Pas besoin d'avoir fait de longues études d'histoire de l'art pour comprendre que Donald Trump, l'or, c'est son truc. De ses précieux visas à 5 millions de dollars (les «gold» cards), aux lettres de son nom de famille qui ornent en lettres capitales des centaines de façades d'hôtels à travers le monde, en passant par son penthouse clinquant de la Trump Tower de New York, et son manoir floridien de Mar-a-Lago. Sans oublier les toutes dernières rénovations du Bureau ovale.
Le promoteur immobilier est attiré comme une pie par la teinte chaude du précieux métal.
Une fixette qui rejaillit jusque dans son langage. Depuis le début de son second mandat, le président évoque à toutes les sauces le retour du «Golden Age». Environ une fois par semaine en moyenne depuis son entrée en fonction, selon un décompte de Politico. C'est également devenu un élément incontournable des communiqués de presse de la Maison-Blanche.
Le «Golden Age», une référence directe au «Gilded Age». Un âgé doré qui marque la fin de la guerre de Sécession jusqu'au début du 20ᵉ siècle. Et qui, selon Donald Trump, incarne «l'apogée» des Etats-Unis.
L'âge doré. Le nom tiré d'un livre de Mark Twain, un roman satirique et mordant sur la cupidité et la corruption politique ambiante à l'époque. Une période très intense, aussi, rythmée par un développement économique, technologique et industriel sans précédent. Entre 1865 et 1873, la production industrielle américaine a bondi de 75%, plaçant le pays de l'Oncle Sam devant tous les autres - à l'exception de son grand rival, le Royaume-Uni.
Une époque également marquée par l'émergence de nouvelles fortunes colossales. Des milliardaires dont les noms, Rockefeller, Carnegie ou encore JP Morgan, sont devenus quasi légendaires. Une nouvelle classe industrielle qui s'enrichit notamment grâce aux juteux contrats qu'elle conclut avec le gouvernement - sans véritable considération pour les éventuels conflits d'intérêts.
Autre visage éminent de cette période? Le 25ᵉ président, William McKinley. Une figure politique que Donald Trump a érigée en modèle ces derniers mois. Fort du soutien financier de riches magnats donateurs, cet ardent défenseur des droits de douane, de la protection des entreprises et d'un protectionnisme exacerbé écrasera son adversaire démocrate à la présidentielle de 1897 - non sans avoir d'abord inondé le pays de propagande pro-McKinley au préalable. Ça ne vous rappelle personne?
Preuve de son admiration pour le personnage, quelques heures après son discours d'investiture le 20 janvier, dans lequel Donald Trump évoque un «grand président» et un «homme d'affaires né», il signait un décret pour que le plus haut sommet du pays retrouve son nom de «mont McKinley», annulant au passage une directive de l'administration Obama.
Une drôle d'inspiration, a priori, pour un homme défini comme un populiste et qui a été élu en surfant sur le désarroi de la classe ouvrière blanche. Car derrière sa surface brillante en contreplaqué, l'«âge doré» cache une réalité autrement plus brutale. Loin de la période idyllique dont Trump n'a de cesse de chanter les louanges, l'Amérique de la fin du 19ᵉ siècle est une époque rongée par des inégalités vertigineuses et une corruption généralisée.
Conflits de classe, misère ouvrière, conditions de travail déplorables, baisse des salaires et exploitation généralisée font partie de l'actualité de l'époque. Les soulèvements ouvriers sont réprimés dans le sang.
Rockefeller, Carnegie ou encore JP Morgan, qui s'immiscent sans vergogne dans les affaires du gouvernement, acquièrent quant à eux le titre peu reluisant de «barons voleurs». Leur domination mène le Sénat à être décrit comme un «club de millionnaire», où les intérêts des entreprises priment sur le bien-être public, rappelle l'historien Joshua Zeitz dans une chronique pour Politico Magazine.
Difficile, aujourd'hui, de ne pas voir quelques similitudes entre l'«âge doré» et l'âge Trump. Deux époques secouées, entre autres, par de profonds changements technologiques - réseau ferroviaire et câbles télégraphiques sous-marins pour la première, réseaux sociaux et IA pour la seconde.
Tout comme la présidence de William McKinley a été façonnée à l'époque par des magnats du monde des affaires, l'administration Trump bénéficie des largesses et du soutien de diverses personnalités fortunées. Pour ne citer qu'eux: l'investisseur technologique Peter Thiel, le magnat du pétrole Harold Hamm, le fondateur d'Amazon Jeff Bezos, le PDG de Meta Mark Zuckerberg - et, évidemment, le patron de SpaceX, Elon Musk.
Le «Gilded Adge» a été également marqué par l'expansion territoriale, avec notamment l'annexion d'Hawaï et la saisie de Guam, des Philippines et de Porto Rico en 1898 – des acquisitions qui font écho au désir de Trump de prendre le contrôle du Groenland et du canal de Panama.
Et comme pour William McKinkey à l'époque, malgré un attrait massif auprès des électeurs blancs de la classe ouvrière, la présidence de Donald Trump se présente désormais davantage comme une aubaine pour les magnats actuels que pour le travailleur moyen.
Si McKinley s'est éloigné lui-même, à la fin de son mandat, des tarifs douaniers agressifs qu’il avait promus pendant la majeure partie de sa vie politique, il faudra qu'il meure assassiné d'une balle dans le ventre pour qu'une nouvelle ère politique démarre. En réponse aux extrêmes de l'âge doré, une vague de réformes progressistes déferle sur les Etats-Unis entre les années 1900 et 1920, sous l'impulsion du nouveau président Theodore Roosevelt.
Reste à savoir comment - et si - le nouvel «âge d'or» de Trump continuera encore longtemps à s'inspirer de son prédécesseur du début du siècle dernier. Après tout, les choses dorées sont rarement authentiques – et les gens finissent, tôt ou tard, par s'en rendre compte.