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Stanislav Petrov, le Russe qui a sauvé le monde

Des missiles soviétiques sur la Place Rouge.

Le Russe qui a sauvé le monde

En 1983, la situation n'avait jamais été aussi tendue entre la Russie et les pays de l'Otan. Récit du jour où tout aurait pu basculer pour l'humanité.
14.04.2024, 15:55
Marc von Lüpke / t-online
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Stanislav Petrov n'est qu'un remplaçant lorsqu'il prend son service dans la nuit du 26 au 27 septembre 1983. Le lieutenant-colonel dépanne son collègue malade. Son poste représente alors l'une des activités les plus importantes aux yeux des forces armées soviétiques, à savoir la surveillance par satellite dans un centre d'alerte précoce aux missiles. Le tout dans le plus grand secret.

Cette année-là, les relations entre l'Union soviétique et la première puissance occidentale, les Etats-Unis, sont glaciales. La Guerre froide s'est intensifiée, le conflit est devenu plus brûlant.

L'homme qui a sauvé le monde: Stanislav Petrov
L'homme qui a sauvé le monde: Stanislav Petrov, ici en 2015.Image: AP

Si bien que l'Otan, dans ses 75 ans d'existence, a rarement connu des situations aussi explosives. A ce moment de l'Histoire, l'alliance n'excluait pas une guerre nucléaire.

La fin du monde se rapproche?

Quelques heures après que Stanislav Petrov ait pris la responsabilité du centre d'alerte précoce, l'alarme s'y déclenche: la technique satellitaire avertit du lancement d'un missile intercontinental dans le nord-ouest des Etats-Unis. Avec une ogive nucléaire.

La première frappe nucléaire américaine et l'inévitable riposte soviétique sont-elles imminentes? C'est l'impression que cela donne. Car l'installation, ultramoderne pour l'époque, signale bientôt quatre autres missiles nucléaires en approche en provenance des Etats-Unis. La fin du monde s'annonce. Mais le lieutenant-colonel reste prudent.

Et pour cause. Quelques semaines auparavant, le 1er septembre 1983, un avion de ligne sud-coréen est abattu par un pilote de chasse soviétique près de l'île de Sakhaline. L'appareil avait pénétré dans l'espace aérien de la superpuissance communiste dans des circonstances inexpliquées. On déplore 269 morts, dont des dizaines d'Américains. Un acte de «brutalité inhumaine», selon le président Ronald Reagan.

Reagan voyait l'Union soviétique comme étant «l'empire du mal». Le sort de l'avion sud-coréen n'a pas été le seul à le conforter dans cette opinion. La guerre en Afghanistan y a aussi contribué. Le Kremlin a envahi le pays en 1979. En 1983, la situation s'aggrave. Youri Andropov, ancien chef du KGB, est depuis peu à sa tête.

Garder son calme

En tant que bon soviétique, Youri Andropov se méfiait des Américains. Le sigle IDS, en particulier, suscitait l'inquiétude de Moscou. L'«Initiative de défense stratégique» prônée par Ronald Reagan - également appelée «guerre des étoiles» - promet non seulement un bouclier de protection contre la menace des missiles intercontinentaux soviétiques, mais aussi toutes sortes d'autres avancées technologiques militaires.

Le fait qu'à l'époque, une grande partie de ces mesures relève plus de l'imagination que de la faisabilité échappait à Moscou. La peur et la paranoïa étaient d'autant plus grandes qu'elles auraient pu conduire à une évolution dramatique fin septembre 1983.

Au centre d'alerte, Stanislav Petrov garde son calme face aux cinq têtes nucléaires américaines en train d'approcher. Il défie ses subordonnés qui le pressent d'informer les instances supérieures, lesquelles auraient à leur tour initié la possible riposte soviétique.

En effet, une première frappe nucléaire des Etats-Unis contre l'Union soviétique, blindée d'armes atomiques, semble peu réaliste aux yeux du lieutenant-colonel. La superpuissance occidentale n'aurait-elle pas utilisé tout son arsenal dans cette situation?

Petrov ne dispose que d'une trentaine de minutes pour informer ses supérieurs. C'est peu de temps pour décider du sort du monde. Mais il doute. L'ingénieur n'a pas entièrement confiance dans le système de satellites. Son «instinct» lui dicte autre chose.

Effets dévastateurs

Au bout de 17 minutes, sa décision se révèle être la bonne. Après un examen approfondi, l'alarme se révèle être une erreur. Des nuages ont simplement renvoyé des rayons de soleil, un satellite et le système de surveillance en ont déduit des lancements de fusées. Les effets de cette petite erreur auraient pu être dévastateurs. Les événements dramatiques de septembre 1983 n'ont été connus du public qu'après la fin de la Guerre froide.

Peu de temps après, sans le savoir, l'Otan a répété pendant quelques semaines ses procédures en cas de guerre nucléaire. «Able Archer 83», tel était le nom de l'exercice qui s'est déroulé du 7 au 11 novembre 1983 et par lequel l'alliance de défense voulait s'entraîner à ses procédures en cas de guerre nucléaire.

A Moscou, l'exercice aurait en revanche été considéré comme un cas d'urgence. En d'autres termes, «Able Archer» aurait pu être la couverture d'une première frappe nucléaire prévue par l'Occident, et l'Union soviétique se serait armée conformément à cette hypothèse erronée. En 2013, l'historien Mark Kramer de l'Université de Harvard contredit cette thèse, car «Able Archer» n'aurait selon lui pas été un sujet de discussion à Moscou.

La thèse de ce dernier a également été contredite. Les chercheurs ne s'accordent que sur leurs désaccords quant aux conséquences potentiellement envisageables de «Able Archer», jusqu'à une guerre nucléaire. Ce qui est sûr, c'est que les armes nucléaires ne pardonnent pas les erreurs.

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source: wikimedia/kecko
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