Il n'y a que deux kilomètres entre le camp militaire israélien et la frontière de la bande de Gaza. Pourtant, les soldats de garde ne sont pas attentifs. Au lieu de protéger l'accès à la base, des hommes et des femmes en uniforme badinent entre eux.
Le camp est entouré d'un haut mur de terre. Deux larges brèches dans les fortifications permettent de voir l'intérieur: des chars de combat et d'autres véhicules serrés les uns contre les autres, des tentes, des abris pour les hommes.
En Ukraine, un tel camp à proximité du front ne durerait pas longtemps. Il serait immédiatement repéré par des drones et soumis à des tirs d'artillerie ou de missiles balistiques. Les pertes en soldats et en matériel seraient dévastatrices.
Les terroristes du Hamas ne disposent toutefois plus que de quelques drones et leur artillerie se compose de roquettes imprécises de fabrication artisanale. Néanmoins, les unités de l'armée israélienne ne semblent pas non plus répondre aux normes professionnelles.
Les soldats américains en Syrie et en Irak construisent également des murs de terre, mais ils bloquent toutes les voies d'accès avec des obstacles physiques, tels que des blocs de béton, afin d'éviter les attentats-suicides. Comme la base israélienne ne dispose pas de telles barrières, les terroristes pourraient conduire une voiture remplie de bombes artisanales dans la base et la faire exploser.
Il en résulterait des dizaines de morts et d'innombrables blessés, sans parler des pertes de matériel. Les bases de troupes aguerries à la guerre dans le nord de la Syrie sont par exemple protégées, en plus, par des postes sur des tours de garde. Celles-ci peuvent détruire les véhicules kamikazes qui arrivent à l'aide de mitrailleuses ou d'armes antichars, déjà bien au-delà des fortifications.
Critiquer l'armée est mal vu en Israël, d'autant plus que de profondes fissures politiques internes traversent actuellement le pays. C'est peut-être pour cette raison qu'il faut autant de temps pour que l'échec du service de renseignement intérieur Shin Bet et de l'armée avant et le 7 octobre soit examiné de manière professionnelle et indépendante.
Le fait est en tout cas que l'armée ne fait plus guère de progrès dans la bande de Gaza ces derniers jours et que les combattants du Hamas eux-mêmes s'infiltrent à nouveau dans le nord de Gaza, qui devrait en fait déjà être en grande partie «nettoyé» des terroristes.
Certains Israéliens tiennent les Etats-Unis pour responsables de ces problèmes. Washington souhaite, entre autres, que les attaques aériennes soient moins violentes afin de réduire le nombre de victimes civiles innocentes. L'équation est pourtant très simple: plus l'armée de l'air israélienne utilise de bombes, plus les terroristes, mais aussi les civils, sont tués. En même temps, les raids aériens réduisent le tribut de sang que l'armée israélienne doit payer lors de son offensive.
Les terroristes du Hamas combattent en civil et se déplacent soit dans des tunnels, soit sans armes entre les maisons où ils ont installé leurs dépôts d'armes cachés. Ainsi, il est extrêmement difficile de faire la distinction entre les cibles militaires légitimes et la population non concernée.
Plus l'armée se rapproche des otages israéliens et des centaines de milliers de Palestiniens déplacés près de Rafah dans le sud, plus les opérations militaires deviennent difficiles. Les images satellites montrent d'immenses villages de tentes près de Rafah, à proximité de la frontière égyptienne.
Ces abris ne protègent en aucun cas contre les éclats et les fragments de bombes et d'obus. C'est presque comme si les gens y végétaient en plein air sans aucune protection. La manière dont l'armée israélienne envisage de progresser dans cet environnement reste pour l'instant secrète.
A cela s'ajoutent les désaccords de plus en plus évidents au sein du cabinet de guerre israélien. Le premier ministre Netanyahou ne semble pas avoir de plan pour vaincre le Hamas, et il n'y a pas d'idées sur ce qui se passera dans la bande de Gaza après une éventuelle fin de la guerre.
Le dirigeant israélien et ses partenaires de coalition, des religieux ultra-conservateurs, s'opposent de toutes leurs forces aux propositions des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite de confier le pouvoir gouvernemental à Gaza à une Autorité palestinienne réformée après la fin de la guerre.
Les Saoudiens exigent, en outre, qu'Israël prenne des mesures irréversibles en vue de la création d'un Etat palestinien. Après le massacre du 7 octobre, un Etat palestinien indépendant en tant que voisin est, toutefois, devenu impensable, tant pour Netanyahou que pour une grande partie de la population israélienne.
Traduit de l'allemand par Barnabé Fournier