Il est de retour. Après quatre ans, Donald Trump va à nouveau s'asseoir dans le Bureau ovale. Si les questions concernant la politique intérieure des Etats-Unis agitent en ce moment le pays de l'Oncle Sam, ailleurs sur terre, les populations de pays tiers sont aussi perplexes. Notamment en Ukraine.
Comment l'élection du président le plus puissant du monde va influencer sur le destin des relations internationales et des enjeux géopolitiques? Réponse avec Jussi Hanhimäki, historien des relations internationales et professeur en politique extérieure au Graduate institute de Genève.
Que va-t-il se passer pour l’Ukraine avec le retour de Trump?
Jussi Hanhimäki: Donald Trump a promis de mettre fin à la guerre en 24h. Il n'a pas donné de détail sur la manière dont il pourrait y parvenir et n'a peut-être aucune idée. Peu importe au final, car c'était surtout une manière de se distinguer de Joe Biden et Kamala Harris, qui semblaient patiner sur ce sujet, lors de la campagne.
Et ce, indépendamment de qui a gagné l'élection présidentielle américaine.
Le scénario aurait donc été le même si Harris avait été élue?
Il y a tout de même une différence. Contrairement à Harris, Trump pourrait entrer dans les négociations de manière plus frontale, en court-circuitant les pays européens, voire l'Otan en se plaçant directement entre l'Ukraine et la Russie.
La victoire de Trump pourrait opérer un changement pour Poutine aussi, qui pourrait opérer un rapprochement. C'est, pour l'heure, beaucoup de spéculations.
Les républicains étaient favorables à un arrêt de l'envoi d'aide militaire et financière à l'Ukraine. Est-ce le scénario probable pour Zelensky dès janvier 2025?
C'est possible. La pression va monter via cette nouvelle administration américaine. Cela pourra être utilisé comme un levier dans les négociations pour faciliter un cessez-le-feu.
Zelensky a été un des premiers à le féliciter. Que va être sa stratégie face à lui?
L'espoir de Zelensky, c'est que Trump pourra négocier plus durement que Joe Biden vis-à-vis de Poutine. Il fait de la diplomatie publique, forçant le républicain à prendre position en faveur d'un engagement américain continu. Il faut se dire que, contrairement à l'élection de 2016, les administrations européennes s'attendaient à une possible victoire de Trump, y compris Zelensky et Poutine.
Peut-on espérer voir Donald Trump faire volte-face sur l’Ukraine?
Ce qui est sûr, c'est qu'il fera ce qui le rendra politiquement populaire aux Etats-Unis et rien de plus. La politique extérieure étasunienne, c'est aussi de la politique intérieure: si Trump arrive à négocier un cessez-le-feu avec Poutine, il montrera qu'il est plus fort que Biden sur ce dossier. Cela prendra certainement plus que 24h.
Le New-Yorkais a d'autres alliés en Europe, comme Viktor Orban...
Orban pourrait être un levier intéressant pour Donald Trump. Les deux se sont déjà rencontrés à de multiples reprises, ont beaucoup de liens et la Hongrie a une place d'intermédiaire entre l'UE, l'Otan, l'Europe et la Russie. Il est idéalement placé entre tous les partis.
Trump devrait se montrer ferme face à l'Iran — qui aide Poutine dans sa guerre en Ukraine. Comment la situation risque-t-elle d'évoluer?
C'est ici le point le plus dangereux, à mon avis. On se souvient que lors de son premier mandat, les Etats-Unis se sont retirés de l'Accord de Vienne sur le nucléaire iranien. On risque peut-être de voir quelque chose de similaire à nouveau. Ce qui est sûr, c'est que les fronts ne vont pas bouger: Trump soutiendra ses alliés israéliens et saoudiens face à l'axe Iran-Hamas-Hezbollah. L'alliance de circonstance entre Moscou et Téhéran ne devrait pas y changer grand-chose.
Au Moyen-Orient, Donald Trump va donc soutenir Israël sans restriction?
Il est clair qu'il n'a pas beaucoup d'intérêt pour les Palestiniens et prendra position en faveur d'Israël. On l'a vu lors de son dernier mandat, quand il a déménagé l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.
Lors de la campagne, Trump a d'ailleurs savamment évité d'évoquer le Moyen-Orient et le calcul a été juste: Kamala Harris a tenté de jouer les équilibristes et a perdu des électeurs dans le jeu, notamment musulmans. Mais au final, ni les républicains, ni les démocrates n'ont l'intention de faire pression sur l'administration israélienne pour un cessez-le-feu. De ce point de vue-là, cela n'aurait rien changé.
Et avec la Chine, comment voyez-vous les choses?
Il va y avoir une continuité, car Pékin n'est allié ni de l'administration Biden, ni de la future administration Trump. On parle d'un conflit économique, d'une compétition entre deux superpuissances. Trump va-t-il faire de l'«America First» et monter les tarifs douaniers de 40%, tout en continuant à dire que Xi Jiping est un «great guy», un mec super? On se souvient durant son premier mandat: il a insulté Kim Jong-un, l’appelant «Rocketman», l'homme-fusée, puis s'était rendu en Corée du Nord lui serrer la main le mois suivant.