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Guerre contre l'Ukraine

Ce dur à cuire cherche les Ukrainiens tués par les Russes

Oleh Kotenko
Les fosses communes, c'est le quotidien d'Oleh Kotenko.

Ce dur à cuire cherche les corps des Ukrainiens tués par les Russes

Oleh Kotenko et son organisation sont chargés de rechercher tous les disparus du conflit en Ukraine: civils, militaires, vivants et morts. Les fosses communes, c'est son quotidien. En juin, il était à Berne pour solliciter le soutien de la Suisse.
15.07.2023, 08:0115.07.2023, 11:47
Stefan Bühler / ch media
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Nous sommes en juin dernier. Oleh Kotenko est assis à une table de réunion, dans un bureau sobre du Département des affaires étrangères (DFAE) à Berne. L'homme a un regard d'acier perçant et à une poignée de main de fer.

Oleh Kotenko
Oleh KotenkoImage: Twitter

Il pianote sur son téléphone portable avant de trouver la vidéo qu'il désirait montrer. Démarrage du film: des soldats ukrainiens traversent en voiture un village complètement détruit qui vient d'être libéré des troupes russes. Les militaires descendent des véhicules et se rendent dans une forêt. Dans un fossé, sous un arbre, gît un corps à moitié décomposé.

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image: twitter

Plus loin, on aperçoit entre les arbres de nombreuses croix en bois. Ces hommes ont été selon toute vraisemblance victimes de tirs d'artillerie russes puis enterrés à la va-vite. Ces images ont été prises à Izioum, en septembre dernier. Près de 400 tombes seront découvertes.

Oleh Kotenko en Ukraine, là où de nombreux soldats ukrainiens ont été enterrés.
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La découverte a fait la une des journaux du monde entier, en septembre 2022. C'était l'une de ses premières apparitions publiques d'Oleh Kotenko, commissaire aux personnes disparues du gouvernement ukrainien.

Identifier les soldats et les civils tués

Sa mission: retrouver les corps des soldats ukrainiens morts au combat, mais aussi des personnes bien vivantes dont on a perdu la trace dans le chaos de la guerre. Oleh Kotenko est à la tête de plusieurs équipes de recherche. Une de leurs tâches est de trouver des fosses communes non marquées ou d'exhumer les morts dans des cimetières, comme celui d'Izioum, pour tenter de les identifier.

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Image: Twitter

Une tâche dangereuse, car elle amène parfois les équipes de Kotenko proche de la ligne de front ou dans des zones sensibles. Deux collaborateurs ont été tués, dont l'un a sauté sur une mine.

Le fléau des mines 👇

En plus de son travail sur le terrain, le commissariat d'Oleh Kotenko gère plusieurs bureaux régionaux ainsi qu'une base de données où les proches peuvent communiquer les noms des soldats, mais aussi des civils disparus. En ligne depuis un an, 25 000 noms y ont été enregistrés. Près de 8000 d'entre eux ont été retrouvés, dont 2000 décédés.

Une des autres missions de l'organisation est d'informer les proches et d'apporter un soutien psychologique, explique le commissaire. Lui-même a mené 350 entretiens de ce type.

Identification par l'ADN ou les tatouages

Parmi les 2000 personnes décédées identifiées, 1700 sont des soldats ukrainiens tombés au combat. Leur identification est plus facile que celle des civils, car tous les conscrits doivent fournir un échantillon d'ADN avant de partir au front.

Mais d'autres éléments permettent d'identifier les corps, via des informations fournies par les proches sur des caractéristiques particulières, comme les tatouages.

Dans les anciennes zones de combat, ses équipes tombent aussi sur des Russes tombés au combat. Plutôt que de les ignorer, ils préparent les corps pour les transmettre à Moscou et échanger ceux-ci avec les dépouilles de soldats ukrainiens dont dispose l'armée russe, pour que les familles des deux côtés de la ligne de front puissent dire adieu à leurs proches.

Divers canaux, dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), permettent de procéder à ces échanges. Mais la Suisse n'intervient pas que via l'organisation humanitaire: Oleh Kotenko s'est récemment rendu à Berne pour pouvoir améliorer le quotidien de ses équipes.

En recherche de soutien à Berne

En juin, il est à nouveau en mission, mais en Suisse cette fois-ci. Il a rendu visite au CICR à Genève et a rencontré à Berne Simon Geissbühler, chef de la division Paix et droits de l'homme du DFAE, dans l'espoir de trouver du soutien pour son travail sur le terrain.

Oleh Kotenko et Simon Geissbühler.
Oleh Kotenko et Simon Geissbühler. twitter

Deux projets d'aide concrets de la Suisse sont envisagés: «Nous avons fait parvenir à l'organisation d'Oleh Kotenko deux appareils modernes d'analyse de l'ADN qui lui permettront d'identifier les corps rapidement et de manière fiable», explique Simon Geissbühler.

«Il est important pour les proches d'avoir la certitude que le combattant est mort, même si c'est une mauvaise nouvelle»
Oleh Kotenko

Chacun des appareils a coûté environ 175 000 francs. A cela s'ajoutent 70 000 francs supplémentaires pour la mise en place des bureaux locaux.

Ce n'est pas la première fois que Kotenko prend contact avec la Suisse. Il était présent lorsque le président de la Confédération Ignazio Cassis a rendu visite au président Zelensky à Kiev, en octobre 2022.

Un dur à cuire

L'homme n'en est pas à son coup d'essai. En 2014, il avait déjà fondé une organisation privée qui cherchait déjà des personnes disparues. Il échangeait alors aussi des prisonniers avec les forces pro-russes, dans l'est de l'Ukraine.

Il faut dire qu'Oleh Kotenko est un personnage haut en couleur. Et un dur à cuir. Dans les premiers jours qui suivent l'invasion des troupes russes, en février 2022, il est mobilisé avec les forces spéciales ukrainiennes dans une unité d'une douzaine de personnes. Lors d'une mission, il aurait tué deux membres des services secrets russes, comme le raconte le journaliste Stanislav Asseïev. Mais il est par la suite blessé par une mine et est ensuite transféré, en mai 2022, à la tête du Commissariat pour les personnes disparues.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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source: sda / stringer
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