Que va-t-il se passer quand la guerre contre l'Ukraine se terminera? Si l'on écoute les pays baltes, on obtient une réponse presque unanime: la quête expansionniste et d’ancienne gloire de la Russie ne sera pas terminée, surtout si elle atteint certains de ses objectifs en Ukraine.
Face à cela, les pays baltes, mais aussi la Pologne et d'autres pays du flanc est de l'Otan, se préparent d'ores et déjà à l'urgence: une éventuelle attaque russe sur leur territoire:
Car jusqu'à présent, personne ne peut dire quand la guerre sera terminée.
Mais comment les pays d'Europe de l'Est, qui constitueraient probablement la première ligne de défense en cas d'attaque, comptent-ils utiliser ce temps? Dans les pays baltes et en Pologne, mais aussi dans la région de la mer Baltique, où deux nouveaux membres, la Finlande et la Suède, ont rejoint l'Otan cette année et l'année dernière, les préparatifs vont déjà bon train. Le mot d'ordre est de dissuader la Russie à temps afin qu'elle n'ait même pas l'idée de chercher une nouvelle escalade militaire en Europe.
L'ancien chef d'état-major de l'armée polonaise, Rajmund Andrzejczak, a donné la marche à suivre lors de la conférence «Defending Baltics»:
Rajmund Andrzejczak suppose qu'en cas de victoire russe en Ukraine, le Kremlin déploierait des divisions dans les villes biélorusses de Brest et Hrodna ainsi que dans la ville ukrainienne de Lviv.
La Pologne et la Lituanie sont donc particulièrement menacées. La frontière entre les deux pays, longue d'une centaine de kilomètres seulement, est appelée le corridor de Suwalki. L'enclave russe de Kaliningrad est également située à proximité immédiate de cette frontière. Selon les experts du groupe de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, c'est également là que la Russie cache le quartier général de sa flotte de la mer Baltique et son vaste arsenal d'armes comprenant des missiles de croisière, des missiles sol-air et même des armes nucléaires.
Rajmund Andrzejczak a affirmé que la réponse à une agression russe ne devait se produire «dès la première minute». Toutes les cibles stratégiques situées dans un rayon de 300 kilomètres doivent être frappées. «Nous attaquerons directement Saint-Pétersbourg», a assuré l'ancien chef d'état-major dans le Bild. La Pologne acquiert à cet effet «800 missiles d'une portée de 900 kilomètres».
Le commandant en chef de l'armée lituanienne, Raimundas Vaiksnoras, qui n'a été nommé qu'en juillet, a également appelé à une réaction rapide:
L'article cinq du traité de l'Otan stipule: si un membre est attaqué, on considère qu'il s'agit d'une attaque contre tous les partenaires.
Face à cette situation, la Lituanie prend, elle aussi, déjà des mesures. Ainsi, le pays a déjà signé un contrat avec les Etats-Unis en 2022 pour l'acquisition de huit lance-roquettes multiples Himars, qui se sont avérés efficaces lors de leur utilisation en Ukraine. Ceux-ci ont une portée d'environ 300 kilomètres. Les premiers de ces modèles d'armes devraient être livrés l'année prochaine.
En outre, les Etats baltes renforcent ensemble leur ligne de défense le long de la frontière russe. La Lituanie a installé des «dents de dragon» - des blocs de béton en forme de pyramide servant de barrières contre les chars - sur les ponts traversant la rivière Neman qui sépare le pays de Kaliningrad. En outre, selon un rapport du quotidien britannique Telegraph, on y aurait posé des mines, installé des mitrailleuses et des barbelés le long de la frontière.
En janvier dernier, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie s'étaient déjà mises d'accord sur la mise en place d'une ligne de défense commune. Il est probable que les mesures lituaniennes en fassent partie. Dans ce contexte, l'Estonie avait promis la construction de quelque 600 bunkers pour environ 60 millions d'euros. Les travaux de construction le long de la frontière, longue de près de 30 kilomètres, devraient commencer l'année prochaine.
En Estonie, on ne se fait apparemment pas d'illusions sur la capacité des bunkers à arrêter l'armée russe. Martin Herem, ancien général de l'armée estonienne, a expliqué en mai, selon le portail spécialisé Breaking Defense, que l'idée était plutôt de «canaliser» une invasion russe. Mais pour cela, il faut disposer de moyens supplémentaires pour effectuer des frappes de grande envergure sur le territoire russe.
En outre, selon le rapport du Bild, les Etats baltes veulent également attaquer dans le cyberespace. Un expert de la région, dont l'identité n'a pas été révélée, a expliqué au journal qu'en cas d'attaque, il s'agirait de provoquer un «choc systémique» en Russie:
Les Scandinaves sont également en alerte: la Suède, par exemple, s'inquiète pour l'île de Gotland et a déjà mis en garde contre l’intérêt que pourrait avoir la Russie sur cette zone stratégique. Le commandant en chef suédois Micael Byden l'a résumé ainsi en mai:
Le ministre suédois de la Défense Pal Jonson a récemment déclaré au journal polonais Rzeczpospolita que son pays ne pouvait pas exclure une attaque de la Russie. Il a ajouté que Moscou avait déjà montré qu'elle était prête à prendre des risques politiques et militaires.
On s'inquiète aussi à propos des perturbations massives des GPS enregistrées depuis des années dans la région de la mer Baltique ou sur les projets suspects de la Russie de repousser unilatéralement les frontières maritimes, qui ont provoqué l'émoi en mai dernier.
Les experts ne mettent toutefois pas seulement en garde contre une éventuelle confrontation avec la Russie, mais aussi contre la guerre hybride menée par le Kremlin:
De telles attaques hybrides se déroulent en dessous du seuil de l'article cinq du traité de l'OTAN, l'Alliance ne peut donc pas faire grand-chose contre elles:
Traduit de l'allemand par Anne Castella