Il y a moins de six mois, la Russie et l’Iran scellaient encore plus leur alliance en signant un accord de partenariat stratégique. Un geste solennel censé illustrer la solidité de leurs relations. Pourtant, derrière cette unité de façade, la défiance reste profonde.
Dans un premier temps, Moscou a officiellement condamné l’attaque israélienne contre l’Iran. Selon une déclaration cynique du ministère russe des Affaires étrangères, ce raid risquait de compromettre les efforts diplomatiques autour du dossier nucléaire iranien:
Mais les critiques ne se sont pas limitées à Israël. Au sein des cercles proches du Kremlin, des voix se sont également élevées contre l’Iran, dénonçant son manque de préparation militaire et son incapacité à repousser les frappes israéliennes. L'idéologue ultranationaliste Alexandre Douguine, proche du président Poutine, a ainsi écrit:
Douguine va jusqu’à évoquer un projet de confédération russo-iranienne, resté lettre morte faute d’intérêt du côté iranien.
Dans d’autres sphères russes de haut rang, l’attaque contre l’Iran est perçue comme un danger stratégique pour la Russie.
Apti Alaoudinov, le commandant des forces spéciales tchétchènes Akhmat et haut responsable du ministère russe de la Défense, a appelé à une mobilisation générale après le raid israélien, réclamant l’enrôlement d’un million d’hommes. Selon lui, le Moyen-Orient serait entré dans une «nouvelle phase de la Troisième Guerre mondiale».
A court terme, ce conflit sert malgré tout les intérêts du Kremlin. Dès les premières frappes sur l’Iran, les prix du pétrole se sont envolés, et augmentent chaque jour. Une flambée durable des cours permettrait à Moscou d’atténuer la chute de ses revenus pétroliers et gaziers, cruciaux pour son budget.
L’analyste politique Sergueï Mardan, habitué des talk-shows de propagande russe animés de Vladimir Soloviev, voit même dans cette guerre un avantage économique majeur:
Et d’ajouter:
Depuis 2001, Moscou et Téhéran sont liés par un «accord sur les fondements des relations bilatérales et les principes de coopération». En janvier 2025, le président iranien Massoud Peseshkian s’est rendu à Moscou pour y signer un nouvel accord global de partenariat stratégique avec Vladimir Poutine, incluant une coopération accrue en matière de sécurité, de défense et de coordination militaire.
Mais l’alliance militaire resserrée évoquée par Alexandre Douguine n’a jamais vu le jour, minée par une méfiance réciproque. En janvier, le général iranien Behrouz Esbati, figure des Gardiens de la Révolution, a accusé la Russie d’avoir trompé l’Iran. Lors de précédentes frappes israéliennes en Syrie et en Iran, les systèmes radars russes auraient été délibérément désactivés, facilitant ainsi les attaques aériennes israéliennes.
Dans une interview sur Radio Liberty, le politologue Nikolaï Mechkhedov, de l’université du Qatar, observe:
Selon lui, les élites des deux pays redoutent un éventuel coup de poignard dans le dos. Une crainte amplifiée depuis l’échec de leur coopération en Syrie.
Mechkhedov ajoute que la Russie doute désormais de la capacité du régime iranien à résister à la pression croissante exercée par Israël et les Etats-Unis.
Traduit de l'allemand et adapté par Joel Espi