Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis se rend jeudi à Londres. C'est là que se tiendra la prochaine conférence de reconstruction pour l'Ukraine. Elle fait suite à la conférence de Lugano, en juillet 2022, lors de laquelle le conseiller fédéral avait reçu plus de 40 chefs de gouvernement.
Les grands principes prévoyant la reconstruction du pays, une fois que la guerre sera terminée, avaient alors été définis. Une manière pour l'Ukraine de préparer «l'après». La Suisse et surtout Ignazio Cassis avaient été couverts d'éloges au niveau international.
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Depuis, les souvenirs de cet engagement se sont estompés. Au lieu de louanges, on entend désormais des critiques: les grands pays industrialisés occidentaux du G7 ont par exemple reproché à la Confédération de ne pas en faire assez pour appliquer les sanctions contre la Russie. La Suisse, qui s'était profilée lors de la conférence de Lugano comme un soutien important de l'Ukraine, a depuis pris du retard.
A Londres, l'accent sera mis sur «des mesures concrètes permettant de faire avancer la reconstruction en Ukraine». C'est ce qu'a fait savoir le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) lundi. En ce qui concerne les mesures concrètes de la Suisse, Ignazio Cassis arrivera, toutefois, les mains vides.
Lors de la conférence, le ministre des Affaires étrangères pourra tout de même évoquer l'aide déjà fournie: la Confédération fait état de plus de 1,3 milliard de francs dépensés. Plus d'un milliard de cette somme est consacré aux réfugiés ukrainiens en Suisse, les 300 millions restants étant destinés à l'aide humanitaire. Les sommes peuvent paraître spectaculaires, mais par rapport aux moyens dont dispose la Suisse, le niveau de cette aide humanitaire peut tout au plus être considéré comme moyen.
Un premier paquet destiné à la reconstruction et ficelé en avril n'y change pas grand-chose: 1,8 milliard doit être versé à l'Ukraine d'ici 2028. Cet argent provient de la caisse de la coopération internationale (CI). Le montant a déjà été libéré en grande partie grâce à une astuce comptable: tous les fonds qui entrent dans la caisse de la CI à cause du renchérissement sont réservés pour l'Ukraine. De plus, les fonds provenant d'autres projets de la CI, dans d'autres régions en crise du monde, sont redirigés vers l'Ukraine. C'est étonnant, car en février encore, Ignazio Cassis déclarait dans une interview:
Mardi, la cheffe de la Direction du développement et de la coopération (DDC), Patricia Danzi, a tenu un discours similaire. Et pourtant: depuis le début de la guerre, 200 millions par an ont déjà été «grattés» par la CI pour l'Ukraine.
C'est, toutefois, une décision défendable, d'autant plus que la guerre en Ukraine concerne le continent européen tout entier, Suisse comprise. Mais si Berne veut maintenir son engagement international au niveau actuel, «il n'est pas possible de retirer davantage de fonds de la CI pour la reconstruction en Ukraine». C'est ce qu'a déclaré la fonctionnaire fédérale lors de la présentation du message de la CI pour les années 2025-2028.
Ignazio Cassis devrait bientôt découvrir si l'ensemble du Conseil fédéral est du même avis. Depuis avril, un groupe de travail interdépartemental est en train de préparer des options «sur la manière dont la participation suisse à la reconstruction en Ukraine pourrait être orientée au-delà de la coopération internationale».
Ces options seront débattues le 28 juin lors de la séance du Conseil fédéral. On sait peu de choses pour l'instant sur le montant de cette aide à long terme. Selon les spécialistes, il s'agirait d'environ deux milliards de francs sur plusieurs années.
Il est largement incontesté au sein du Conseil fédéral que la Suisse doit apporter une aide à long terme à l'Ukraine. Toutefois, la manière dont ces futures dépenses seront comptabilisées n'est pas encore définie. Deux variantes sont en discussion:
La guerre en Ukraine est sans aucun doute un événement exceptionnel. Mais la reconstruction s'étendra sur des années et devrait donc être largement planifiable et contrôlable. Si le Conseil fédéral décide que les fonds destinés à l'Ukraine ne peuvent pas échapper au frein à l'endettement, des programmes d'économie seront mis en place ailleurs. La CI, l'armée, l'agriculture ou la formation et la recherche pourraient être concernées. La Suisse serait alors confrontée à un débat embarrassant.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder