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L'Eglise retient son souffle: qui succédera au pape François?

FILE - Italian Cardinal Giacomo Biffi, center, takes an oath at the beginning of the conclave to elect the next pope in the Sistine Chapel at the Vatican, Monday, April 18, 2005. (AP Photo/Osservatore ...
Dès mercredi les cardinaux voteront quatre fois par jour.Keystone

L'Eglise retient son souffle avant le début du conclave

Les cardinaux électeurs se réunissent encore ce lundi à huis clos pour dresser le portrait robot du nouveau pape et les priorités pour le prochain pontificat. Le conclave débute mercredi à 16h30.
05.05.2025, 09:3005.05.2025, 09:30
Clément MELKI, Claire GALLEN / afp
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Quelle direction pour l'Eglise catholique? A Rome et dans le monde, des millions de fidèles retiennent leur souffle avant l'ouverture mercredi d'un conclave à l'issue très incertaine, lors duquel 133 cardinaux éliront le successeur du pape François.

Comme depuis le début de la période «Sede Vacante» (la vacance du Saint-Siège entre le décès d'un pape et l'élection de son successeur), les membres du Sacré Collège se retrouvent lundi matin en «congrégations générales», des réunions à huis clos lors desquelles ils dressent le portrait robot du successeur de François et les priorités pour le prochain pontificat.

Une réunion supplémentaire est prévue lundi après-midi, pour la première fois depuis le décès du pape.

Le conclave le plus international de l'Histoire

Parmi les membres du Sacré Collège figurent un nombre record de 133 électeurs - ceux âgés de moins de 80 ans -, qui s'attèleront dès mercredi après-midi à la lourde tâche d'élire le successeur du pape François, décédé le 21 avril à 88 ans. Un «pape révolutionnaire» pour certains, dont le pontificat fut, pendant douze ans, marqué par une très grande popularité mais aussi une farouche opposition interne.

Artisan d'une profonde réforme de l'institution deux fois millénaire, le jésuite argentin a nommé quelque 80% des électeurs, notamment dans des pays marginalisés par l'Eglise ou éloignés de l'Europe. Conséquence de ce remodelage: avec 70 pays des cinq continents représentés, un record, ce conclave s'annonce déjà comme le plus international de l'Histoire, mais aussi parmi les plus ouverts.

Des Italiens Pietro Parolin et Pierbattista Pizzaballa au Maltais Mario Grech en passant par l'archevêque de Marseille Jean-Marc Aveline ou le Philippin Luis Antonio Tagle, plusieurs noms ont émergé parmi les «papabili,» considérés comme favoris. Nombre d'entre eux, suivis par une nuée de journalistes, ont célébré chacun dimanche la messe dans l'église de Rome qui leur est échue au moment de leur nomination.

Les cardinaux voteront quatre fois par jour

Mais, à l'image de l'élection de Jorge Bergoglio en 2013, «une surprise» est aussi possible, prévient auprès le vaticaniste italien Marco Politi, qui évoque «le conclave le plus spectaculaire des cinquante dernières années». Une mise en garde rappelant un dicton célèbre à Rome: «Qui entre pape au conclave en ressort cardinal.»

«Qui entre pape au conclave en ressort cardinal»

Au Vatican, les préparatifs battent leur plein depuis plusieurs jours, avec l'aménagement de la chapelle Sixtine qui abritera cet impressionnant cérémonial hérité du Moyen-Âge à partir de mercredi 16h30 dans le décor majestueux des fresques de Michel Ange, dont l'impressionnant Jugement Dernier.

Les jours suivants, coupés du monde, les cardinaux voteront quatre fois par jour - deux fois le matin, deux l'après-midi - à bulletins secrets, qui seront ensuite brulés dans un poêle. Le monde aura alors les yeux rivés sur la cheminée métallique perçant le toit de la chapelle, d'où émanera, tous les deux tours de scrutins, une fumée blanche en cas d'élection, ou noire si la majorité des deux tiers - 89 voix - n'est pas atteinte.

Sur la place Saint-Pierre dimanche, quelques fidèles ont confié leurs espoirs et attentes. «J'espère que ce sera quelqu'un dans l'esprit de François sur les droits de l'Homme, les minorités, les LGBT, l'environnement...»", veut croire Valeria Sereni, une Italienne de 30 ans.

«La nationalité ne compte pas. François a ouvert une nouvelle voie et quelqu'un doit continuer»

Lionel Ribeiro, un jeune Mozambicain de 21 ans, estime lui que «ce serait bien d'avoir un pape africain. (...) Ce serait formidable, ce serait juste».

Quant à Mariz Greuter, une septuagénaire allemande, elle espère que le prochain pape marchera «dans les pas de François, pour que les femmes aient plus de voix dans l'église». Et ne mâche pas ses mots: «Le pape est assis au sommet d'une montagne de vieux bonhommes! Le prochain doit aller plus loin.»

Ce conclave suscite un intérêt inédit

Violences sexuelles, crise des vocations, place des femmes... Nombreux sont les défis attendant le 267e pape, à la fois chef d'Etat et boussole morale dans un monde en proie à des conflits majeurs et marqué par la montée des gouvernements populistes, le développement de l'intelligence artificielle et la crise écologique.

Couvert par quelque 5000 journalistes, ce conclave suscite un intérêt inédit dans le monde, bien au-delà des sphères religieuses, à l'image des millions d'euros de paris sur l'identité du prochain pape, du succès des jeux en ligne ou des records du film américano-britannique avec Ralph Fiennes, sorti en 2024.

L'Europe étant désormais «vieille et fatiguée», il serait «naturel» que le prochain pape vienne «d'Afrique ou d'Asie», a jugé le cardinal suédois Anders Arborelius dans un entretien publié dimanche par le journal italien La Repubblica.

Pour le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d'Alger, la ligne de fracture entre cardinaux «n'est ni Nord-Sud, ni fonction des périphéries», mais s'articule plutôt entre «ceux qui jugent nécessaire de recadrer les choses et d'autres qui appellent à poursuivre le chantier», a-t-il confié.

Une opinion qui résonne avec le voeu exprimé par Michelina Lavoratore, une fidèle canadienne de 72 ans en visite au Vatican dimanche:

«J'aime l'Eglise traditionnelle et j'espère que le pape conservera les traditions que nous avons depuis 2000 ans et qu'il ne les changera pas»

Face aux profondes divisions traversant l'Eglise, «on peut dire ironiquement qu'il y a le choix entre un pape qui freine et un pape qui avance très lentement. Car on le sait, il n'y aura pas de François II», prédit Marco Politi.

Le prochain pape devra être une figure de «consensus» capable de «raccommoder» les différents courants à travers davantage de collégialité, estime-t-il.

Qu'est-ce qu'un cardinal?
Un cardinal est un haut dignitaire de l'Eglise catholique choisi par le pape et chargé de l'assister dans son gouvernement. Les principaux dicastères (ministères) de la curie (le gouvernement du Vatican) sont, pour la plupart, dirigés par des cardinaux.Leur titre exact est «cardinal de la Sainte Eglise romaine» (Sanctæ Romanæ Ecclesiæ cardinalis). Réunis au sein du collège des cardinaux présidé par un doyen - actuellement l'Italien Giovanni Battista Re, 91 ans - ils forment la plus haute sphère de l'Eglise catholique.

Cardinal étant un titre et non une fonction, nombre d'entre eux sont évêques d'un diocèse dans le monde, tandis que d'autres, qui occupent des fonctions dans la curie, vivent à Rome.

Il y a actuellement 252 cardinaux, dont seuls 135 électeurs, ceux âgés de moins de 80 ans, sont invités à participer au conclave. Ces derniers ont ainsi la lourde tâche d'élire un nouveau pape en cas de mort ou de renonciation. Ils se réunissent dans la chapelle Sixtine du Vatican en respectant un cérémonial et des règles très strictes.

Les cardinaux sont «créés» (terme issu du droit romain désignant la nomination d'un magistrat, signifiant que la dignité émane de leur personne, et ne vise pas à pourvoir un poste ou une fonction vacante) par décret du pape publié devant le collège des cardinaux réuni en consistoire, en tant qu'«hommes remarquables par leur doctrine, leurs moeurs, leur piété et leur prudence dans la conduite des affaires».
On dit d'une personne nouvellement nommée qu'elle est «élevée à la pourpre cardinalice».

L'insigne distinctif des cardinaux est la couleur rouge, dite «pourpre cardinalice», couleur du Sénat romain, du pouvoir, du prestige et de l'autorité, rappelant le sang versé par le Christ lors de sa passion. Les cardinaux portent l'anneau, qui traditionnellement est de saphir et, même s'ils n'ont pas reçu la consécration épiscopale, ils utilisent la croix pectorale, la crosse et la mitre.

La nomination de cardinaux est une indication politique sur le pontificat en cours et l'élection du prochain pape. Le pape François s'est ainsi attaché durant son pontificat à nommer des cardinaux issus des «périphéries» du monde catholique, par exemple d'Asie.

Les cardinaux, qui ont le titre d'«Eminence», ont partout préséance, sauf en présence du pape. Ils peuvent officier pontificalement dans toutes les églises hors de Rome. Ils peuvent aussi être enterrés dans les églises. Le concile Vatican II a considérablement réduit les privilèges accordés à ses plus hauts prélats, en supprimant par exemple l'obligation de réserver un compartiment entier lors des déplacements ferroviaires. Le concile a également aboli l'obligation pour un cardinal de résider dans un palais comportant au moins une salle du trône et une salle d'attente ainsi que deux escaliers distincts, l'un noble et l'autre de service. En 2023, le pape François a décidé de mettre fin aux avantages immobiliers dont bénéficiaient jusqu'ici cardinaux et hauts-fonctionnaires du Saint-Siège, notamment leur exemption de loyer. En 2021, pour assainir les finances du Saint-Siège frappées de plein fouet par la pandémie de Covid-19, le pape argentin avait déjà réduit les salaires des cardinaux, prélats et responsables des dicastères.
La vie du pape François
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La vie du pape François
Le pape François a été le chef de l'Église catholique pendant 12 ans, 1 mois et 8 jours.
source: sda / frustaci
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