En 2016, Donald Trump et Hillary Clinton avaient snobé l'une des coutumes les plus importantes de l'histoire des débats présidentiels. Idem en 2020 (à cause du Covid), puis en juin 2024 (pas à cause du Covid), lorsque Joe Biden n'a pas voulu s'y coller non plus, face au milliardaire républicain.
Hier soir, alors qu'elle rencontrait Trump pour la toute première fois, Kamala Harris avait manifestement planifié son entrée en scène, pour être certaine que les premiers articles publiés à chaud soient en sa faveur.
Un moment corporel plutôt gênant, mais bigrement malin. Surtout que Trump a un problème récurrent lorsqu'il doit se rapprocher physiquement de ses interlocuteurs.
En vérité, rien de bien méchant: pour lancer le débat présidentiel, la vice-présidente s'est ruée sur scène pour aller serrer la main de son adversaire. Un geste qui témoigne généralement d'une certaine maturité politique.
D'autant que, aux Etats-Unis, saluer son ennemi est un moment solennel, juste avant que les deux candidats ne se fassent cuisiner par les deux journalistes. En 2016, Hillary avait tout de même fini par tendre sa main à Donald en conclusion du débat, comme pour fermer une parenthèse désagréable à double tour.
Bien que courageuse et plutôt intelligente, la manœuvre de Kamala Harris, mardi soir, n'a pas pour autant été très naturelle. La faute au décor, à la pression, à l'enjeu, au souffle des micros chassant la moindre respiration des protagonistes. Elle a hésité une première fois à s'approcher de Trump, avant de contourner le pupitre et d'y aller franchement.
Une chorégraphie étrange, mais tant pis pour la grâce. L'impulsion à elle seule a fait le boulot: prouver au grand Trump que dame Kamala ne se laisserait pas piétiner. Et le court échange qu'ils ont offert au monde en quelques secondes est un joli condensé d'hypocrisie politique:
Kamala said you’re gonna shake my hand dammit! #Harris2024 #Debate2024 pic.twitter.com/E5dwyl7fS2
— Adam (@AdamJSmithGA) September 11, 2024
Les électeurs américains pouvaient sentir la moiteur de ces deux mains droites qui s'effleuraient pour la première fois. Donald Trump, lui, n'a pas eu le temps d'armer correctement son bras, à moitié tendu. Une précision importante, tant le 45e président est connu pour défrayer la chronique à chaque fois qu'il doit écraser les phalanges d'un dirigeant, quel qu'il soit.
Ses poignées de main ont, d'ailleurs, la chance d'avoir une page Wikipédia et un petit nom: «Clasp and yank». En français, serrer (fort) et tirer (fort). Un geste de bonhomme qui avait heurté Emmanuel Macron en 2018, au point d'en reparler plus tard.
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— Vocal Europe (@thevocaleurope) May 25, 2017
Trump - Macron 's very long handshakepic.twitter.com/DjHnbxwVZD
Amical? Ce n'est pas l'avis de bon nombre d'experts en langage corporel, qui affirment que les poignées de main de Donald Trump sont guerrières, car «tout chez lui est une question d'affirmation de pouvoir et de contrôle».
Mardi soir, en empêchant son adversaire de maîtriser l'entrée en scène, Kamala Harris a réussi son coup. Face à un homme charismatique qui a toujours su transformer le moindre instant en événement (la balle de fusil dans son lobe d'oreille, pour ne citer que cela), la vice-présidente a joué avec son corps. Comme un boxeur avant le premier uppercut.