La vice-ministre ukrainienne de la Défense ne s'est même pas efforcée d'enjoliver les chiffres. Lundi, Hanna Maljar a annoncé que les forces armées ukrainiennes avaient repris 37 kilomètres carrés à la Russie la semaine dernière dans le sud et l'est du pays. Neuf kilomètres carrés ont été libérés autour de la ville de Bakhmout et 28 kilomètres carrés sur le front sud.
Hanna Maljar a, toutefois, qualifié de «difficiles» les combats sur le front est.
Au sud également, l'Ukraine ne progresse que légèrement sur les deux principaux axes d'attaque en direction de Melitopol et de Berdyansk.
Au total, 158,4 kilomètres carrés ont été reconquis dans la région depuis le début de l'offensive début juin.
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Les informations de Hanna Maljar ne peuvent certes pas être vérifiées de manière indépendante. Elles correspondent cependant à ce que les observateurs de la guerre rapportent depuis longtemps: la contre-offensive ukrainienne lancée en juin semble progresser plus lentement que prévu. Ils soulignent aussi que l'offensive en est toujours à sa phase initiale et que son déroulement est en retard sur le calendrier.
Que se passe-t-il donc réellement en Ukraine? Quelle est la tactique du pays attaqué? Et qu'est-ce que cela signifie pour le déroulement de la guerre?
L'analyste militaire américain Phillips P. O'Brien constate actuellement un changement de tactique. L'Ukraine attaque désormais sur un front plus large, rapporte-t-il sur son site Internet.
Selon lui, cela montre que l'Ukraine s'adapte une fois de plus à l'évolution de la guerre. Cette rapidité de réaction a d'ailleurs toujours aidé le pays depuis le début de l'invasion.
Dorénavant, l'armée ukrainienne ne se concentre plus sur de grandes attaques isolées avec des chars, mais mène de petites attaques avec de l'infanterie dans une multitude de régions, rapporte Phillips P. O'Brien. L'objectif: affaiblir et user les forces armées russes.
L'Ukraine pourrait continuer ainsi jusqu'à ce qu'elle tente une nouvelle percée avec des chars. Selon le professeur d'études stratégiques, ce changement de cap est également dû au fait que le pays a subi des pertes considérables en matière de chars.
Lundi en effet, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou avait annoncé la destruction de chars ukrainiens et occidentaux, dont 16 modèles Leopard qui proviendraient en partie du Portugal. La Russie affirme en outre avoir détruit 15 avions et trois hélicoptères. Ces chiffres ne peuvent pas non plus être vérifiés à l'heure actuelle.
Toutefois, comme le souligne Phillips P. O'Brien, l'armée ukrainienne dispose encore d'un grand nombre de soldats destinés à se battre dans la contre-offensive. Et d'ajouter:
L'Ukraine reste cependant prudente avec ses troupes, contrairement à la Russie, accusée d'utiliser ses hommes comme «chair à canon». Toutefois, certaines estimations indiquent que le moral des Russes au combat s'est amélioré après le soulèvement du groupe de mercenaires Wagner en Russie.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a identifié trois facteurs expliquant la lenteur des progrès: dans une interview accordée au journal Bild à la fin de la semaine dernière, il a déclaré qu'outre la pluie – qui interrompt les attaques –, la supériorité aérienne russe rendait l'offensive particulièrement difficile.
Le déploiement par la Russie d'hélicoptères de combat et d'avions de combat lourdement armés a pris l'Ukraine par surprise. «Cela a déjà laissé des traces dans notre contre-offensive». En comparaison, la défense aérienne de l'Ukraine n'est pas assez bien équipée. Dmytro Kuleba a donc réitéré sa demande de livraison d'avions de combat occidentaux.
Kiev espère, outre une plus grande force de frappe, la protection de ses propres troupes au sol, mais aussi de ses infrastructures critiques.
L'analyste militaire Phillips P. O'Brien ne comprend donc pas les critiques actuelles à l'encontre de l'offensive:
Et d'ajouter: «Le rythme n'est ni rapide ni lent, c'est le rythme des opérations qui est dicté par les armes que l'Ukraine a reçues.» Celles-ci seraient surtout disponibles pour l'attaque frontale, des armes à distance suffisantes ne seraient pas livrées.
Selon le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, les zones largement minées par la Russie constituent en outre un problème majeur. Les mines mettent régulièrement les soldats en danger, a-t-il déclaré.
Le déminage des mines antipersonnel, mais aussi des mines antichars, prend généralement beaucoup de temps et mobilise un personnel important. Selon le service d'urgence de l'Etat ukrainien, la Russie aurait miné jusqu'à 30% de l'Ukraine - une surface environ deux fois plus grande que l'Autriche. Ce n'est pas seulement un défi pour la guerre en cours: le pays s'attend également à des risques considérables pour l'après-guerre. De nombreuses régions pourraient être inhabitables pendant des années.
Selon le ministre ukrainien des Affaires étrangères, les installations construites par l'armée russe constituent aussi un obstacle. Elles sont massives et en partie en béton armé, ce qui les rend difficiles à conquérir.
Pour rappel, la Russie occupe actuellement environ 20% du territoire ukrainien. Au total, cela représente plus de 45 000 kilomètres carrés rien que dans le sud de l'Ukraine, sans compter la Crimée et la partie du sud de Donetsk déjà contrôlée par les séparatistes depuis 2014. L'Ukraine veut reconquérir tous ces territoires avec l'aide de l'Occident.
Selon les experts et les observateurs, il est trop tôt pour parler d'un échec de l'offensive. L'analyste politique Alexander Dubowy a récemment déclaré que les premières tendances ne pouvaient être attendues que dans quelques semaines, mais que les résultats réels ne seraient probablement pas connus avant l'automne.
Le fait est que la première grande offensive de l'Ukraine s'est également étendue sur plusieurs semaines. Entre fin septembre et fin octobre, l'Ukraine a repris plusieurs villes au nord de la région de Kherson, dont Balaklija, Isjum et Lyman. Début novembre, l'Ukraine a repoussé les forces russes au-delà de la rive orientale du Dnipro; le 11 novembre, les troupes ukrainiennes ont libéré Kherson.
Le président Volodymyr Zelensky s'est montré prudent quant à la lenteur des progrès des forces armées ukrainiennes, mais il est resté optimiste:
Le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba se montre également confiant: «Je ne vois aucune raison pour qu'elle (l'offensive) ne réussisse pas». Il n'a «aucun doute sur le fait que les avions occidentaux se battront dans le ciel ukrainien».
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)