Face aux outrances d'un Donald Trump clairement de droite, Kamala Harris est censée représenter le camp de la gauche aux Etats-Unis. Pourtant les choses ne sont pas forcément aussi claires. En France, certains médias la taxent de centre gauche ou même de centre droit. De son côté, Trump accuse Harris d'être «une marxiste» et «une communiste».
Alors, de quel bord est réellement la candidate démocrate?
«Au Etats-Unis, le centre de gravité de la gauche est plus à droite qu'il ne l'est ici en Europe», cadre d'emblée David Sylvan, professeur de Sciences politiques à l'Institut des hautes études internationales de Genève (IHEID). A ses yeux, la gauche américaine est «en avance par rapport à la gauche européenne concernant les questions sociales telles que les questions raciales, LGBTQIA+ ou des femmes».
Pour poser le contexte, David Sylvan rappelle quelques éléments du passé de Kamala Harris: ses parents étaient des activistes, la candidate démocrate se situait très à gauche de son parti en Californie et, lors de sa vice-présidence, elle a beaucoup insisté sur la représentation des femmes, des minorités et a adopté une série de positions qui s'apparenterait au centre du parti démocrate.
Plus globalement, le spécialiste souligne:
Ainsi, Kamala Harris se place plus à gauche, par exemple, qu'un Barack Obama qui apparaissait plus comme un «centre droit».
Si le professeur qualifie Kamala Harris «de foncièrement woke» sur les thématiques sociales, il place l'actuelle vice-présidente «entre centre et centre gauche sur les questions internationales. En ce qui concerne la politique nationale, elle se situe centre gauche».
Au-delà de la position de la candidate démocrate, c'est aussi la politique américaine qui a évolué. «L'opposition de la gauche et de la droite était bien plus floue auparavant», renseigne David Sylvan. Il prend l'exemple de ses parents qui votaient démocrate, mais qui n'hésitaient pas, par exemple, à voter pour un candidat républicain pour des élections locales.
Pourtant, lors des campagnes récentes, le clivage est tel que David Sylvan et ses collègues l'ont qualifié de «polarisation affective». Les émotions sont si considérables que les électeurs se sentent coupables de voter pour un républicain ou un démocrate.
Mais l'expert insiste sur le fait que les choses sont en train de changer outre-Atlantique. Il cible l'appui de Liz Cheney, ultraconservatrice et épouse de Dick Cheney, ancien vice-président sous George W. Bush à Kamala Harris. «Son intervention est perçue comme une permission (Permission structure, en anglais) pour les républicains de ne pas avoir d'états d'âme s'ils veulent voter Harris», assure David Sylvan.
L'expert explique qu'il y a eu «un affolement dans le clan des démocrates (réd: qui découlait du débat entre Trump et Biden en juin) à l'idée de voir Trump revenir à la Maison-Blanche».
Ainsi, les équipes de Kamala Harris ont joué intelligemment, tricotant «un réflexe solidaire» à l'instar du barrage républicain opposé au RN en France lors des législatives de 2024, souligne David Sylvan. La position d'équilibriste adoptée par Harris est du centrisme progressiste. «C'est l'avantage sur le pur nihilisme trumpiste», écrivait Le Monde.
Si David Sylvan observe que, pour le bien des Etats-Unis, «Kamala Harris a basculé à droite sur certaines choses», il précise toutefois:
Et en Suisse, par curiosité, où placer Kamala Harris? Après réflexion, David Sylvan répond: