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Trump souffre du même mal que Poutine: «C’est une arme de guerre»

Trump a la même maladie que Poutine
Trump et son ecchymose à la main droite, Poutine et ses multiples cancers supposés: la santé des chefs d’Etat a toujours été au cœur de l’actualité politique.images: getty, montage: watson

Trump souffre du même mal que Poutine: «Leur santé est une arme de guerre»

Les étranges ecchymoses sur la main droite et les chevilles enflées du président américain font couler beaucoup d’encre. Tout comme le maître du Kremlin ou Joe Biden, le milliardaire de Mar-a-Lago est cerné par des rumeurs persistantes sur sa forme physique et mentale. Une arme politique qui ne date pas d’hier. Coup de fil à Stanis Perez, historien de la médecine et grand connaisseur de la santé des puissants de ce monde.
02.09.2025, 18:5002.09.2025, 18:50
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En ce moment, c’est Trump et son ecchymose à la main droite qui alimentent les rumeurs. En 2024, la santé de Biden, du roi Charles et de Kate faisait la une. Sans oublier que l’on a diagnostiqué toute une série de cancers et de maladies incurables à Vladimir Poutine depuis le début de l’agression de l’Ukraine. Pourquoi la santé des puissants aimante-t-elle à ce point les spéculations les plus folles?
Stanis Perez: La médiatisation des présidents, déjà, que l’on peut aujourd’hui comparer à celle des stars hollywoodiennes. Deuxièmement, la mauvaise santé d’un puissant peut déboucher sur sa mort, donc sur un bouleversement politique. Il y a aussi un troisième élément, psychologique et de l’ordre de la revanche.

De la revanche?
Un dirigeant touché dans sa santé redevient quelque part un être humain ou une créature mortelle, comme vous et moi, malgré l’argent et le pouvoir. Le peuple peut donc ressentir une espèce de revanche de classe.

Dans le sens où nous sommes tous égaux face à la mort.
Oui, voilà.

Un constat qui peut être cauchemardesque, notamment pour des présidents comme Donald Trump ou Vladimir Poutine, qui s’efforcent de démontrer au quotidien qu’ils sont des mâles puissants et indestructibles. Le président américain vient de réagir aux rumeurs en martelant qu’il ne s’est «jamais senti aussi bien qu’aujourd’hui».
Disons que ce sont en premier lieu des personnalités très clivantes et des chefs d’Etat de grandes puissances. Ils n’ont aucun intérêt à se dévoiler comme de simples mortels.

«Il y a Trump et Poutine, mais c’est une attitude que l’on retrouve depuis longtemps, là où le président se considère comme irremplaçable. Pour kidnapper éternellement le pouvoir, il faut forcément démontrer une santé de fer»

En effet, Vladimir Poutine aime souligner qu’il est ceinture noire de judo et qu’il pratique régulièrement des activités sportives. Une puissance physique qui va de pair avec la puissance institutionnelle.

Pourquoi est-ce aussi important de démontrer qu’un président est en très bonne santé, physique et mentale?
Pour répondre à une question à laquelle il est toujours compliqué de répondre, mais absolument légitime, surtout dans une démocratie: sont-ils aptes à gouverner? L’an dernier, malgré un élan de curiosité mal placée autour de la maladie dont pouvait bien souffrir Joe Biden, la question de son aptitude à gouverner la plus grande puissance mondiale a fait basculer la campagne présidentielle.

Et qui a abouti à l’abandon tardif du démocrate, au profit de sa vice-présidente, Kamala Harris...
Je sors tout juste d’une série de conférences autour de la santé des personnalités célèbres dans l’histoire. Nous avons évidemment évoqué ce pauvre Joe Biden, mais cette attention politique sur le bulletin de santé des présidents n’est pas nouvelle. Et le cas de Roosevelt est très intéressant, par exemple.

Roosevelt, c’était la polio, c’est juste?
Alors, on pense que c’est la polio qui l’a emporté, mais il y avait d’autres hypothèses qui circulaient à l’époque, comme une malaria qui aurait mal évolué. Mais Roosevelt a sans doute été le président américain le plus puissant, puisque c’est l’Amérique de la Seconde Guerre mondiale. Il était un grand réformateur, avec Lincoln. Or, il est en fauteuil roulant, les membres inférieurs paralysés. Roosevelt a beau avoir été faible physiquement, il paraissait fort politiquement. Peut-être une exception qui confirme la règle, puisque les Américains préfèrent avoir des présidents qui sont sportifs, en forme et dans l’action.

«Un président se doit d’être souverain. Depuis l’antiquité, on ne peut pas gouverner si l’on est guidé ou affecté par nos émotions, nos vices, nos travers ou la maladie. C’est la hantise des dictatures, mais aussi des démocraties»

C’est donc à cause de cela, notamment, que la santé des présidents est une arme manipulée par ses ennemis et ses détracteurs? Alors que le clan MAGA s’est acharné sur la santé de Biden en 2024, c’est désormais celle de Trump qui est sur le gril.
Oui, mais il faut tout de même rappeler un point qui est incontestable: Joe Biden a dû abandonner à cause du flou autour de sa capacité physique et cognitive à gouverner et les Américains ont voté massivement pour Donald Trump en connaissant son âge avancé et malgré des rumeurs endurantes sur son état de santé mentale.

Si la question de l’aptitude à régner est si importante, pourquoi les candidats à l’élection présidentielle ne sont-ils pas tenus de se soumettre à un examen médical?
C’est normal, du moins compréhensible. Dans le sens où il pourrait y avoir des problèmes de santé au niveau d’un organe, sans que le cerveau ne soit touché. C’est d’abord la santé mentale qui peut être instrumentalisée ou simplement questionnée par l’entourage politique. A la fin de son second mandat, Ronald Reagan, à l’instar de Joe Biden sur scène l’année dernière, s’en sortait avec une petite pirouette humoristique lorsqu’il avait des trous de mémoire.

«Un problème de mémoire chez un chef d’Etat suppose tout de même une détérioration de son esprit critique, une perte d’autonomie. Le cas Biden a été particulièrement catastrophique à ce niveau, donnant l’image d’une nation fragilisée»

La Constitution américaine prévoit d’ailleurs qu’un collège de médecins puisse décréter l’incapacité d’un président à gouverner pour des raisons de santé.

Reste que le président est maître des informations médicales qu’il dévoile ou non au public et à ses électeurs.
Bien sûr. Mais, par ailleurs, un médecin pourrait très bien affirmer que le président n’a plus que trois mois à vivre, d’autres un an ou trente. Que vaut réellement le rapport du médecin du chef de l’Etat, lorsqu’il s’agit de statuer sur sa capacité réelle à gouverner? Et que savent réellement les présidents eux-mêmes? Il faut toujours différencier le diagnostic et le pronostic. Quand Mitterrand est élu en 1981, il a déjà son cancer de la prostate et son médecin lui annonce qu’il n’a plus que quelques mois à vivre. Il a été président pendant 14 ans. C’est une question éminemment complexe.

«Un président qui ne dévoile rien sur sa santé éveille les soupçons, alors que la transparence totale est une porte ouverte aux débats sans fin et à une cacophonie politique. D’autant que rien ne nous assure que tout ce qui est annoncé est vrai»

C’est d’ailleurs souvent l’entourage, la presse et le public qui poussent les chefs d’Etat à s’exprimer sur leur santé, à mesure que des indices ou des rumeurs apparaissent. Hillary Clinton avait, elle aussi, été victime de spéculations autour de sa santé mentale, avec des rictus un peu étranges et des réactions curieuses.

Les Etats-Unis semblent d’ailleurs plus focalisés que d’autres pays sur la santé de leurs présidents, non?
Oui, c’est vrai et c’est notamment dû au fait que les dirigeants américains sont immergés dans le star-system et se comportent comme n’importe quelle célébrité, avec une attention particulière sur le dynamisme, l’apparence, du maquillage aux vêtements, en passant par la chirurgie esthétique.

Les Américains ont pourtant élu récemment des septuagénaires, de Biden à Trump...
Tout à fait, ce ne sont pas les plus jeunes et les plus fringants. Mais l’anecdote sur le débat entre Kennedy et Nixon exprime bien l’importance de la bonne santé apparente dans le jeu politique. Selon un sondage de l’époque, les gens qui avaient suivi le débat à la télévision considéraient que Kennedy dominait le débat, alors que ceux qui l’écoutaient à la radio considéraient que Nixon survolait la joute. L’image de Kennedy lui avait offert un énorme avantage.

L’entourage d’un président joue souvent un rôle prépondérant dans la gestion politique de sa santé. On l’a vu en 2024 avec les proches et la garde rapprochée de Joe Biden qui ont voulu former un rempart autour de lui, face aux attaques incessantes.
Tout à fait. L’entourage joue un rôle majeur, surtout lorsqu’il s’agit de convaincre le président qu’il va très bien et qu’il est apte à gouverner. Si c’est souvent de la bienveillance, on peut aussi tomber sur un entourage qui se réjouit de prendre sa place, poussant le président à avoir une déformation de sa propre perception de la maladie. Même en dictature, d’ailleurs: dans les derniers mois de vie de Franco, sa femme et son gendre ont dirigé l’Espagne à sa place.

Sans oublier que les nations ennemies peuvent modifier leurs stratégies politiques ou militaires en apprenant qu’un dirigeant d’une grande puissance est atteint dans sa santé.
Exactement. Roosevelt en a d’ailleurs fait un peu les frais. Il y a tout un courant aux Etats-Unis qui considère que son état de santé est responsable de sa mauvaise performance durant les négociations de Yalta, offrant à Staline l’opportunité de renforcer son emprise sur l'Europe de l’Est. D’autant que la cigarette du président américain sur la photo historique avait fait jaser à l’époque.

Churchill, Roosevelt et Staline, en février 1945.
Churchill, Roosevelt et Staline, en février 1945. image: getty

En ce qui concerne Poutine ou Trump, pour ne citer qu’eux, on a parfois l’impression qu’évoquer ses nombreuses maladies potentielles trahit un espoir chez leurs ennemis de les voir mourir naturellement, parce qu’impossible à vaincre autrement.
Oui. Durant la Seconde Guerre mondiale, il y avait eu tout un tas de rumeurs sur la santé d’Hitler et de Pétain. Des rumeurs souvent propagées depuis le Moyen-Orient et qui faisaient par exemple état d’une attaque cérébrale du maréchal ou de la mort du Führer, dissimulée à la population. La santé des puissants est à la fois une arme de guerre, par l’intermédiaire de la propagande, et une façon de motiver les troupes, en apprenant que le chef ennemi est peut-être affaibli.

Est-ce que la puissance médiatisée et mise en scène de Trump n’est-elle pas, quelque part, une réponse aux rumeurs entourant son aptitude et aux faiblesses de certains de ses prédécesseurs?
Exactement. On l’a d’ailleurs vu en 2024, Donald Trump en a activement profité avec la tentative d’assassinat à laquelle il a réchappé durant la campagne présidentielle.

«A l’instar de Reagan, qui était plutôt impopulaire jusqu’aux coups de feu contre lui en mars 1981, Trump a propulsé sa popularité en devenant d’un jour à l’autre celui qui a survécu»

Lorsque j’ai vu le candidat républicain se relever et lever son poing en l’air, avec le drapeau américain en arrière-plan, le sang sur son visage et les agents autour de lui, je me suis dit «c’est fini, Trump a gagné». Une image qui restera non seulement dans l’histoire, mais qui dit beaucoup de choses sur l’importance d’un chef d’Etat solide, apte à survivre, aussi bien à un attentat qu’à une maladie, qui plus est mentale. En politique, l’héroïsme est peu compatible avec des fonctions cognitives diminuées.

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image: keystone

La maladie peut aussi attendrir le public. Je parle d’ailleurs souvent de la jurisprudence Reagan, atteint de la maladie d’Alzheimer, dont on disait qu’il était courageux. Nous avons eu le cas avec François Mitterrand en France, au moment où son cancer de la prostate a été révélé publiquement. Certains adversaires politiques réfléchissaient à deux fois avant de l’attaquer frontalement dans les débats. Il y avait un certain respect, du moins à l’époque, pour un homme politique en pleine survie et qui pourtant continue à diriger le pays.

Alors que Biden ou Trump restent peu transparents sur leur état de santé, le roi Charles et la princesse Kate ont dévoilé leurs cancers respectifs. Pour attendrir le public et aimanter une sympathie, justement?
Oui, évidemment. La fragilité peut susciter de l’empathie. Encore que, on ne sait rien de la nature exacte du cancer, ce qui tend à prouver qu’il est agressif et dangereux. La monarchie anglaise, depuis Lady Diana, a été l’objet d’une énorme focalisation, digne des plus grandes stars du divertissement. Elle a donc hérité d’un certain devoir de transparence envers son public, qui est garni de fans plutôt que d’électeurs, n’ayant pas de pouvoir exécutif.

Une transparence maitrisée, puisque, pour la reine, le mot d’ordre a toujours été «never complain, never explain». Il y a eu un changement de communication?
Oui, mais parce qu’il y a aussi eu un changement de génération. Sans compter que les circonstances de la mort de la reine sont encore très floues.

Au final, ne serait-ce pas de notre faute, en élisant des personnes âgées, si la santé de nos dirigeants est continuellement sous le feu de l’actualité?
(Rire) Moi, je suis d’accord, mais on peut malgré tout être jeune et très malade. JFK avait des problèmes de dos et aux articulations et il y a beaucoup de bruits autour de l’état psychologique d’Emmanuel Macron. Si on décidait de fouiller dans le dossier médical des chefs d’Etat âgés de 40 à 50 ans, on trouverait sans doute quelques affections. Et n’oublions pas les addictions, qui peuvent également aboutir à des problèmes de santé.

Les rumeurs de consommation de cocaïne du président français, par exemple...
Oui. Et toute addiction peut devenir un problème politique une fois au sommet de l’Etat, de l’alcool aux médicaments. Qui nous dit que Volodymyr Zelensky ne carbure pas aux anxiolytiques et au somnifère, jusqu’à la dépendance? Cela dit, ça n’aurait jamais la même symbolique qu’un cancer où, là, on peut dire qu’un président ne l’a pas cherché, puisque l’on part du principe qu’un malade est innocent.

* Le Français Stanis Perez, historien de la médecine, a notamment publié La santé des dirigeants français. De François Ier à nos jours, aux éditions Nouveau Monde.

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source: corbis news / view press
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