La tournée de trois jours de Donald Trump dans le Golfe arabo-persique, qui s’est achevée jeudi, est-elle un désaveu pour le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou?
Dominique Moïsi: Clairement un désaveu. Le président américain n’a même pas envisagé de rencontrer Netanyahou, alors même qu’il a rencontré le nouveau dirigeant syrien, Ahmed al-Charaa. Et alors qu’il arrivait en Arabie Saoudite, un otage américano-israélien était libéré après des négociations directes entre Washington et le Hamas, sans qu’Israël soit impliqué, en tout cas pas ouvertement dans le cas présent. Donald Trump a snobé et humilié Netanyahou.
Peut-on en déduire, à ce stade, que le gouvernement israélien, aux yeux de Donald Trump, ne fait pas partie de la solution dans la région, mais qu'il fait partie du problème?
D’une certaine manière, oui. Trump avait promis la paix en Ukraine et à Gaza. Il n’y a la paix ni en Ukraine ni à Gaza.
Pour autant, la relation entre les Etats-Unis et Israël étant historiquement étroite, on n’imagine pas Washington abandonner les Israéliens, renoncer, notamment, à leur fournir des armes.
On n’en est pas arrivé là. Mais ne pas rencontrer Netanyahou, après ne lui avoir accordé aucune condition tarifaire préférentielle, lorsque ce dernier s’était déplacé à Washington, c’est une manière pour Donald Trump de lui dire: je pensais que tu étais un atout dans ma politique, maintenant je me rends compte que tu peux être un obstacle, sinon, un handicap. Il y a une forme d’isolement de Netanyahou. Dans l’opinion publique internationale, c’est évident. Dans l’opinion publique israélienne, ça commence à le devenir, même si la société israélienne est profondément polarisée.
Le but de Donald Trump au Moyen-Orient est-il toujours d’élargir à l’Arabie Saoudite l’accord d’Abraham conclu avant le 7 Octobre entre Israël et les Emirats arabes unis, entre autres, sachant que Ryad demande au préalable à Israël la reconnaissance de principe d’un Etat palestinien?
Oui, mais on a l’impression, pour reprendre le parallèle entre Poutine et Netanyahou, que ni l’un ni l’autre ne veulent en aucun cas donner à Trump ce que Trump leur demande. A savoir, un vrai cessez-le-feu en Ukraine, un vrai cessez-le-feu à Gaza.
Comment comprenez-vous, d'une part, la rencontre de Donald Trump avec le dirigeant syrien, il y a peu encore considéré comme un terroriste islamiste par les Etats-Unis, d’autre part, la volonté du président américain de conclure un accord avec l’Iran, l’un des ennemis historiques de Washington?
Je crois qu’il faut dissocier les deux cas.
En Europe, Emmanuel Macron a reçu le 7 mai le président syrien. On dit, et je pense que c’est fondé, que les services secrets israéliens ont noué des contacts avec le nouveau régime syrien. Donc, ni la rencontre avec Trump, ni celle avec Macron ne sont choquantes. Certes, al-Charaa est un ancien terroriste, mais il a évolué et on va voir à l’avenir jusqu’à quel point.
Et à propos de l’Iran?
Dans le cas de l’Iran, on a l’impression que Netanyahou aurait souhaité demander à Trump son soutien et son feu vert pour régler militairement, au moins de manière temporaire, la question du nucléaire iranien. Il semble qu’il n’a pas été entendu.
Pourquoi?
Les priorités de Trump sont ailleurs. Ce sont celles du commerce, du deal, comme il dit. Et cela vaut aussi avec la Syrie, un pays qu’il va falloir reconstruire complètement. Lever les sanctions américaines contre la Syrie, c’est dire à celle-ci qu’on est prêt à l’aider à se reconstruire. Avec l’Iran, les Etats-Unis, qui ne veulent pas entendre parler d’une bombe nucléaire iranienne, cherchent à un conclure un deal qui comprendrait l’arrêt du programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions frappant les exportations de pétrole iranien.
Ces deals font-ils la paix globale au Moyen-Orient?
Trump veut mettre fin aux guerres. Mais il s’aperçoit que c’est plus compliqué que d’obtenir des méga-contrats immobiliers, énergétiques, d’armement ou en matière d’intelligence artificielle.
Derrière cela, il y a des non-progrès sur le plan géopolitique et il y a quand même un scandale qui va rester, avec cette histoire de l’avion que lui offre le Qatar, ce qui introduit un divorce avec les pratiques traditionnelles des présidents américains en la matière.