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«Poutine n'a aucune idée de la manière de gérer une économie moderne»

«Poutine n'a aucune idée de la manière de gérer une économie moderne»

Le patron du Kremlin Vladimir Poutine (à droite) et le co-fondateur de Yandex Arkady Wolosh en 2017, lors d'une visite au siège du groupe à Moscou: Le Kremlin étend son influence sur le groupe technol ...
Le patron du Kremlin Vladimir Poutine (à droite) et le co-fondateur de Yandex Arkady Wolosh en 2017, lors d'une visite au siège du groupe à Moscou: Le Kremlin étend son influence sur le groupe technologique depuis des années.Image: sda
En Russie, Yandex a longtemps été un groupe informatique ultramoderne, un véritable concurrent de Google. Mais la guerre fait violemment vaciller le groupe et montre le déclin de l'économie russe.
19.02.2023, 16:3008.05.2023, 10:54
Clara Lipkowski
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t-online

Celui qui vit en Russie n'a pas besoin de «googler». En Russie, on fait du yandext. Des millions de Russes utilisent Yandex pour trouver les dernières recommandations de cafés ou pour planifier leurs prochaines vacances. Et Yandex offre bien plus: compte e-mail, actualités, avertisseur d'embouteillages, trajets en taxi, livraison de repas ou encore Yandex-Maps, qui ressemble à s'y méprendre à son modèle américain. Si vous vivez en Russie, vous pouvez passer une journée entière sur Yandex sans même cliquer sur Google.

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Yandex a longtemps été la fierté numérique russe, un pionnier de la branche tech, un groupe agile et innovant, multimilliardaire, influent, omniprésent. Mais l'entreprise est en train de perdre cette aura. Yandex est entraînée dans la spirale descendante des sanctions occidentales et symbolise le déclin de l'économie russe. Et ce déclin avait commencé bien avant les sanctions.

Sanctions à la pelle

Depuis le 28 février 2022, l'action Yandex est exclue du Nasdaq, la bourse américaine des valeurs technologiques. Auparavant, le cours s'était déjà effondré, passant de 60 dollars en novembre 2021 à 19 dollars fin février 2022. L'afflux de fonds des investisseurs a fortement diminué suite aux sanctions. Peut-être même pire pour Yandex: le cofondateur et actionnaire Arkadi Voloch a été placé sur la liste des sanctions de l'UE, ses avoirs à l'étranger ont été gelés et ne sont plus à la disposition de l'entreprise.

De plus, les sanctions ont des conséquences très pratiques: Yandex n'a plus accès au matériel informatique. L'importation de puces et de semi-conducteurs occidentaux a pratiquement cessé, ce qui est fatal pour un groupe technologique qui a justement un besoin urgent de ces importations high-tech pour le développement de produits.

La fuite des informaticiens

En outre, la Russie a perdu de nombreux spécialistes informatiques hautement qualifiés. «On les a carrément chassés du pays», explique Michael Rochlitz, économiste à l'université de Brême. En effet, suite à la mobilisation pour la guerre en Ukraine, des dizaines de milliers d'experts informatiques russes ont pris la fuite.

La Russie a une longue tradition d'études dans les domaines technologiques. Yandex a elle-même fondé sa propre académie. Les experts en technologie n'ont ainsi généralement aucune difficulté à trouver un emploi bien rémunéré dans des entreprises internationales.

Il est plus qu'incertain qu'ils reviennent bientôt - d'autant plus qu'une nouvelle vague de mobilisation menace.

Les choses s'amélioraient encore: Yandex a célébré l'entrée de l'entreprise à la bourse américaine Nasdaq à New York en 2011. Onze ans plus tard, Yandex a été interdit de commerce.
Les choses s'amélioraient encore: Yandex a célébré l'entrée de l'entreprise à la bourse américaine Nasdaq à New York en 2011. Onze ans plus tard, Yandex a été interdit de commerce.DR

Un outil de censure et de propagande

La semaine dernière, Yandex a en outre subi un grave préjudice d'image: des codes sources utilisés par le groupe pour l'affichage des images du moteur de recherche ont été divulgués.

Des pirates informatiques ont montré que Yandex manipule les résultats de recherche dans le sens de la propagande du Kremlin. Il est devenu évident à quel point Yandex est proche du Kremlin et de son chef Vladimir Poutine.

L'entreprise a démarré en Russie dans les années 1990 en tant que groupe informatique indépendant, avec le tout premier moteur de recherche en cyrillique. La firme, promesse d'innovation et d'un nouveau campus à Moscou façon Silicon Valley, a connu une croissance fulgurante. Délibérément apolitique, elle souhaite se limiter strictement à de la programmation et du développement.

Bientôt, plus personne ne peut passer à côté de Yandex. Et cela n'a pas échappé au Kremlin.

Le site web de Yandex (yandex.ru) affiché sur un smartphone.
Image: Shutterstock

L'influence du Kremlin

Le gouvernement tente très tôt d'exercer une influence sur les activités et la structure du groupe. Le Kremlin souhaite avoir son mot à dire sur la composition de l'équipe dirigeante et exige de plus en plus souvent que les médias critiques soient filtrés lors des recherches. Yandex est également sommé de divulguer des algorithmes - la «recette secrète» du groupe, en quelque sorte.

Contre cette influence, l'entreprise tente d'abord de défendre avec succès. Mais Yandex a fini par céder sur un point décisif.

Le co-fondateur Arkadi Wolosh a été sanctionné en 2022 et vit en Israël.
Le co-fondateur Arkadi Wolosh a été sanctionné en 2022 et vit en Israël.dr

En 2017, le gouvernement russe adopte une loi sur le contrôle des médias qui lui permet in fine de contrôler ce que les gens voient, ou ne voient pas, lorsqu'ils recherchent des informations. Pour ne pas être sanctionné, le groupe technologique fait une concession: Yandex News n'affiche plus que les résultats des médias enregistrés auprès de l'autorité de contrôle nationale Roskomnadzor - les publications indépendantes ne sont plus visibles dans l'affichage qui ressemble à Google News ou seulement avec un VPN, un accès spécial à Internet.

La politologue Alena Epifanova parle dans ce contexte d'«autocensure». Elle effectue des recherches sur la politique numérique russe auprès de la Société allemande de politique étrangère (DGAP) et se souvient:

«Cela a été un scandale. Depuis, Yandex s'est de plus en plus éloignée de sa prétention initiale d'être une entreprise informatique indépendante»

Avec la guerre russe en Ukraine, cette censure s'est renforcée, le moteur de recherche Yandex a fait un tri sévère. L'entreprise fait aujourd'hui partie de la propagande de guerre contrôlée par l'Etat.

Le délicat dilemme

Le groupe se trouve désormais confronté à un dilemme: agir selon les lois russes, sans s'aliéner ses investisseurs occidentaux. Yandex a en effet toujours été ouvert aux marchés internationaux, comme ceux des Etats-Unis, de l'UE et d'Israël, où l'entreprise a également du succès avec ses produits. Près de 90% des actions de Yandex sont disséminées, beaucoup appartenant à des fonds occidentaux.

C'est aussi pour cette raison qu'en 2022, l'histoire de l'entreprise a connu une étape lourde de conséquences. Le cofondateur Arkadi Wolosch a quitté son poste de chef, et avec lui un adjoint. Peu de temps auparavant, un PDG était déjà parti. Yandex s'est scindé en deux: une branche russe et une branche internationale.

Des changements drastiques

Alexeï Koudrine, ministre des Finances de longue date et proche de Poutine, a pris la tête de l'entreprise russe. C'est un homme qui a des liens directs avec le Kremlin. C'est ainsi que Poutine a continué à renforcer son contrôle sur Yandex.

Le super-moteur de recherche n'a pas seulement changé de personnel. Le plus dévastateur est sans doute le départ de la branche la plus importante en Israël: le cloud computing, le développement de voitures à conduite autonome, le travail avec des superordinateurs et l'intelligence artificielle. En d'autres termes: les secteurs porteurs d'avenir.

Pour les secteurs restants, cela ressemble plutôt à une rampe de lancement numérique: des produits de service bien établis depuis des années comme les taxis, la navigation, les e-mails.

L'entreprise a tenté désespérément de sauver ce qui pouvait l'être, explique l'expert Michael Rochlitz, car 'est la filiale restée en Russie qui a subi les dommages. Et, par extension, l'ensemble de l'économie russe.

Le chercheur voit ici un problème général: un manque de conscience sur la manière dont la Russie peut se préparer économiquement pour l'avenir.

«L'économie russe est traditionnellement très dépendante du pétrole et du gaz et des exportations de ces matières premières. Mais la Russie ne pourra pas compter éternellement sur ces matières premières.»
Michael Rochlitz

Les pays acheteurs se réorientent depuis des années déjà et misent par exemple sur les énergies renouvelables. «L'UE, par exemple, veut abandonner les moteurs à combustion d'ici 2035 et ne produire bientôt plus que des voitures électriques. L'Arabie saoudite, les pays du Golfe, essaient donc de s'éloigner des ressources traditionnelles», explique Michael Rochlitz, «mais en Russie, on ne discute même pas de ce qui viendra après le pétrole et le gaz».

Un problème à l'échelle de la Russie

A présent, l'exemple de Yandex montre que la Russie a laissé passer l'occasion de devenir économiquement importante grâce aux innovations informatiques. La Russie aurait eu une fenêtre d'opportunité d'environ dix ans pour rendre le pays moins dépendant des matières premières avec les revenus actuels, explique Michael Rochlitz. Au lieu de cela, le pays mène «une guerre totalement destructrice» qui fait même s'effondrer ces revenus et détruit toutes les autres possibilités qu'il aurait pu avoir. Selon le scientifique:

«Poutine n'a aucune idée de la manière de gérer une économie moderne. Lui et les dirigeants russes ne savent pas comment préparer ce pays à l'avenir»
Michael Rochlitz.

Un avis que partage la chercheuse Epifanova: «La Russie devient de moins en moins intéressante pour le secteur informatique. Les analystes disent: 'Regardez Yandex et vous saurez comment se porte la Russie'».

Livraisons de nourriture à vélo, un service de Yandex.
Livraisons de nourriture à vélo, un service de Yandex.dr

Plutôt mal, sans doute. Toutefois, Yandex a-t-elle eu le choix? Pas pour survivre en tant que groupe, estime Epifanova. Elle voit certes encore des chances pour Yandex: «Il reste un concurrent important de Google en Russie. Parce qu'il est adapté au marché russe et aux utilisateurs russophones du monde entier».

Il pourrait, toutefois, faire face à la concurrence d'un autre acteur: VK, un groupe qui a démarré dans les années 1990 comme fournisseur d'e-mails, et qui acquiert actuellement de plus en plus de services informatiques.

Il a encore gagné en puissance avec le rachat du Facebook russe «VKontakte». En été 2022, VK a même racheté Yandex News à Yandex – impliquant pour l'entreprise d'être débarrassée de son site d'informations de propagande peu apprécié, mais, de perdre une partie de son entreprise à la portée extrêmement large. Pendant que VK se développe, Yandex dégringole.

Un état de fait qui arrange bien le Kremlin: VK n'est pas aussi ouvert et orienté vers l'international que Yandex et ses nombreux actionnaires occidentaux. VK est considéré comme favorable au Kremlin. Et VK est presque principalement détenu par le milliardaire russo-ouzbek Alicher Ousmanov. Il n'est pas seulement tristement célèbre pour son influence entrepreneuriale et politique dans toute la Russie. Il est également considéré comme l'un des oligarques préférés de Vladimir Poutine.

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