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Etats baltes et énergie: Poutine perd un «outil de chantage»

Samedi, Poutine perdra un «outil de chantage géopolitique»

L'énergie est pour la Russie un levier majeur de son soft power. Ce week-end, les Etats baltes rompront leur lien avec Poutine et déconnecteront l'enclave de Kaliningrad du réseau.
05.02.2025, 16:5305.02.2025, 16:53
aulius JAKUCIONIS / afp
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Les trois pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, s'apprêtent à se déconnecter du réseau électrique russe samedi, et couper ainsi définitivement leurs liens énergétiques avec Moscou qui datent de l'ère soviétique, une démarche attendue depuis longtemps.

Une horloge numérique géante installée à Vilnius fait le décompte des heures qui séparent les Baltes de la pleine intégration avec le réseau électrique européen. Des célébrations officielles sont prévues dans les trois pays, mais certains consommateurs craignent des perturbations potentielles.

Samedi, la Lettonie coupera physiquement un câble électrique la reliant à la Russie, et Ursula von der Leyen, cheffe de la Commission européenne, est attendue dimanche à Vilnius pour une cérémonie en compagnie des dirigeants baltes:

«Difficile de croire que nous sommes enfin arrivés à la ligne d'arrivée. C'est la dernière étape de notre lutte pour l'indépendance énergétique. Nous pouvons enfin prendre les choses en main.»
Le ministre lituanien de l'Énergie, Zygimantas Vaiciunas.
Enclave et oblast russe de Kaliningrad.
Autrefois sous domination soviétique, les trois pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) font partie de l'UE et de l'Otan depuis 2004. En rose, l'enclave russe de Kaliningrad.

Les préparatifs à l'intégration au réseau européen ont pris de longues années en raison de nombreux problèmes technologiques et financiers, et la nécessité de diversifier entretemps leurs sources d'approvisionnement via notamment des câbles sous-marins.

Le passage est devenu urgent après l'invasion russe de l'Ukraine en 2022 qui a éveillé chez les Baltes la crainte d'être les prochains visés par Moscou.

Les trois capitales ont cessé d'acheter du gaz et de l'électricité russes depuis, mais leurs réseaux électriques sont restés connectés à la Russie et à la Biélorussie, la régulation de la fréquence étant contrôlée depuis Moscou. Aussi dépendent-ils toujours de Moscou pour un flux d'électricité stable, chose cruciale pour les appareils nécessitant une alimentation électrique fiable, notamment dans des processus industriels.

Le ministre de l'énergie de la République de Lituanie Zygimantas Vaiciunas (à gauche) et le ministre ukrainien de l'énergie German Galushchenko.
Le ministre de l'énergie de la République de Lituanie Zygimantas Vaiciunas (à gauche) et le ministre ukrainien de l'énergie German Galushchenko.Image: www.imago-images.de

Après la synchronisation, les pays baltes réguleront leur propre fréquence de manière indépendante:

«Nous ôtons à la Russie la possibilité d'utiliser le système électrique comme outil de chantage géopolitique. Jusqu'à présent, la Russie a pu utiliser l'énergie comme une arme, créant le risque de perturbations électriques imprévues dues à des décisions politiques»
Le ministre lituanien de l'Énergie, Zygimantas Vaiciunas.

Démanteler l'ancien réseau

Le samedi 8 février à 7H00 GMT, les Etats baltes se déconnecteront définitivement du réseau électrique russe et fonctionneront en «mode isolé» pour le reste de la journée.

«Nous devons effectuer des tests pour garantir à l'Europe la stabilité de notre système énergétique. Nous allons éteindre et relancer les centrales électriques, observer les fluctuations de fréquence et évaluer notre capacité à les contrôler»
Rokas Masiulis, directeur de Litgrid, l'opérateur public du réseau électrique lituanien.

Les Etats baltes vont s'intégrer au réseau électrique européen via la Pologne, les responsables lituaniens et polonais entamant le processus de synchronisation aux alentours de midi dimanche.

«En termes simples, le seul changement consistera à ce que notre fréquence commencera désormais à fluctuer en synchronisation avec l'Europe», a expliqué Rokas Masiulis.

La Lituanie a mis en garde contre des risques potentiels liés à cet événement:

«La Russie souhaite discréditer la décision des pays baltes de se déconnecter du réseau BRELL, ce qui signifie que divers risques à court terme sont possibles, tels que des opérations cinétiques contre des infrastructures critiques, des cyber-attaques et des campagnes de désinformation.»
Le département de la sécurité de l'État lituanien.

L'opérateur du réseau électrique polonais PSE a aussi annoncé l'envoi de ses hélicoptères et ses drones pour patrouiller la connexion avec la Lituanie.

Plusieurs câbles sous-marins de télécommunications et d'énergie ont été endommagés en mer Baltique ces derniers mois. Des experts et des hommes politiques ont accusé la Russie de mener une guerre hybride, ce que Moscou dément.

Pas d'impact négatif sur les consommateurs

Un total de 1,6 milliard d'euros a été investi dans les trois pays baltes et en Pologne dans le projet de synchronisation.

Les consommateurs ne devraient pas subir de perturbations pendant ce processus:

«Les gens ne devraient ressentir aucun impact négatif et je ne prévois pas de discontinuations d'approvisionnement»
Le ministre lituanien de l'Énergie, Zygimantas Vaiciunas.

Mais en Estonie, les ventes de générateurs électriques ont fortement augmenté, les consommateurs craignant des interruptions possibles:

«Nous ne pouvons pas révéler de chiffres exacts, mais il est vrai que les ventes de janvier montrent une augmentation claire de l'intérêt pour les générateurs»
Margo Pruunlep, responsable du magasin d'équipements domestiques Ehituse ABC.

Selon Priit Vaio, responsable des ventes d'un autre magasin du secteur, Bauhof, «en janvier 2025, les ventes de générateurs ont augmenté de plusieurs dizaines de fois par rapport à la même période l'année dernière».

Les trois pays baltes augmentent parallèlement leur capacité de production locale d'énergie, y compris avec des parcs éoliens offshore prévus en mer Baltique.

A la suite du découplage, le système énergétique de l'enclave russe de Kaliningrad fonctionnera désormais en «mode insulaire», sans connexion au réseau de la Russie continentale. Interrogé sur cette coupure imminente, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré la semaine dernière que la Russie avait «pris toutes les mesures nécessaires pour garantir le fonctionnement fiable et ininterrompu» de son système énergétique unifié.

© Agence France-Presse

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