Donald Trump pourrait reprendre la présidence de la première puissance économique mondiale le 5 novembre prochain. Le Fonds monétaire international s'en inquiète dans un nouveau rapport. Il met en garde contre des «chocs négatifs» résultant de «la politique incertaine des gouvernements nouvellement élus». Il pourrait en effet y avoir plusieurs effets Trump.
L'incertitude qui entoure la ligne du républicain constitue un problème en soi, comme l'explique un autre milliardaire américain haut en couleur. Mark Cuban est riche parce qu'il avait déjà vendu son entreprise quand elle a coulé après un krach boursier. Et il est connu dans tout le pays comme le propriétaire d'un célèbre club de basket-ball. Aujourd'hui, Cuban s'insurge contre Trump à chaque fois qu'on lui donne la parole.
«Comment une entreprise peut-elle se préparer à ce qu'il va dire s'il ne le sait pas lui-même?», demande-t-il. Pour l'entrepreneur, il faut un minimum de bon sens et de fiabilité en politique.
Même aux yeux de ses copains milliardaires, Trump a l'air incontrôlable, alors que beaucoup pensent avec arrogance être supérieurs à lui et pouvoir le manipuler. Pour Elon Musk, le patron de Tesla, par exemple:
Le candidat républicain semble quand même avoir un seul et vrai objectif: augmenter les droits de douane, encore et toujours. Sans préciser exactement à combien ils s'élèveront, Trump a déjà cité de nombreux chiffres. Ils seront certainement très élevés: 10, 20, voire 50% sur tous les produits étrangers, 60% sur ceux en provenance de Chine.
Cela représenterait une rupture «historique» avec le système de libre-échange actuel, explique au Washington Post un professeur d'économie spécialisé dans la politique commerciale du pays. Cela couperait les Etats-Unis de la Chine et de l'Europe et ramènerait les relations commerciales «au 19e siècle». Un «choc d'une force inouïe, qui ébranlerait les Etats-Unis de façon complètement imprévisible».
Le New York Times avance tout de même quelques estimations. Des droits de douane de 20% provoquerait une sévère hausse du coût de la vie. Les ménages moyens s'appauvriraient de 4%. Et ce n'est pas tout: le pays renouerait avec une inflation marquée, alors que celle-ci semblait tout juste vaincue et que la banque centrale américaine, la Fed, a pour la première fois baissé ses taux directeurs. Les taux d'intérêt remonteraient.
Mais il en faudra davantage pour absorber le choc Trump. L'Union européenne devrait riposter en imposant des droits de douane sur les produits américains, quitte à alimenter sa propre inflation et à contraindre la Banque centrale européenne à relever ses taux directeurs. Les chaînes d'approvisionnement tout juste rafistolées pourraient à nouveau se délier, d'autres pays encore augmenteraient leurs droits de douane - et ainsi de suite. Les conséquences sont en effet difficilement prévisibles.
Comme d'autres petits états, la Suisse tentera de limiter la casse. Elle devrait pouvoir compter sur sa monnaie: lorsque l'économie mondiale est en baisse, le franc suisse reste en hausse. Le nouveau patron de la Banque Nationale suisse, Martin Schlegel, devrait abaisser fortement les taux directeurs - ce qui rimerait avec le retour des taux d'intérêt négatifs, comme avant la crise du Covid. De quoi intensifier la pression sur l'immobilier.
Tout ce chaos ne dérange pas le candidat républicain. Il pense détenir la solution et pouvoir forcer les entreprises étrangères à construire de nouvelles usines en imposant des droits de douane. Le fait qu'il déclenche ainsi une guerre commerciale mondiale lui importe peu. Les droits de douane sont son «dada», «la meilleure invention de tous les temps» et, comme l'écrit le New York Times, «pour lui, la réponse à presque tous les problèmes».
Donald Trump se fiche de la position de l'Europe sur ces questions; il ne semble de toute façon pas la porter dans son coeur. Les déficits commerciaux avec le Vieux continent sont «fous», a-t-il déclaré dans une interview, avant d'ajouter:
L'expulsion des onze millions de personnes vivant actuellement aux Etats-Unis sans titre de séjour demeure néanmoins le projet le plus risqué du milliardaire. Cela représentent 3,3% de la population. Selon Bloomberg, Trump aurait annoncé «la plus grande déportation intérieure de masse de l'histoire nationale» et l'aurait justifiée par une rhétorique explicitement nazie, parlant de «vermine» qui «empoisonne le sang de notre pays».
Voici donc comment il s'exprime régulièrement, à l'image de ses soutiens et de ses fans. Ils l'acclament brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire: «Oui à la déportation de masse». Un think tank s'en est suffisamment inquiété pour calculer avant le scrutin le coût économique d'une telle manoeuvre - il serait absurdement élevé.
Pour expulser onze millions d'individus, Washington débourserait au total près de 1000 milliards de dollars sur une période de onze ans. Elément le plus onéreux: la construction de centaines, voire de milliers de centres de détention pour arrêter, retenir et expulser les immigrés. Avec cet argent, les Etats-Unis pourraient bâtir plus de 40 000 écoles ou 2,9 millions de logements.
Et ce ne serait pas tout. En tant que clients, contribuables et travailleurs, les «déportés» laisseraient un vide considérable. Il faudrait alors repourvoir 12% des postes dans le bâtiment, et jusqu'à 30% pour des métiers comme peintre, plâtrier ou couvreur. Dans les hôtels et les restaurants, ce serait 7%, et 25% des emplois du secteur de la propreté.
Les Etats-Unis pourraient perdre jusqu'à 6,8% de leur performance économique totale, soit 1700 milliards de dollars. Un montant bien supérieur à la grande crise financière de 2007 à 2009, lorsque la Suisse s'était vue dans l'obligation de sauver UBS.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)