Alors que les Etats-Unis mettent en place des droits de douane différenciés selon leurs partenaires commerciaux, Donald Trump cherche à éviter leur contournement, en particulier par des entreprises chinoises. Pour lutter contre cette pratique, qui consiste à faire transiter un produit par un pays dans lequel les droits de douane sont moins élevés, le président américain prévoit d'instaurer à compter de jeudi une surtaxe de 40%.
Cette mesure ne vise pas spécifiquement un pays mais les analystes s'attendent à ce qu'elle touche principalement les entreprises chinoises, centrales dans l'industrie manufacturière. Certaines d'entre elles réalisent leur assemblage final dans un autre pays, comme le Vietnam, pour échapper au label «Made in China».
Pour Washington, il s'agit de développer des chaînes d'approvisionnement moins dépendantes de la Chine, de l'avis d'experts, alors que les tensions commerciales avec Pékin persistent malgré la détente de ces derniers mois. Une décision qui vise plus à «renforcer la politique des droits de douane qu'une réelle stratégie de découplage», estime Josh Lipsky, chargé de l'économie internationale à l'Atlantic Council.
Le risque d'une surtaxe élevée est une «épée de Damoclès perpétuelle» au-dessus des partenaires commerciaux des Etats-Unis, abonde Richard Stern, expert budgétaire pour la Heritage Foundation.
Depuis la première guerre commerciale entre Chine et Etats-Unis, durant le premier mandat de Donald Trump, le Vietnam a émergé comme le grand vainqueur de la reconfiguration des chaînes d'approvisionnement entre les deux pays. Les tensions entre Washington et Pékin en début d'année ont entraîné une hausse du contournement des produits chinois, notamment via le Vietnam, estime Robin Brooks, le chercheur de la Brookings Institution.
Selon lui, les exportations chinoises vers plusieurs pays d'Asie du sud-est ont connu une hausse «anormale» en début d'année, au moment où Donald Trump menaçait d'augmenter les droits de douane. S'il est difficile de déterminer si ces produits sont au final venus aux Etats-Unis, Brooks doute de la possibilité pour ces pays d'absorber une hausse si marquée de produits chinois, précisément au moment de l'annonce des droits de douane américains.
«L'objectif de cette potentielle surtaxe est de pousser pour le développement de chaînes d'approvisionnement se passant de la Chine», estime William Reinsch, chercheur au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS).
Mais une réussite en la matière ne sera possible, pour Washington, qu'en embarquant d'autres pays dans ses efforts, exactement ce que «cette pénalité vise à encourager», juge Reinsch. «La stratégie chinoise qui consistait à délocaliser l'assemblage final dans des pays comme le Vietnam ou le Mexique, qui avait fonctionné durant le premier mandat de Donald Trump, sera plus difficile à réaliser désormais», pointe Josh Lipsky.
Selon lui, il ne serait pas étonnant que Pékin voit cette surtaxe comme ciblant particulièrement la Chine, «car c'est le cas». «La question sera de voir comment la Chine l'intègre dans un contexte plus large de dégel des relations avec les Etats-Unis ces deux derniers mois.»
Après s'être affrontés à coups de surtaxes, les deux pays ont accepté une trêve commerciale, ramenant leurs droits de douane respectifs à 10% sur les produits américains et 30% sur les produits chinois, trêve qui doit prendre fin le 12 août. Si les négociations entre les deux capitales se poursuivent afin de la prolonger, la décision finale dépendra de Donald Trump.
En attendant, il sera difficile de déterminer d'où viennent réellement les produits, estiment les analystes. Il reviendra aux douanes de déterminer si un produit est en fait importé de manière détournée ou non, selon le degré de transformation dans le dernier pays d'origine.
«Cela va être très compliqué, spécialement pour les pays qui sont économiquement proches de la Chine et s'il n'y a pas de moyens supplémentaires pour aider l'administration des douanes», anticipe William Reinsch.