Le président français Emmanuel Macron a nommé jeudi l'ex-ministre et ancien commissaire européen de droite Michel Barnier comme premier ministre. Il «l'a chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français», a annoncé l'Elysée.
Macron «s'est assuré que le premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement», a souligné la présidence.
A 73 ans, Michel Barnier devient le plus vieux premier ministre de la Ve République. Il succède à Gabriel Attal, 35 ans, qui était lui le plus jeune, nommé il y a seulement huit mois et démissionnaire depuis 51 jours. Il va devoir tenter de former un gouvernement susceptible de survivre à une censure parlementaire, pour mettre fin à la plus grave crise politique depuis 1958.
Soixante jours après le second tour des élections législatives, qui ont débouché sur une Assemblée nationale dépourvue de majorité, Michel Barnier hérite d'une tâche aux allures de mission impossible, tant aucune coalition viable n'a jusqu'ici émergé.
Vieux routier de la politique française et européenne, Michel Barnier, dont le nom a commencé à circuler dès le début de l'été, a été ministre pour la première fois en 1993, puis trois fois sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.
Il a également été deux fois commissaire européen, et finalement entre 2016 et 2021 négociateur de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, le Brexit.
Plus récemment, candidat à la primaire de la droite pour la présidentielle de 2022, ce gaulliste centriste avait durci son discours sur l'immigration, prônant pour un «moratoire» et allant, lui l'Européen convaincu, jusqu'à remettre en cause la Cour de justice de l'UE au nom de la «souveraineté juridique».
L'Elysée a repoussé à plusieurs reprises une nomination au fil des consultations menées par Emmanuel Macron. Et avait épuisé plusieurs autres cartouches, de Bernard Cazeneuve à gauche à Xavier Bertrand à droite, en passant par le président du Conseil économique, social et environnemental Thierry Beaudet pour la société civile.
Emmanuel Macron et ses stratèges avaient défini deux critères pour enfin adouber une personnalité: «sa 'non censurabilité'», c'est-à-dire la garantie que son gouvernement ne sera pas immédiatement renversé par l'Assemblée, et sa capacité à former une «coalitation», néologisme macroniste pour évoquer un mélange de coalition et de cohabitation.
Le chef de l'Etat avait, en effet, reconnu que son camp avait perdu les élections. C'est la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) qui est arrivée en tête, mais loin de la majorité absolue, devant le bloc présidentiel et le Rassemblement national (RN).
L'alliance de gauche, arrivée en tête des élections législatives, réclame de gouverner, mais Emmanuel Macron a écarté en août sa candidate, la haute fonctionnaire Lucie Castets, en estimant qu'elle était vouée à une censure certaine.
Michel Barnier est-il assuré, lui, de la viabilité de son futur exécutif? Rien n'est moins sûr. Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a estimé jeudi que «l'élection a été volée aux Français», tandis que le patron des socialistes, Olivier Faure, a estimé que «nous entrons dans une crise de régime».
A l'extrême droite, le patron du RN, Jordan Bardella, et la présidente de ses députés, Marine Le Pen, ont assuré que leur parti jugerait Michel Barnier sur son «discours de politique générale», avant de se déterminer sur une censure, après sa désignation comme premier ministre. (ats)