Les Parisiens ont massivement rejeté dimanche la trottinette électrique en libre-service: 89,03% ont dit non à cette merde roulante. Enfin, massivement: sur les 1 300 000 votants, seuls 103 000 se sont rendus aux urnes. Soit un chiffre (7,4%) aussi ridicule qu'un jeune cadre dynamique se déplaçant sur son engin du diable, doudoune sans manche et iqos au bec.
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a elle-même milité contre ces trott', prônant plutôt le vélo (électrique). Elle s'était d'ailleurs illustrée en expliquant à ses homologues ukrainiens qu'il fallait reconstruire Kiev... avec plus de pistes cyclables.
Hidalgo suggère plus de vélos… à Kiev : les dessous d’une phrase maladroite
— Le Parisien | Paris (@LeParisien_75) December 1, 2022
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Mais revenons à cette votation consultative d'une importance capitale que les autorités de Kiev ne manqueront sous aucun prétexte. Après le rejet des Parisiens, la socialiste a salué «une victoire de la démocratie locale», assurant vouloir les faire voter désormais chaque printemps, tandis que les opposants à la mairie ne se sont pas gênés de pointer du doigt la faible participation.
Les trois sociétés qui gèrent les 15 000 trottinettes ont elles crié au scandale, car seuls 20 bureaux de vote étaient ouverts. Elles avaient aussi réclamé un vote électronique pour que les feignasses qui utilisent leur service n'aient pas à se déplacer sur leurs engins pour sauver leurs engins. Ce n'est pas faute d'avoir tenté de les pousser aux urnes: les sociétés de trottinettes électriques avaient offert la gratuité à tout le monde ce dimanche.
À Paris, on a les combats qu'on mérite.
Mais pourquoi ce morceau de tôle avec deux roues et une batterie made in China fait-il autant débat? La mairie et les associations de défense des victimes d'accidents de trottinettes pointaient le caractère accidentogène de la bécane.
Tibias fracturés et mâchoires désossées comme argument principal des plus aisés pour mettre au garage (ou à la décharge) ces vilaines trottinettes? Que nenni. Les habitants des beaux quartiers, eux, se battaient surtout contre ces jeunes voyous qui avaient l'outrecuidance d'abandonner leurs promène-connards dans leurs rues.
Pêle-mêle, d'autres détracteurs (car oui, ils sont nombreux et de tous bords) mettaient aussi en avant le mauvais bilan carbone de cette chose et l'inconscience de certains utilisateurs qui roulent sur les trottoirs ou à deux sur une même bécane, cheveux au vent, sans casque.
L'an dernier selon le Bureau de prévention des accidents, 117 accidents graves ou mortels se sont produits en Suisse. Un chiffre en augmentation: à Lausanne, en trois ans, les cas ont triplé. Et la police a prévenu, dimanche, dans un JT de la RTS: les contrôles vont eux aussi augmenter.
Mais qui sont donc ces fameux «conducteurs irascibles» sans foi ni loi, ces bikers du trottoir, ces fêlés du pavé, ces fous du guidon qui ont décidé de troquer leur dignité contre ce bout de tôle qui roule? Certes, ça peut faire gagner du temps puisque ça roule «monstre vite»: des pointes à 20km/h selon les fabricants, et même à 27,3km/h selon un petit con croisé dans la rue qui se vantait d'avoir débridé sa bécane. Waouh.
D'accord, c'est plus rapide qu'une bonne foulée, surtout si tu suces ton Iqos parfum prout en même temps. Le problème, c'est qu'on avait déjà l'air passablement con sur une trottinette tout court, et voilà qu'on a décidé d'y coller des piles. On a inventé plein de trucs qui font de nous une civilisation vouée à crever dans des accidents de trottinettes pour s'être pris un pavé qui dépassait du trottoir. J'en veux pour preuve d'autres créations désignées directement par Satan et ses fidèles suppôts, comme le Segway.
Je me rappelle, gamine, de mon arrière-grand-mère et de son déambulateur électrique. Mémère ne l'utilisait que pour sortir de son EMS. À quel moment a-t-on foiré? À quel moment a-t-on jugé ingénieux de s'inspirer des appareils pour vieux pour déplacer une génération de feignasses?
L'interdiction parisienne des trottinettes électriques en libre-service débutera le 1er septembre prochain. Toutefois, rien n'empêchera les jeunes cadres dynamiques et autres foufous du bocal d'acquérir leurs propres traîne-fainéants à la Fnac. Chez nous, à part une distribution plus généreuse d'amendes d'ordre pour les «conducteurs irascibles», rien au programme.
On n'est pas sorti de l'auberge. D'ailleurs, si Mémère était encore là, elle se foutrait bien de nos gueules. Elle ferait la course avec son vieux déambulateur bordeaux métallisé contre les jeunes cadres dynamiques dans les couloirs de son EMS. Elle ne gagnerait sans doute pas (des pointes à 6km/h, ça ne pardonne pas), mais elle aurait toujours plus de classe qu'une feignasse en trottinette.