L'étau se resserre sur François Bayrou: le Premier ministre français prononcera mardi à l'Assemblée sa déclaration de politique générale, où il pourrait faire une nouvelle concession sur la réforme des retraites, afin de se concilier les faveurs de la gauche, mais avec le risque de s'aliéner le soutien d'une partie du «socle commun».
Après une semaine d'intenses discussions à Bercy avec les responsables politiques de l'opposition, les ministres Eric Lombard (Economie), Amélie de Montchalin (Comptes public) et Catherine Vautrin (Santé et Travail), ont été reçus samedi soir à Matignon pour présenter la synthèse de leurs travaux.
«Le Premier ministre et les ministres finalisent les échanges avec les groupes politiques», a fait savoir l'entourage de Bayrou dimanche matin. François Bayrou doit notamment recevoir lundi à 17h30 les présidents des deux chambres du Parlement, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet.
A gauche comme au sein de la majorité, certains s'attendent à un geste en direction des socialistes, des écologistes et des communistes, afin de les convaincre de ne pas voter la motion de censure déposée par la France insoumise (LFI, gauche radicale), qui sera examinée jeudi ou vendredi.
Si la motion a peu de chances d'être adoptée, le Rassemblement national (RN) ayant pour l'instant décider de «laisser sa chance au produit» Bayrou, le vote sonnera l'heure de vérité quant à la capacité ou non de Bayrou d'élargir le périmètre de ses soutiens.
Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a affirmé dimanche attendre du leader centriste qu'il s'engage à la «suspension» de la réforme des retraites mardi, disant croire «qu'il y a un chemin possible».
Le PS souhaite que l'âge légal de départ, censé atteindre progressivement 64 ans, soit «figé» à son niveau actuel de 62 ans et demi, et ce sans poser une limite de temps a priori, selon le député Arthur Delaporte. Alors que ce gel coûterait «entre deux et trois milliards d'euros» selon le chef des sénateurs PS Patrick Kanner, une piste consisterait à puiser dans le Fonds de réserve pour les retraites.
Mais le président du Sénat Gérard Larcher, pilier du «socle commun» sur lequel s'appuie François Bayrou, est monté au créneau samedi pour s'opposer fermement à toute initiative de ce type. «Le message est clair: ni suspension ni abrogation !», a déclaré le responsable Les Républicains (LR, droite), tout en prévenant: «participation (au gouvernement) ne veut pas dire renoncement».
Le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, juge quant à lui qu'une suspension de la réforme des retraites sans mesures de financement serait «irresponsable», sans pour autant «agiter la menace» d'une motion de censure. Il a toutefois assuré qu'il «ne voterait pas un budget avec de nouvelles hausses d'impôts».
Le principal groupe macroniste à l'Assemblée, Ensemble pour la République, a lui fait savoir vendredi qu'il était «contre une suspension sèche à ce stade». Poids lourd de Renaissance, Braun-Pivet a cependant esquissé dimanche une ouverture, affirmant ne pas être «opposée par principe» au fait d'«arrêter» la réforme si cela permet de «rediscuter avec un cycle très court de discussions».
Olivier Faure a de son côté invité a relativiser l'influence de la droite, qui ne dispose que de 47 députés. Il ironise:
Mais pour la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, «chaque heure qui passe, (le compromis) devient plus compliqué». Elle-même attend des «gestes forts et concrets» du gouvernement, notamment concernant les sept milliards de dépenses supplémentaires pour l'environnement que réclame son parti.
LFI continue de maintenir la pression sur ses alliés du Nouveau Front populaire:
Jean-Luc Mélenchon accuse le président de la République d'avoir «refusé le résultat des élections» de juillet dernier.
D'ici mardi, les échanges vont se poursuivre, avec jamais loin de Bayrou l'ombre du chef de l'Etat, dont le bilan est étroitement lié à la réforme des retraites.
Au-delà de cette réforme emblématique, les sujets fiscaux et les dépenses publiques vont continuer de nourrir les négociations entre le gouvernement et le Parlement. Le Sénat doit ainsi reprendre ses débats sur la partie «dépenses» de l'Etat dès mercredi, un vote étant prévu le 23 janvier, avant l'éventuelle convocation d'une commission mixte paritaire pour accorder les points de vue du Sénat et de l'Assemblée. (tib/ats)