Chaque week-end, des milliers de Finlandaises se préparent une guerre potentielle contre la Russie en suivant des cours. Elles y apprennent la survie dans la nature, les bases de la cybersécurité, la conduite de motoneiges - et le maniement des armes à feu.
Une autre se dit si préoccupée par cette menace qu'elle ne supporte plus de regarder les informations. Sa participation à la formation est une façon pour elle de se confronter à ses peurs.
Ces ateliers existent depuis des années, mais leur succès a explosé depuis le déclenchement du conflit. Suvi Aksela est porte-parole de l'organisation Nasta, qui les organise. Elle compare les inscriptions à la ruée sur des billets pour un concert très convoité:
Dans les jours qui ont suivi l'offensive de février 2022, elle a reçu énormément d'appels, avec les mêmes questions qui revenaient sans cesse: «Que puis-je faire? Où puis-je apprendre à tirer? Comment puis-je savoir où se trouve le bunker le plus proche?». La Finlande compte 50 500 bunkers au total, dont certains datent de la Seconde Guerre mondiale.
«Pour le tir, cela m'a un peu surpris», explique la porte-parole.
Depuis l'invasion russe, le tir sportif est de plus en plus populaire en Finlande, et le gouvernement a annoncé l'ouverture de 300 nouveaux champs de tir afin d'augmenter sa capacité de défense nationale.
Selon Suvi Aksela, les cours touchent surtout des femmes d'âge moyen au bénéfice d'une formation supérieure de la région d'Helsinki, mais des participantes de tous âges et de tous niveaux d'éducation s'y côtoient. La Finlande considère la menace russe avec bien davantage de sérieux que de nombreux autres pays européens, poursuit la représentante.
Cela s'explique naturellement par la situation géographique - la Finlande et la Russie partagent une frontière de plus de 1300 kilomètres - mais aussi par des raisons historiques. Le souvenir de l'invasion soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale et de la lutte défensive qui s'en est suivie est profondément ancré dans la psyché nationale. En Finlande, on sait simplement que «notre voisin n'est pas particulièrement amical et ne l'a jamais été», explique Suvi Aksela. C'est pourquoi il faut toujours se tenir prêt. La Finlande n'a d'ailleurs jamais aboli le service militaire obligatoire.
Les services secrets sont également conscients de la question. Leur directeur adjoint Teemu Turunen a accordé un entretien au journal britannique:
Moscou aurait ainsi surtout recours à des moyens indirects, comme les cyberattaques, la désinformation et le sabotage. La semaine dernière encore, deux câbles de communication traversant la mer Baltique ont été sectionnés. Les experts soupçonnent le Kremlin d'être à l'origine de la manœuvre.
Mais Turunen invite aussi à ne pas surestimer Poutine. «Il est important de comprendre que la Russie n'est pas toute puissante. Ils essaient d'exagérer leurs capacités». A ses yeux, Moscou a des problèmes plus urgents que la Finlande, sa guerre en Ukraine et sa stabilité politique intérieure. «Ce n'est donc pas comme si la Russie pouvait faire n'importe quoi, n'importe où et n'importe quand. Ils essaient de nous faire peur, mais ils n'y parviennent pas», renchérit le responsable.
(Adaptation française: Valentine Zenker)