Voici à quoi ressemble l'arsenal moderne de la démocratie, pour reprendre un terme de la Seconde Guerre mondiale: un réseau d'immenses hangars en province, construits à l'origine pour l'entretien des locomotives à vapeur. Depuis la guerre de Corée, l'installation appartient à l'armée américaine. C'est l'entreprise d'armement General Dynamics qui est responsable de son exploitation.
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L'usine d'armement située au centre de la petite ville de Pennsylvanie, sur la côte est, forge la chemise en acier d'un obus d'obusier de calibre 155 millimètres - un produit dont Richard Hansen est extraordinairement fier.
En principe, l'immense site de production de plus de 46 000 mètres carrés est fermé au commun des mortels. Mais ces derniers mois, les forces armées ont ouvert les portes de l'usine à plusieurs reprises en raison d'un «grand intérêt», pour reprendre les termes officiels.
Ce dernier est lié à la guerre en Ukraine, à la menace d'une attaque chinoise sur Taïwan et à la crainte des Américains de manquer de munitions pour se défendre s'ils devaient aider tous leurs alliés.
Mais en réalité, personne ne veut parler de la situation politique mondiale à Scranton, le lieu de naissance du président Joe Biden. C'est pourquoi les règles du jeu sont strictes pour la visite de l'usine d'armement par les médias. Pas de déclarations sur Taïwan. Pas de commentaires sur la guerre en Ukraine. Ni sur le nombre d'obus produits ici qui seront bientôt tirés sur les positions russes dans le Donbass. Jusqu'à présent, les Etats-Unis auraient livré plus d'un million et demi d'obus de 155 millimètres à l'Ukraine, mais tous ne proviennent pas de Scranton, loin de là.
La porte-parole de l'armée, Justine Barati, coupe la parole à celui qui enfreint les règles: «Il ne peut pas répondre à cela», dit-elle avant même que Richard Hansen n'ait pu ouvrir la bouche.
Les formules toutes faites sont les meilleures alliées de Richard Hansen. Il dit, par exemple, qu'il est fier des employés de l'Army Ammunition Plant. Ou encore: «Je ne peux pas m'en lasser», alors qu'il se trouve devant des dizaines de palettes chargées de projectiles encore inertes. Les grenades ne sont remplies d'explosifs qu'en Iowa, dans une usine qui ne se trouve pas dans une zone d'habitation.
Ce vétéran de la Navy vit pour son travail et connaît bien le processus de production complexe, jusqu'au dernier contrôle de qualité. Il n'est pas là pour plaisanter.
Il s'épanouit lorsqu'il explique aux visiteurs comment, à Scranton, un tube d'acier est transformé en plusieurs étapes, en partie par des robots, en partie à la main, en un projectile de 35 kilos de couleur olive.
Environ 11 000 obus d'artillerie de type M795 sont coulés et moulés chaque mois à Scranton, selon Richard Hansen. C'est plus que ce qui était convenu dans le contrat entre l'armée et General Dynamics.
Le nombre exact de pièces produites est gardé secret. Gare à ceux qui osent poser la question:
Un panneau, qui n'a pas été désactivé pendant la visite des médias, indique que le nombre d'unités est actuellement nettement plus élevé que le chiffre prononcé par Richard Hansen.
Actuellement, les forces armées ukrainiennes tirent chaque mois bien plus de 100 000 projectiles de calibre 155 millimètres. L'armée américaine veut investir des millions de dollars dans des installations de production.
L'objectif est d'augmenter la production à 24 000 obus par mois d'ici la fin de l'année, a récemment déclaré un haut représentant du Pentagone. D'ici cinq ans, l'armée veut produire 85 000 obus par mois.
Richard Hansen conduit fièrement la troupe de journalistes dans une partie de l'atelier qui devrait bientôt accueillir une nouvelle ligne de production. De tels investissements permettent de maintenir en vie ce bâtiment historique.
Environ 300 personnes travaillent déjà dans l'usine. A nouveau, impossible de connaître le nombre exact d'employés. Richard Hansen ne tarit pas d'éloges sur le personnel. Beaucoup de vétérans, comme lui. Des gens qui n'ont aucun problème avec la précision. Le personnel est syndiqué et les salaires sont prétendument supérieurs à la moyenne.
C'est un aspect qui est souvent oublié dans le débat américain de plus en plus houleux sur la guerre en Ukraine. Lorsque le ministère de la Défense annonce, comme la semaine dernière, des livraisons d'armes d'une valeur de quelques centaines de millions de dollars, ce ne sont pas seulement les habitants de Bachmut ou de Lyman qui en profitent. Mais aussi des milliers d'Américains.
A Scranton, on en est conscient. «Tout le monde veut faire sa part», déclare la porte-parole de l'armée Justine Barati, car tout le monde est au courant de la situation mondiale.
(Traduit et adapté par Anaïs Rey)