est présentée et sa campagne présidentielle était manifestement le bon moment pour lui. La mayonnaise a pris, la base a suivi. Cette base républicaine a quitté le corpus idéologique conservateur – contre les impôts, l’avortement ou un Etat fort, en quelques années seulement.

«Les républicains sont passés d’une foi en des idées à une puissante allégeance à un seul homme: Trump. Un showman soudain considéré comme celui qui met le doigt où ça fait mal et qui a exploité la crise migratoire à un moment où elle est devenue épidermique au sein d’une partie de la population»

Quitte d’ailleurs à renier certaines de ses valeurs profondes.
Voilà. Pas sur les impôts, bien sûr, mais en politique étrangère, en tirant un trait sur l’Europe ou l’Otan, par exemple. Idem en ce qui concerne le libre-échange: sur le plan commercial, le Parti républicain a toujours été pour le libre-échange. Donald Trump a radicalement réécrit la définition de ce qu’est un républicain et, encore une fois, la base a suivi.

C’est vraiment la même base qui a simplement retourné sa veste?
Non, la base a changé au fil du temps. C’est le Tea Party qui a progressivement attiré des gens qui n’étaient pas forcément politisés, du moins pas du tout militants. Une nouvelle cargaison d’électeurs aimantés par Facebook, par certaines théories du complot ou par pur racisme anti-immigrés. Des nouveaux profils qui se sont pris au jeu et qui ont peu à peu remplacé les militants historiques. Un grand ménage qui a eu lieu à la fois chez les élites du parti et au sein de la base.

Ce bouleversement mené par Trump est-il parti pour durer ou, au contraire, son départ en 2028 risque de changer la donne?

«Si Trump avait 45 ans, on pourrait dire sans trop se poser de questions que cette transition est faite pour durer et qu’une nouvelle page s’écrit à l’encre indélébile dans l’Histoire de la politique américaine»

Sauf qu’il tutoie les 80 ans...
C’est ça. Bon, il a l’air en pleine forme pour l’instant, mais en réalité, aujourd’hui, tout repose sur les épaules du vice-président. La question est plutôt simple: JD Vance sera-t-il capable de prendre le relais? Lui-même en est férocement persuadé et il fait tout pour incarner l’avatar de Donald Trump.

Mais?
Force est de constater qu’il n’a pas le même charisme que l’original.

Vance a tout de même quelques années pour travailler son charisme, non?
Oui et non. Chez Trump c’est quelque chose d’inné et c’est sa force. Vance devra sans doute miser sur autre chose pour convaincre qu’il mérite d’être le digne héritier, auprès de la base. JD Vance a un côté méchant que Trump n’a pas. Bien sûr, Trump peut être très dangereux et il dit des choses horribles, mais son poulain est un pur idéologue, un hargneux qui n’est pas du tout court-termiste. La base le sent et ça le rend beaucoup moins sympathique. Il ne faut jamais oublier que Donald Trump respire la sympathie chez ses partisans.

Donc, selon vous, il n’y a aucune chance qu’un républicain qui n’a pas soutenu Trump se profile pour 2028?
Je ne pense pas. Le point de non-retour, c’était le 6 janvier 2021, au moment de l’assaut du Capitole. La semaine suivante, il y a eu la seconde procédure de destitution de Donald Trump. Sur les sept sénateurs à l’avoir déclaré coupable, la plupart ont quitté la politique.

«Les sénateurs républicains, quand ils ont déclaré Trump non coupable d’incitation à l'insurrection, lui ont donné carte blanche pour se représenter. Le parti a joué son destin à ce moment-là»

Et chez les pro-Trump, qui pourrait tenter de faire de l’ombre à JD Vance après les Midterms?
Marco Rubio, le secrétaire d’Etat. Le sénateur Ted Cruz, aussi, qui n’a pas abandonné ses ambitions présidentielles depuis les primaires de 2016 et qui est devenu encore plus trumpiste que Trump lui-même. Et il y a pas mal de quadragénaires et de quinquagénaires au sein du parti républicain qui rêvent d’être président et qui ont vendu leur âme à Trump, comme le sénateur Josh Hawley par exemple. Vance aura de la concurrence, mais toujours sur le terrain du trumpisme.

Il n’y a selon vous plus assez de républicains modérés pour renverser des élections ou des primaires?
Il y en a, mais ce n’est pas suffisant. Kamala Harris avait d’ailleurs fait campagne en draguant les «orphelins du Parti républicain», ceux qui ne se retrouvaient pas dans l’extrémisme à la Trump. Même avec le soutien bruyant de Dick et Liz Cheney, ça n’a pas suffi.

Durant la campagne présidentielle, nous avons rencontré sur place beaucoup de républicains qui ont voté pour Trump... malgré Trump. Des Américains qui ne sont pas trumpistes. En ont-ils pour leur argent aujourd’hui?
Pour reprendre votre expression, je pense que la plupart en ont réellement pour leur argent. Mais ces gens-là vont être face à un choix moral à un moment donné:

«Leur portefeuille ou des questions beaucoup plus abstraites, mais qui sont finalement importantes pour les Américains, comme l’alliance avec l’Europe et être du côté de la démocratie face à la dictature»

Les expulsions massives, jugées parfois arbitraires et violentes par certains conservateurs, peuvent-elles aussi se retourner contre Trump et le parti?
Absolument. Le sujet commence d’ailleurs à être abondamment relayé dans la presse américaine et c’est une excellente chose. On voit désormais tous les jours des reportages accablants, sur des familles et des enfants qui sont arrêtés, séparés. Des gens qui bossent, qui sont là plus ou moins clandestinement c’est vrai, mais qui triment depuis parfois quarante ans aux Etats-Unis. Tout cela, à terme, a effectivement le pouvoir de créer un certain sentiment de rejet au sein de la base. Mais pas sûr que cela suffise.

Le trumpiste, même sans Trump au pouvoir, n’est donc pas près de s’éteindre.
J’en ai la conviction. En 2028, Donald Trump ne va pas disparaître, mais se réincarner.

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