En plein conflit entre Israël et l'Iran, des Iraniens de la diaspora se trouvent déchirés entre l'espoir d'un changement de pouvoir à Téhéran et la violence de la guerre qui cerne leurs proches restés au pays, selon des témoignages. Depuis Francfort, Berlin, Londres, Stockholm ou la région parisienne, ils s'interrogent avec inquiétude sur l'avenir de l'Iran et du Moyen-Orient après cette escalade militaire qui a déjà fait de nombreuses victimes.
«Je suis partagé», confie Hamid Nasiri, employé d'une entreprise pharmaceutique vivant à Francfort. «Je pleure bien sûr les victimes en Iran», dit cet homme de 45 ans. Mais voir Israël s'en prendre «au gouvernement islamique, lui-même connu pour ses méthodes brutales. Cela me donne aussi un certain espoir».
Il reste néanmoins «convaincu qu'une véritable démocratie doit venir de l'intérieur».
Une réserve largement partagée par les témoins interrogés. «Les Iraniens devraient décider eux-mêmes comment se débarrasser des mollahs, sans ingérence étrangère», confie un gérant de restaurant de Francfort qui se dit «furieux» de cette intervention israélienne.
Une colère partagée par Shabnam, une Irano-américaine interrogée à Berlin : «les Iraniens ont enduré l'effondrement économique, la censure et la peur pendant des décennies. Aujourd'hui, les attaques de Netanyahu poussent le peuple iranien dans un piège inéluctable, celui de défendre le système même que nous détestons, simplement pour protéger notre peuple et nos foyers».
Hamidreza Javdan, comédien et metteur en scène originaire de Téhéran et vivant en région parisienne, veut croire que «c'est l'histoire qui avance» et garde l'«espoir» d'une transition politique.
Israël mène depuis le 13 juin sur l'Iran une attaque d'une ampleur sans précédent, visant des centaines de cibles militaires et nucléaires, avec l'objectif affiché d'empêcher ce pays de se doter de la bombe atomique. En riposte, Téhéran multiplie les salves de missiles tirées sur Israël.
«Je redoutais ce moment depuis je ne sais plus quand, mais cela me semble irréel de voir des images de ma ville natale en feu», confie Baharan Kazemi, 42 ans, autrice de livres pour enfants suédo-iranienne interrogée à Stockholm.
«Des innocents meurent, mais la guerre semble être la seule solution pour que les choses changent vraiment. Combien de manifestations ont eu lieu ? Et rien ne s'est passé», observe Paria, 32 ans, directrice d'un restaurant iranien à Londres, en référence notamment au soulèvement contre le pouvoir du mouvement «femmes, vie, liberté», violemment réprimé par les autorités iraniennes depuis 2022.
Même si elle souhaite un changement de régime, «nous nous inquiétons de ce qui va suivre», dit sa mère, Mona, 65 ans, qui vit à Londres depuis 30 ans. S'ajoute aussi l'angoisse pour les proches restés en Iran.
«Certains membres de ma famille n'ont pas répondu à nos messages, d'autres ont quitté Téhéran», déclare Kazemi, disant ressentir à la fois «peur, tristesse, colère et impuissance». «Nous avons encore de la famille et des amis en Iran, à Téhéran. Ils fuient vers le nord. Nous sommes très inquiets pour eux», confie aussi Paria à Londres.
Le frère du comédien Hamidreza Javdan, 71 ans, l'a appelé lundi pour le prévenir que la capitale doit être évacuée.
Chez Ali, installé à Londres, c'est aussi l'anxiété pour sa famille qui domine. «(...) J'ai de la famille en Iran, à Kermanshah (ouest de l'Iran), qui est bombardée». «Je n'ai jamais soutenu le régime iranien, je n'aime pas ce régime», dit cet homme de 49 ans, mais «qui va souffrir ? Le peuple».
«Israël ne respecte pas le droit international et a massacré la population de Gaza», estime une juriste suédo-iranienne de 34 ans.
Un traducteur iranien de Berlin, qui préfère lui aussi rester anonyme, dit n'avoir qu'un espoir : «que cette guerre renversera le régime des mollahs. Je le souhaite de tout mon cœur. Alors, tous ces morts n'auront pas été vains».