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Ils sont quatre russes à survivre dans un village fantôme

Iouri Tarassenko, un maçon de 44 ans, est l'un des quatre habitants à être restés.
Iouri Tarassenko, un maçon de 44 ans, est l'un des quatre habitants à être restés.Image: afp

Ils sont quatre russes à survivre dans un village fantôme

A Kazatchïa Loknïa, village russe récemment repris aux Ukrainiens, seuls quatre habitants refusent de partir, malgré les stigmates de la guerre et l’incertitude sur l’avenir.
21.03.2025, 16:5521.03.2025, 17:02
Andrey BORODULIN et Guillaume DECAMME / afp
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Un bourdonnement lointain d'artillerie montre que les combats continuent, et les maisons arborent tous des impacts d'éclats d'obus. A Kazatchïa Loknïa, village russe repris par les armes aux Ukrainiens, ils ne sont que quatre habitants à s'accrocher après «avoir survécu au pire». C'est ce que dit Valentina Martchenko, la tête dans sa capuche rouge de sweat-shirt, elle qui entend «rester dans (sa) patrie, sur (ses) terres», coûte que coûte.

Hors de question de suivre les dizaines d'habitants de Kazatchïa Loknïa évacués vers l'arrière à l'arrivée des soldats russes qui ont repris le village le 12 mars, après sept mois sous contrôle ukrainien. Et puis, la laitière de 61 ans a une bonne raison de ne pas vouloir évacuer. Elle veut connaître le genre de son frère, qui a «disparu sur le chemin de la ferme en août dernier».

Kazatchïa Loknïa, carte de situation.
Image: watson

«On m'a dit qu'il avait été blessé, par un drone ou quelque chose comme ça», dit-elle:

«Et maintenant, j'ignore s'il est vivant»

Kazatchïa Loknïa comptait «158 habitants» au moment de l'entrée des troupes ukrainiennes en août dernier, explique Valentina. Maintenant, ils ne sont «plus que quatre» à être restés au milieu des poules, des chats et des chiens errants.

Humvee et tanks

Le village fait partie de cette poche conquise par les Ukrainiens l'été dernier dans la région russe de Koursk, à la frontière avec l'Ukraine où Moscou a lancé une offensive il y a un peu plus de trois ans. Mais depuis quelques semaines, la poche autour de la ville de Soudja se dégonfle rapidement, au fur et à mesure que les soldats russes reprennent la main.

La route qui mène à Kazatchïa Loknïa est fermée aux civils. Le bas-côté est jonché de carcasses de véhicules militaires, l'immense majorité appartenaient à l'armée ukrainienne: des 4x4 américains Humvee, des tanks... Certains ont été visiblement événements par des drones ou des missiles, d'autres pris dans le feu.

Le grondement des tirs d'artillerie se fait entendre sur plusieurs kilomètres à la ronde, signe que les combats se prolongent.

Dans le village de Kazatchïa Loknïa, «Hirondelle», un soldat du bataillon Akhmat, originaire de Tchétchénie, dans le Caucase russe, s'improvise guide pour les journalistes. «Ça, c'est un abri. Ça, c'est un entrepôt» des Ukrainiens, pointe-t-il, en ramassant une caisse de munitions vides frappée de l'inscription «Cartouches d'armes à feu» en anglais.

Dans la cour d'une maison, le cadavre d'un soldat ukrainien en treillis gîte, enveloppé dans une couverture. Nul ne sait quand ou comment il est mort. Nul ne sait non plus, à l'heure actuelle, quand ou comment il sera rendu à l'armée ukrainienne ou inhumé.

«Ils nous donnaient de l'eau et du pain»

Un peu plus loin, Iouri Tarassenko, un maçon de 44 ans, est l'un des quatre habitants à être restés, tout comme Valentina.

Dans sa cour, un monticule est surmonté d'une croix. C'est la tombe de «sa bien-aimée», qu'il a lui-même inhumée dans le jardin, car «les Ukrainiens ne (l)'ont pas laissés l'enterrer au cimetière» en raison des combats qui se déroulaient alors. «Elle est morte le 24 août» dernier, raconte Iouri, en lâchant des larmes.

«Elle était handicapée, elle est morte de maladie, par manque de soins»

Le chagrin ne l'empêche pas de tenir des propositions plutôt amène envers les soldats ukrainiens, «des hommes normaux avec lesquels on pouvait parler. Ils nous donnaient de l'eau et du pain». «Ils nous disaient eux-mêmes: "on n'est pas contents d'être venus ici"», rapporte Iouri, qui se dit farouchement opposé à l'idée d'une pause dans le conflit.

Car mardi, les présidents russe, Vladimir Poutine et américain, Donald Trump, ont convenu d'une trêve limitée aux contours encore flous, selon Moscou réduite aux seules frappes sur les infrastructures énergétiques, dans la perspective d'un possible futur cessez-le-feu total.

Mais pour Iouri, il ne faut «même pas accorder un seul mois de répit (à l'armée ukrainienne), sous aucun prétexte».

«Ils finiront par se ressaisir et reviendront (...)»

«Si ce n'est pas dans la région de Koursk, ils recommenceront à pilonner nos gars en Ukraine», dit le maçon, contredisant en cela nombre de Russes, fatigués du conflit qui a fait des centaines de milliers de morts et de blessés des deux côtés.

La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev

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La guerre en Ukraine dans l'œil d'Alexander Chekmenev
Faces of war pour le New York Times.
source: alexander chekmenev
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