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Mort de Nahel: que s'est-il passé? Ce que l'enquête révèle

Mort de Nahel: que s'est-il passé? Ce que l'enquête révèle
Un réquisitoire du ministère public reconstitue le fil du drame survenu à Nanterre.

Mort de Nahel: voici les premières révélations de l'enquête

Le quotidien Le Monde a mis la main sur un réquisitoire du ministère public reconstituant le fil du drame survenu le 27 juin à Nanterre, au cours duquel un adolescent qui conduisait une voiture sans permis a été tué par un policier.
06.07.2023, 12:2408.07.2023, 12:52
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Mort de Nahel: c’est maintenant que tout commence. Tout? L’établissement des faits et si possible de la vérité. Les investigations sont en cours. Le quotidien Le Monde s’est procuré un réquisitoire du parquet général de Versailles daté du 5 juillet, qui synthétise les premiers éléments en possession des enquêteurs et dans lequel il est demandé le maintien en détention provisoire du brigadier auteur du coup de feu mortel (maintien confirmé, a-t-on appris jeudi matin). Voici la chronologie des événements, telle qu’elle apparaît pour l’heure:

Mardi 27 juin, vers 8 heures du matin: une course-poursuite s’engage avec une Mercedes de location, de type AMG, capable de passer de 0 à 100 km/h en 3,9 secondes. A son bord, Nahel M., le conducteur, 17 ans, et deux autres occupants.

«Une Mercedes dont le moteur vrombissait»

Aux enquêteurs, Florian M., 38 ans, le brigadier mis en cause pour homicide, a dit avoir précédemment remarqué «une Mercedes dont le moteur vrombissait et qui circulait dans la voie de bus». C’est à ce moment-là que le binôme de motocyclistes de la police, dont le fonctionnaire aujourd’hui incriminé, entreprend d’intercepter le véhicule.

«Le brigadier se porte alors à la hauteur du passager et, sa sirène enclenchée, fait signe au conducteur de se ranger sur le côté», rapporte Le Monde.

«Mais celui-ci avait alors accéléré brusquement et pris la fuite. Poursuivi par les deux motards, il avait conduit à une vitesse élevée avec de brusques accélérations, des franchissements de feux rouges fixes et passages de carrefours "à pleine vitesse" et sans précaution pour les piétons… Il avait même fait une embardée volontaire vers son collègue qui était venu se mettre à son niveau.»
Le réquisitoire du parquet général de Versailles

La Mercedes a «failli percuter un cycliste»

L’examen de la vidéosurveillance dit ceci, selon le parquet: la Mercedes a «failli percuter un cycliste tandis qu’un piéton engagé sur un passage protégé avait dû faire demi-tour en courant pour éviter d’être percuté». La voiture aurait également roulé plusieurs fois à contresens.

La Mercedes finit par s’immobiliser, bloquée par d’autres véhicules, à proximité de la place Nelson-Mandela. Les deux policiers se portent à la hauteur du véhicule, mettent leur moto sur béquille. Arme de service dégainée, visière de leur casque relevée, ils s’approchent de la voiture, se tenant à gauche de celle-ci.

Le Monde relate:

«Le premier, gardien de la paix, que les enquêteurs de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) désignent dans un rapport comme "P1", se place face à la vitre du côté du conducteur. Le second, le brigadier ("P2" pour l’IGPN), se positionne du côté avant gauche du capot, son pistolet Sig Sauer pointé en direction du conducteur.»

Le déroulé des faits au moment fatal

«Le brigadier reconnaît avoir cogné contre le pare-brise – l’un des deux passagers évoque des coups de crosse contre Nahel M. – pour "attirer l’attention du conducteur"»
Le Monde

Une passante filme en vidéo la scène au cours de laquelle le brigadier tire une balle qui blesse mortellement Nahel M. L’exploitation de la séquence vidéo par l’IGPN confirme les mots prononcés par l’un des policiers, sans pour autant que celui-ci soit identifié à ce stade, rapporte le quotidien français. Dans leur reconstitution des échanges, les enquêteurs notent: «Au début de la séquence, d'après le réquisitoire, on entend un échange entre trois voix différentes (V1, V2, V3) avant la détonation, que nous interprétons comme suit:

V1: "… une balle dans la tête"
V2: "Coupe ! Coupe !"
V3: "Pousse-toi!"
V1: "Tu vas prendre une balle dans la tête" (propos pouvant être attribués à P1 qui agite son bras droit au même moment).
V2: "Coupe!"»

Juste après la détonation, qui survient à 8h16, la vidéo enregistre cinq ou six coups de klaxon et un vrombissement de moteur.

D’après cette première analyse, il apparaît que c’est le gardien de la paix qui aurait crié à l’adresse de Nahel, «Tu vas prendre une balle dans la tête» et non pas le brigadier auteur du tir, lui-même démentant avoir tenu ces propos.

Contradictions chez les policiers

C’est sur la justification du tir qu’on relève des contradictions dans les déclarations. Ce que dit le réquisitoire du parquet, cité par Le Monde:

« [Le brigadier] expliquait s’être retrouvé acculé contre le trottoir et le muret situé derrière lui. Il avait immédiatement pensé que le conducteur allait accélérer alors que pour lui, à cet instant précis, son collègue se trouvait toujours dans l’habitacle. Il avait pris la décision d’ouvrir le feu pour éviter qu’il ne renverse quelqu’un ou "n’embarque" son collègue et alors que lui-même avait été "un peu poussé" lorsque le conducteur avait accéléré.»

«Plus loin, ajoute le quotidien français, le document indique que le brigadier a assuré que "son objectif initial n’avait pas été de tirer". Il a toutefois précisé qu’il n’avait pas voulu "viser le haut du corps, mais le bas". Il a ensuite expliqué qu’au moment de faire usage de son arme "il avait été déstabilisé par l’accélération du véhicule" et que "celui-ci aurait pu le faire tomber entre le trottoir et la chaussée ou "embarquer" son collègue.»

«Pour justifier son tir, rapporte encore Le Monde, le policier a déclaré avoir pensé que le corps de son équipier était "engagé à l’intérieur de l’habitacle". Des déclarations contredites par son coéquipier, qui a précisé lors de ses auditions que seul son bras l’était.»

Faux compte rendu policier?

Un faux compte rendu policier a-t-il été établi dans les minutes qui ont suivi le coup de feu? A 8h22, une fiche établie par un opérateur de la police fait état de déclarations qui ne sont pas les mêmes que celles tenues par le brigadier sur le réseau radio des policiers de la circulation routière. Cette fiche dit, visiblement à tort: «Le fonctionnaire de police s’est mis à l’avant pour le stopper» et que «le conducteur a essayé de repartir en fonçant sur le fonctionnaire».

La situation était tendue lors de la sécurisation des lieux (après le coup de feu, la voiture a roulé sur quelques dizaines de mètres avant de s'encastrer contre un poteau, place Nelson Mandela). Des jeunes hostiles sont présents, ainsi que des proches de la victime, dont la grand-mère de Nahel M., qui aurait dit, selon des policiers:

« Les deux policiers, ils vont pas sortir (…). Je les attendrai. J’ai des copains qui travaillent au dépôt. (…) Il y a un terroriste qui va tous les attraper Inch’Allah, un terroriste qui va tous les massacrer»
Propos attribués à la grand-mère de Nahel M.

De son côté, le quotidien Le Parisien a eu accès à un compte rendu des déclarations en garde à vue du brigadier auteur du coup de feu mortel. Ce sont là ses premiers propos, enregistrés le 27 juin, quelques heures après les faits.

«Son neuvième jour de travail consécutif»

«Le fonctionnaire (le brigadier Florian M.) explique d’emblée qu’il en est à "son neuvième jour de travail consécutif", rapporte Le Parisien. Au cours de cette première audition, «Florian M. assure s’être alors senti acculé, coincé entre le véhicule Mercedes et un muret situé dans son dos. Mais, selon ses explications, le danger était moins pour lui – il reconnaît n’avoir été "qu’un peu poussé" – que pour son collègue. Il justifie son tir, car pensant que ce dernier a toujours le corps dans l’habitacle de la Mercedes, il craint que l’adolescent ne "l’embarque" dans sa fuite.» L'article du Monde infirme la déclaration du brigadier: son coéquipier a précisé lors de ses auditions que seul son bras était engagé dans l'habitacle.

Les émeutes continuent en France.
Video: watson
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