Lorsque le terrible quotidien de la guerre rencontre la stratégie géopolitique, le résultat est souvent cynique. En Ukraine, des centaines de personnes meurent chaque jour, et selon l'Otan, la Russie perd plus de 1000 soldats par jour. Pourtant, le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, continue son offensive pour des raisons stratégiques. S'il espère toujours atteindre un maximum de ses objectifs militaires pour redorer le bilan désastreux de l'invasion russe, il n'en oublie pas son objectif final: finir en vainqueur.
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Mais viendra-t-il un moment où Poutine pourra réellement envisager des négociations? Les experts se posent cette question depuis le début de la guerre, il y a presque trois ans. Avec l'élection de Donald Trump à la présidentielle américaine, le conflit va entrer dans une nouvelle phase. Le républicain a promis pendant sa campagne de mettre fin à la guerre en 24 heures.
Donald Trump a aussi critiqué l'administration américaine actuelle et les alliés occidentaux, qu'il a jugés «stupides» de permettre la poursuite des combats en Ukraine. Après son investiture le 20 janvier, le locataire de la Maison-Blanche devra donc présenter son plan pour la paix. Mais la Russie y sera-t-elle réceptive?
En tout cas, on ne sait pas ce que réserve le second mandat de Donald Trump pour Vladimir Poutine. Du point de vue russe, le républicain est imprévisible. Le Kremlin opte donc pour une double stratégie: d’un côté, il affiche sa volonté de dialoguer; de l’autre, il cherche à renforcer la position militaire russe sur le terrain pour se positionner favorablement face à la future administration américaine.
Peu après sa victoire, les discussions sur d’éventuelles négociations pour la guerre en Ukraine ont repris. Mais les plans de paix du prochain président américain restent vagues. Selon plusieurs médias américains, diverses propositions sont à l’étude. Le Wall Street Journal parle d'une idée en particulier, basée sur les confidences de trois proches de Donald Trump.
Voici ce que le président américain élu proposerait à la Russie:
Notons toutefois que, pour l'instant, ce ne sont que des spéculations. Le futur président américain ne semble pas avoir eu de plan clé en main en faveur de la paix durant sa campagne. Les idées qui circulent à Washington paraissent encore très floues. Donald Trump se voit néanmoins comme un négociateur, bien que ses accords avec des autocrates durant son premier mandat aient souvent échoué.
Par exemple, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a poursuivi son programme nucléaire malgré l’engagement de Donald Trump. De même, les talibans ont repris leur régime brutal en Afghanistan.
Reste à savoir si le milliardaire américain a tiré des leçons de ces échecs. Il semble vouloir garder la Russie dans le flou sur ses intentions. Ce pourrait être une stratégie de négociation.
Vladimir Poutine a été surpris par les choix de Donald Trump pour son cabinet. Le futur président souhaite s’entourer de personnalités de la ligne dure, loyales et déterminées à adopter une position ferme contre la Chine, la Russie et l’Iran, et à exiger davantage de l’Europe en matière de sécurité.
Parmi eux, le sénateur républicain Marco Rubio, au poste de secrétaire d’Etat. Bien qu’il ait voté contre les aides américaines à l’Ukraine, Marco Rubio souhaite limiter l’influence de Vladimir Poutine en Europe, selon Reuters. Donald Trump semble vouloir faire en sorte que l’Europe assume une part plus importante des coûts de la sécurité.
Cette position est partagée par le futur conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz. Ancien officier, il a plaidé pour davantage de soutien à l’Ukraine:
Mike Waltz souhaite donc mettre fin aux guerres au Moyen-Orient et en Ukraine pour que les Etats-Unis se concentrent sur la Chine.
Contrairement à Marco Rubio et Mike Waltz, Pete Hegseth, animateur de Fox News et futur ministre de la Défense, est moins expérimenté en politique étrangère. Bien qu'il ait critiqué les aides à l’Ukraine, il s'est récemment prononcé en faveur d’un soutien accru et a même qualifié Vladimir Poutine de «criminel de guerre».
La future politique de Donald Trump envers l'Ukraine sera principalement déterminée par lui-même. Bien que ses trois bras droits puissent faire pression sur la Russie, s’il cherche à tout prix un accord avec Vladimir Poutine, Rubio, Waltz et Hegseth devront se ranger derrière les décisions du président. C'est pourquoi ce dernier a choisi des personnalités stratégiques, qui n’entretiennent pas de liens favorables avec la Russie.
Donald Trump et Vladimir Poutine partagent une approche similaire: montrer leur force avant de négocier. Le chef du Kremlin se dit prêt à discuter avec le futur président américain, qu’il a même félicité.
Ces flatteries plaisent sûrement au futur locataire de la Maison-Blanche. Lors d’une rencontre en 2018, Vladimir Poutine avait assuré que la Russie ne s’était pas mêlée des élections américaines de 2016, et Trump avait alors exprimé son doute envers ses propres services de renseignement, suscitant un tollé aux Etats-Unis.
Mais la Russie joue aussi les gros bras. Selon le Washington Post, les deux présidents ont discuté récemment, Donald Trump ayant mis en garde contre une escalade en Ukraine. En réponse, Vladimir Poutine aurait intensifié les attaques de drones contre des cibles civiles en Ukraine. Le Kremlin a cependant nié cet échange.
Vladimir Poutine a réagi à l’élection de Donald Trump par des démonstrations de force, intensifiant ses attaques et mobilisant des troupes dans la région de Koursk, partiellement contrôlée par l’armée ukrainienne depuis août. L’objectif semble clair: la Russie veut conquérir le plus de territoire possible en Ukraine avant la prise de fonction du futur président américain pour améliorer sa position de négociation.
De plus, la propagande russe continue de désigner les Etats-Unis comme le principal ennemi. Le Kremlin nie donc tout échange avec Donald Trump, que Vladimir Poutine n’a d'ailleurs félicité que tardivement. En revanche, le jour des élections américaines, le principal média russe Rossiya 1 a diffusé d'anciennes photos de Melania Trump. Une provocation qui pourrait coûter cher à Moscou, vu l’imprévisibilité de Donald Trump.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder