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Guerre contre l'Ukraine

Ukraine: Poutine est pris au piège de la Chine

Poutine est pris au piège de la Chine.
La guerre contre l'Ukraine est aussi une épreuve pour l'alliance entre Xi Jinping et Vladimir Poutine.Image: imago/shutterstock/watson

Poutine est pris au piège de la Chine

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Poutine a rendu son pays dépendant de la Chine. Un processus qui montre ses premières failles.
20.04.2024, 07:03
Patrick Diekmann / t-online
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La fin de la guerre en Ukraine ne se dessine pas encore, mais la Russie tient à se montrer forte. A en croire le Kremlin, Moscou ne peut pas perdre militairement et les sanctions occidentales, inefficaces, renforcent même l'économie du pays. Ces récits, diffusés par la propagande russe, dépassent largement les frontières du pays et sont également repris par des hommes politiques proches du Kremlin en Europe. Ces représentations n'ont cependant pas grand-chose à voir avec la réalité.

Certes, selon les experts, Vladimir Poutine dispose des moyens financiers pour poursuivre sa guerre au moins jusqu'en 2025. Mais cela est surtout dû au fait que le Kremlin peut puiser dans d'importantes réserves.

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Néanmoins, les sanctions occidentales et le découplage économique des marchés européens ont des conséquences fatales pour la Russie. D'une part, selon les données du Ministère russe des Finances, les recettes provenant des exportations de matières premières s'effondrent. D'autre part, les sanctions ont obligé Poutine à tout miser sur un seul atout: la Chine.

Et c'est précisément ce qui est en train de porter préjudice à Moscou. Il devient de plus en plus clair que Xi Jinping poursuit avant tout ses propres intérêts. Si d'un point de vue militaire, la Chine veut à tout prix éviter que la Russie ne perde, sur le plan économique, la coopération est plus hésitante, au grand dam du Kremlin. Poutine manque d'alternatives et se retrouve pris au piège de la Chine. Une chose est sûre: Le «partenariat sans frontières» que les deux présidents ont évoqué à plusieurs reprises a manifestement des limites. Du moins pour la Chine.

Une alliance inéquitable

Heureusement, pour Poutine, les dirigeants chinois continuent de le soutenir et renoncent à condamner l'invasion russe en Ukraine. Sans Pékin, le Kremlin ne pourrait pas mener sa guerre. C'est également grâce à l'aide chinoise que l'économie russe a pu jusqu'à présent éviter l'effondrement. En effet, Pékin achète des matières premières russes et sans l'accord de la Chine, la Corée du Nord ne pourrait pas vendre de munitions d'artillerie à la Russie. En outre, le yuan chinois sert de monnaie de réserve pour les banques russes depuis que la Russie est isolée du trafic des paiements occidentaux en dollars américains ou en euros.

Ce point est particulièrement explosif du point de vue occidental, selon un rapport de l'Atlantic Council. La Chine ne livrerait certes pas d'armes à la Russie, mais en contrepartie, elle fournirait une quantité de biens à double usage ayant une finalité militaire. La Chine maintient le régime de Poutine en vie, mais pour combien de temps encore?

Les intérêts de Xi Jinping semblent clairs. La Chine partage avec la Russie une frontière de 4000 kilomètres et Pékin ne veut pas prendre le risque de voir Poutine renversé, ce qui déstabiliserait la puissance nucléaire russe sur le plan intérieur. En outre, le président chinois a besoin du Kremlin comme partenaire dans sa lutte avec l'Occident pour un nouvel ordre mondial. Et les matières premières russes bon marché sont bien entendu un avantage pour la République populaire et son colossal secteur économique de l’énergie.

Xi Jinping ne veut pas accentuer le conflit avec l'Occident, car l'économie chinoise est encore extrêmement affaiblie suite à la crise du Covid. Mais la situation actuelle présente aussi des avantages pour Pékin. L'alliance sino-russe n'est plus, depuis longtemps, un partenariat d'égal à égal. La Russie dépend de la Chine et Xi Jinping poursuit avant tout ses propres intérêts – même si ceux-ci nuisent à Moscou.

Litige sur le gaz

Globalement, les dirigeants chinois s'étonnent depuis longtemps de voir à quel point Poutine s'est fourvoyé dans cette guerre. C'est ce que confient régulièrement les diplomates occidentaux après avoir discuté avec leurs homologues chinois. Il y a quelques domaines dans lesquels les partenaires ne sont plus d'accord. On peut par exemple citer les tensions sur la construction du grand gazoduc «Power of Siberia-2» à travers la Mongolie. D'après les informations fournies par la Mongolie, d'importants retards sont enregistrés en raison de divergences entre les parties russe et chinoise sur des questions importantes, comme la fixation des prix. Conséquence: un arrêt temporaire de la construction.

Comme le soulignent régulièrement les historiens, l'amitié russo-chinoise n'est pas le fruit de l'histoire. Au contraire, des conflits ont fréquemment éclaté par le passé entre les deux grandes puissances. Même si les relations se sont nettement améliorées, la méfiance est toujours de mise.

Le fait que Poutine ait fait du yuan la principale monnaie de réserve de la Russie était un acte de désespoir, car il manquait tout simplement d'alternatives. Les conflits ne peuvent désormais plus être cachés, même sur les questions financières – et cela pourrait entraîner des problèmes massifs pour l'économie russe.

La Russie admet «certains problèmes»

Les sanctions contre la Russie n'ayant pas eu l'effet escompté, l'Occident se concentre dorénavant sur les sanctions dites secondaires. Les pays qui permettent à Moscou de contourner les sanctions sont en ligne de mire. Sur cette liste, on retrouve la Turquie, l'Inde ou encore la Chine.

Les Etats-Unis ont une carte maîtresse en main dans ce contexte. Le gouvernement américain menace les pays de voir leurs banques et leurs entreprises exclues des opérations de paiement en dollars américains. Ce serait également fatal pour la Chine, et Pékin semble prendre ce risque très au sérieux. Ainsi, les entreprises chinoises se retirent gentiment des affaires avec la Russie et les banques chinoises ont récemment cessé de plus en plus souvent d'accepter des paiements en yuans en provenance de Russie. L'agence de presse américaine Bloomberg a rapporté en mars que les entreprises russes devaient désormais s'attendre à des coûts plus élevés lorsqu'elles empruntent en yuans.

Selon le ministre russe des Finances Anton Silouanov, aucun accord n'a non plus été trouvé jusqu'à présent pour les crédits d'Etat en yuans. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, tient toutefois un discours rassurant.

«Bien sûr, la pression sans précédent exercée par les Etats-Unis et l'Union européenne sur la République populaire de Chine se poursuit, y compris dans le cadre de nos relations. Cela crée certains problèmes, mais ne peut pas devenir un obstacle à la poursuite du développement de nos relations commerciales et économiques (réd: avec la Chine).»
Dmitri Peskov à Reuters.

La Chine hésite

Le terme «obstacle» est bel et bien un euphémisme. Les groupes pétroliers russes sont confrontés à des retards de paiement de plusieurs mois, voire à des refus de transaction, car certaines banques de Turquie, de Chine et même des Emirats arabes unis craignent des sanctions secondaires. C'est également ce qu'a rapporté l'agence de presse Reuters en se référant à plusieurs sources proches du dossier.

Le fait que les présidents américain et chinois aient abordé ces questions, lors d'un entretien téléphonique début avril, contribue à la colère de Moscou. Poutine, qui a toujours voulu négocier d'égal à égal avec les Etats-Unis, est exclu. Pendant que les deux superpuissances parlementent, le président russe se retrouve spectateur de son sort.

Il s'agit pour le chef du Kremlin d'une question d'argent, et les affaires de matières premières sont le fondement de l'économie russe. Outre la Russie, l'Inde figure aussi sur la liste noire des Etats-Unis, car les entreprises indiennes aideraient à contourner les sanctions sur les livraisons de pétrole russe grâce à des flottes fantômes. Cette situation devrait changer à l'avenir.

Comme les banques chinoises cessent leurs opérations en yuan avec la Russie, les entreprises russes doivent se tourner vers les banques nationales possédant une succursale en Chine. Mais cela ne marche pas non plus, car la demande est bien trop élevée. Certaines entreprises doivent attendre jusqu'à six mois pour ouvrir un compte, a rapporté Reuters.

«L'unique succursale bancaire (russe) en Chine n'est pas si grande et ces derniers temps, il y a eu des retards importants dans le traitement des documents»
une source anonyme à Reuters

Et la Chine ne fait rien pour soutenir la Russie à cet égard. La stratégie sous-jacente semble claire: Pékin retarde tout d'abord les affaires avec la Russie et espère que Donald Trump remportera les élections présidentielles américaines en novembre. Trump aurait surtout les intérêts américains en ligne de mire et prendrait peut-être ses distances avec les sanctions secondaires si celles-ci nuisaient aux Etats-Unis - c'est du moins l'espoir de Pékin.

Pour la Russie, cette situation met en lumière le fait que sans la Chine, le pays est menacé d'effondrement économique. La banque centrale russe a ainsi admis dans un récent rapport qu'il n'existait que des alternatives limitées au yuan chinois pour ses propres réserves. Poutine tient en équilibre sur un fil depuis ces deux dernières années et doit espérer que Xi Jinping ne le sacrifiera pas…

Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich

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Video: watson
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