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La Russie dit avoir «accueilli» 700 000 enfants ukrainiens

epa10833511 First-grade pupils enter a school after a ceremony to mark the start of the school year in new opened school in Russian-controlled Mariupol, Ukraine, 01 September 2023. The Russian Defence ...
Des enfants s'apprêtent à commencer l'école à Marioupol, occupée par la Russie.Keystone

La Russie confirme avoir déporté des milliers d'enfants ukrainiens

Officiellement, Moscou nie avoir déporté des milliers d'enfants ukrainiens sur son territoire. Un rapport officiel, publié la semaine dernière pour le prouver, ne fait que confirmer les accusations occidentales.
18.10.2023, 06:4818.10.2023, 11:56
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Le Conseil de l'Europe n'hésitait pas à parler de «génocide», en mai dernier, lorsque l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) remettait un rapport sur le sort réservé à des milliers d'enfants ukrainiens depuis le début de l'invasion russe.

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Selon la publication, jusqu'à 200 000 mineurs ont été déportés de force vers la Russie ou les zones occupées en Ukraine par les autorités de Moscou. Ces actions, perpétrées depuis l’annexion de la Crimée en 2014, ont pris une nouvelle ampleur après le début de l'invasion, le 24 février 2022.

De nombreuses ONG, à l'image de Human Rights Watch, ont également fait état de plusieurs milliers d’enfants déportés. Les autorités ukrainiennes tiennent un décompte sur un site dédié, appelé Children of War. Ce mardi, on y lisait que 19 546 enfants ont été «déportés ou déplacés de force». Seuls 386 seraient revenus.

Par ailleurs, la Cour pénale internationale (CPI) a émis, en mars dernier, un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, commissaire russe aux droits de l’enfant, accusés d'être «individuellement responsables» de la «déportation illégale» d’enfants.

Audience au Kremlin : le président Vladimir Poutine reçoit sa "commissaire aux droits de l'enfant", Maria Lvova-Belova.
Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova.Image: Imago/Klimentyev

La Russie nie systématiquement ces accusations et affirme au contraire qu'elle œuvre pour «protéger les enfants» dans le cadre du conflit. Elle l'a répété une nouvelle fois il y a quelques jours, en publiant un rapport officiel sur la question.

La publication a pour objectif de présenter les «activités de Maria Lvova-Belova pour protéger les enfants lors d'une opération militaire spéciale» (c'est son titre). Sauf que, en mettant en avant la version russe, le rapport ne fait que confirmer indirectement les accusations formulées par l'Ukraine et ses alliés occidentaux.

«Boucliers humains»

Maria Lvova-Belova commence par affirmer que l'Ukraine «agit contre les intérêts des enfants» et avance plusieurs accusations. «Au début de l'invasion, Kiev n'a pas évacué les mineurs des zones dangereuses où se déroulaient des opérations militaires», lit-on dans la publication. Qui ajoute:

«Les enfants ont servi de boucliers humains pour l'armée ukrainienne et les forces néo-nazies»
Maria Lvova-Belova

L'Ukraine est ensuite accusée de «harceler les familles russes et les orphelins qu'elles ont pris en charge dans le Donbass», de «compliquer le processus de réunification des enfants avec leurs familles» et, par-dessous tout, d'avoir mis sur pied une «campagne de désinformation sans précédent» sur le sujet.

700 000 enfants

Après avoir posé ce contexte, Maria Lvova-Belova s'attaque aux «fausses informations» concernant le sort des enfants ukrainiens. Elle nie que ces derniers soient déportés en Russie mais, pour appuyer ses propos, avance des chiffres impressionnants:

«Depuis février 2022, la Fédération de Russie n'a pas déporté mais a accueilli quelque 4,8 millions d'Ukrainiens, dont plus de 700 000 enfants»
Maria Lvova-Belova

Il s'agit, de loin, du nombre le plus élevé jamais évoqué jusqu'à présent. Comme le remarque lundi le centre de réflexion Institute for the Study of War (ISW), cela revient à dire que Moscou est en train de mener «une campagne à grande échelle pour déporter les Ukrainiens» sur son territoire.

Adoptions et camps de rééducation

Autre accusation, formulée notamment dans le rapport de l'OSCE: la Russie a mis en place un programme d'adoption forcée pour les enfants déportés.

C'est faux, rétorque Maria Lvova-Belova, avant d'affirmer que «380 orphelins et enfants privés de soins parentaux ont été placés sous tutelle dans des familles russes». Il s'agit, là encore, d'une confirmation indirecte.

Pas tous les enfants enlevés finissent dans une famille. Beaucoup d'entre eux sont placés dans des camps de rééducation. Un rapport de l'université de Yale, publié en février 2023, affirmait notamment qu'au moins 6000 mineurs, parfois âgés de quelques mois seulement, ont été emmenés dans 43 sites à travers la Russie pour y recevoir une «éducation patriotique et militaire pro-russe».

Des vidéos publiées depuis ces camps par les autorités régionales d'occupation montrent des enfants en train de chanter l'hymne national russe et de manier des armes. D'autres images montrent des enseignants qui parlent de la nécessité de corriger leur compréhension de l'histoire russe et soviétique.

«Il n'existe pas de camps de rééducation en Russie», déclare Maria Lvova-Belova dans le rapport. Une ligne plus bas, elle évoque pourtant des «camps récréatifs», «une forme de loisir» très populaire dans le pays et qui dispose d'une «vaste infrastructure». Elle ajoute:

«Il est logique que les enfants des zones annexées participent à ce type de loisirs»
Maria Lvova-Belova

«En règle générale», poursuit-elle, «le programme des séjours en camp comprend, non seulement des activités récréatives et de récupération, mais aussi des activités éducatives et de développement».

Russification et passeports

Dernièrement, le rapport s'attaque aux accusations selon lesquelles la Russie oblige les habitants des zones occupées à adopter la citoyenneté russe. Plusieurs organisations ont montré qu'il s'agit de l'élément clé de la stratégie de russification en cours dans ces territoires.

Le fonctionnement est très simple: les résidents qui refusent le passeport russe sont confrontés à «de graves menaces existentielles», expliquait en août une autre recherche de l'Université de Yale.

Les mineurs sont «particulièrement touchés» par ces mesures, ajoutait le rapport. S'ils n'acceptent pas la citoyenneté russe, leurs parents sont privés des prestations sociales et, dans certains cas, sont menacés de perdre leurs droits parentaux. De plus, tous les enfants qui naissent dans les régions «annexées» en septembre 2022 reçoivent automatiquement la citoyenneté russe.

Faux, répond encore Maria Lvova-Belova, qui reconnaît toutefois: «Après l'intégration des quatre nouvelles entités constitutives à la Fédération de Russie, leurs résidents, y compris les mineurs, ont été reconnus comme citoyens russes.»

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Video: watson
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