La conclusion est sans appel: «L'analyse présentée dans ce document montre que la Corée du Nord est devenue une source stratégiquement importante de munitions conventionnelles pour la Fédération de Russie.»
L'analyse a été réalisée par l'Open Source Centre (OSC), un institut de recherche indépendant aux Etats-Unis qui entreprend des études approfondies sur la base de sources accessibles au public, telles que des images satellites ou des documents de navigation. Les travaux ont été soutenus par l'agence de presse Reuters.
Les liens entre le chef de l'Etat russe Vladimir Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un sont documentés depuis longtemps. En automne dernier, les services secrets ukrainiens ont révélé que Kim soutenait également la Russie avec ses propres troupes dans la guerre contre l'Ukraine. Aujourd'hui, l'étude de l'OSC prouve que la Corée du Nord est devenue un fournisseur d'armes décisif pour l'armée de Poutine.
Le bilan des livraisons entre septembre 2023 et le 17 mars 2025 est impressionnant:
Il s'agit d'une «estimation prudente», expliquent les auteurs de l'étude. Pour arriver à cette valeur, ils ont principalement exploité des images satellites des installations portuaires et des gares de marchandises en Corée du Nord. Les images montrent comment les navires accostent dans la ville portuaire nord-coréenne de Rasŏn. Les cargos portent des noms tels que «Angara», «Lady R», «Maria» et «Maia-1».
Parallèlement, les chercheurs ont recensé des trains de marchandises en provenance de Corée du Nord se rendant en Russie. La taille des cargos et la longueur des trains leur a permis d'estimer l'ampleur et la nature des livraisons. Ils sont parvenus à un total d'au moins 15 809 conteneurs de fret et à des livraisons stratégiquement décisives d'obus de 122 et 155 millimètres. Dans certaines unités russes, la part de munitions nord-coréennes se situe entre 75% et 100%, précisent-ils.
Les auteurs concluent que «les livraisons actuellement estimées entre 200 000 et 270 000 munitions par mois donnent à la Russie un avantage considérable sur le champ de bataille».
Selon les estimations occidentales, la Corée du Nord a envoyé environ 11 000 soldats en Russie jusqu'à présent, dont près de 4000 auraient déjà été tués dans des combats. Avec le soutien de la Corée du Nord, Poutine ne s'est pas seulement assuré un important ravitaillement. Sur le plan stratégique, il a porté sa guerre jusque dans la région Asie-Pacifique.
En avril, l'Ukraine avait également fait état de mercenaires chinois dans les rangs russes, ce que le gouvernement chinois avait nié. Officiellement, la Chine dit ne soutenir aucun des deux camps dans la guerre. On sait toutefois que la Chine fournit des semi-conducteurs et d'autres matériaux importants à la Russie.
Au vu du soutien à la Russie et des incertitudes concernant l'aide américaine en matière d'armement à l'Ukraine depuis l'entrée en fonction de Donald Trump, le rapport de l'OSC appelle à un soutien plus important à l'Ukraine. Le Royaume-Uni et les Etats de l'UE sont mentionnés:
L'UE avait promis à l'Ukraine la livraison de deux millions de grenades. Deux tiers des fonds nécessaires sont désormais assurés, a déclaré la responsable des affaires étrangères de l'UE, Kaja Kallas, après une réunion des Etats membres en début de semaine à Luxembourg. Dernièrement, le chef de la CDU Friedrich Merz avait annoncé la livraison de missiles Taurus à l'Ukraine. Le Kremlin l'a vivement critiqué pour cette décision.
(Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci)