Le Vatican, bastion de la foi catholique, est-il sur le point de devenir la dernière entreprise à avoir besoin d’un plan de redressement? Une chose est certaine: la future gestion du Saint-Siège, sous la houlette du prochain pape, devra se faire avec une bonne dose de pragmatisme économique.
Comme le rapporte 24 Heures, l’Eglise catholique fait aujourd’hui face à une montagne de dettes et à des dépenses qui semblent surpasser les recettes, malgré sa fortune apparemment colossale.
Le successeur de François, loin de se contenter d’une auréole spirituelle, devra se retrousser les manches et agir en véritable gestionnaire de crise. Bienvenue dans un Vatican où les économies d’échelle ne sont plus une option, mais une nécessité.
Quand on pense à la richesse du Vatican, on imagine une mine d’or aussi inépuisable que le Saint-Graal. Et pourtant, sous l’armure étincelante de son patrimoine culturel et spirituel, le Saint-Siège lutte contre les millions qui lui manquent.
Selon les derniers chiffres communiqués par le Vatican, en 2023, l'institution a souffert d’un manque à gagner de 83,5 millions d'euros sur un budget de 1,2 milliard, ce qui représente un déficit de 7%. Un déficit qui oscille depuis plusieurs années déjà entre 50 et plus de 80 millions d'euros par année, comme le rapporte Le Figaro.
Et les musées du Vatican, qui attirent des millions de visiteurs chaque année, ne suffisent plus à compenser les coûts faramineux du personnel et des travaux de restauration des bâtiments historiques. Bien que des mesures comme l’augmentation des prix d’entrée aux musées aient été prises pour pallier ce manque à gagner, l’ensemble reste insuffisant pour équilibrer les comptes.
Ceci alors que les dons des fidèles connaissent depuis des années une tendance à la baisse, notamment dans les pays riches où la pratique religieuse est en déclin. Le journal Le Monde en faisait déjà état en… 2018.
La Tribune de Genève, elle, écrivait il y a quelques semaines que le fonds alimenté une fois par an par une quête mondiale pour financer le pape et ses œuvres «pour un bon quart par les catholiques américains aurait chuté de moitié depuis une dizaine d’années».
Rien de tout cela n’est une surprise, en réalité. Depuis son arrivée en 2013, le pape François a entamé une série de réformes pour moderniser le système financier du Vatican. Au programme: une plus grande transparence, la supervision des finances et une réforme de la banque du Vatican, l'IOR, secouée par des scandales de corruption et de spéculation immobilière.
Et le pape n’a pas fait dans la demi-mesure. Comme le rapporte La Croix, la lutte contre le blanchiment d’argent avait déjà été engagée sous Benoit XVI. François a poursuivi cet engagement pour mettre un terme à des pratiques financières douteuses et exigé des comptes clairs de la part de la banque, un véritable nettoyage après des années d’opacité.
Mais derrière cette volonté de transparence se cache un profond malaise parmi les collaborateurs du Vatican. Comme l’écrit 24 Heures, l’association des employés laïcs déplore des conditions de travail qui se détériorent, avec des heures supplémentaires non rémunérées et une pression accrue, le tout dans un climat d’austérité.
Le pape a ainsi imposé des restrictions sévères sur les embauches et sur les rémunérations. Résultat: des tensions sociales qui n’ont pas fini de faire parler. Difficile d’imaginer comment son successeur pourrait assumer l’équilibre entre discipline budgétaire et satisfaction des employés, entre rigueur économique et mission pastorale.
Le futur pape devra endosser un rôle inédit: celui de manager de crise. Les défis économiques auxquels il devra faire face sont d’autant plus grands que le Vatican a des dépenses élevées dans des domaines comme la charité (essentielle à la mission de l’Eglise), mais des recettes qui stagnent ou diminuent. Comme l’écrit Le Monde, le défi sera de réussir à préserver les missions du Saint-Siège tout en ramenant l’institution sur une trajectoire de rentabilité.
Les critiques ne se sont pas fait attendre. 24 Heures souligne que l’un des plus gros enjeux pour le prochain pape sera de stabiliser le fonds de pension des employés du Vatican, qui est aujourd'hui dans une situation préoccupante. Le pape François a nommé un cardinal spécialisé dans la gestion d’entreprise pour superviser ce dossier sensible. Mais le vrai test pour le successeur de François sera de trouver un équilibre entre l’austérité et les attentes d’un personnel de plus en plus nombreux et diversifié.
Ce ne sera pas une mince affaire, tant les habitudes et la bureaucratie vaticane ont la vie dure. Pourtant, un renouveau est inévitable si le Vatican veut traverser les défis des prochaines décennies sans se laisser engloutir par ses dettes. Il ne pourra pas continuer à (sur)vivre en jonglant entre la foi et la splendeur éternelle des églises.
Les yeux sont désormais tournés vers le conclave, qui débutera le 7 mai, et le prochain pape, qui devra trouver un équilibre entre les codes anciens et le besoin urgent de transformation économique. Un rôle à la fois spirituel, quasi céleste… et terriblement terrestre.