Le procès de huit adultes accusés d'avoir contribué à la campagne de haine ayant conduit à l'assassinat en 2020 de Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie de 47 ans, s'est ouvert lundi à Paris.
Les premiers mots des accusés sont attendus mardi matin à la reprise de l'audience, avec l'examen de personnalité de Naïm Boudaoud, 22 ans, et du Russe d'origine tchétchène Azim Epsirkhanov, 23 ans, les deux seuls hommes poursuivis pour complicité d'assassinat terroriste, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité
Ils sont notamment accusés d'avoir accompagné l'assassin, la veille de l'attentat, dans une coutellerie de Rouen (nord-ouest de Paris). Le 16 octobre 2020, Samuel Paty a été poignardé puis décapité près de son collège de région parisienne.
L'assassin, Abdoullakh Anzorov, 18 ans, islamiste radical russe d'origine tchétchène, est absent du procès: il a été tué par la police peu après son acte.
Avant sa mort, le professeur avait lui été la cible d'une intense campagne de cyberharcèlement. À l'origine, il y a le mensonge d'une élève de 13 ans l'accusant à tort de discrimination envers les musulmans.
La cour d'assises spéciale, composée uniquement de magistrats professionnels, a surtout procédé lundi à l'appel des témoins.
Ils sont 98 au total dont la jeune fille, collégienne dans la classe de Samuel Paty, qui avait affirmé de façon mensongère – elle était absente du cours – que ce dernier avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet.
Jugée avec cinq autres ex-collégiens à huis clos en 2023 par le tribunal des enfants de Paris, elle a été condamnée à 18 mois de prison avec sursis pour dénonciation calomnieuse.
Outre les deux amis de l'assaillant, les six autres accusés du procès des adultes sont jugés pour participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle, crime passible de 30 ans de réclusion criminelle.
Mardi après-midi, la cour entendra Priscilla Mangel, 36 ans, la seule femme à être jugée. Convertie à l'islam à l'âge de 16 ans, elle est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes.
L'accusation lui reproche notamment d'avoir échangé «de manière discrète» sur le réseau Twitter (devenu X) avec Abdoullakh Anzorov, «dont l'idéologie n'était pas dissimulée».
Sous pseudonyme, elle aurait notamment présenté à Anzorov le cours de Samuel Paty comme «l'illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans». Ce genre d'échanges a «conforté» l'assaillant dans son projet, estime l'accusation.
Il faudra attendre mercredi pour entendre Brahim Chnina, Marocain de 52 ans, le père de la collégienne citée, et Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste franco-marocain de 65 ans.
Ces deux hommes, en détention provisoire depuis quatre ans, ont massivement relayé les mensonges de l'adolescente sur les réseaux sociaux dans le but, selon l'accusation, de «désigner une cible», «susciter un sentiment de haine» et «ainsi préparer plusieurs crimes».
Cet assassinat – survenu en plein procès des attentats du 7 janvier 2015 contre la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo – a constitué une onde de choc dans la société française.
Le procès devrait être l'occasion d'évoquer la figure de l'enseignant, un homme «esseulé, apeuré, aux abois», selon les magistrats instructeurs.
«Je suis menacé par des islamistes locaux», écrit-il à ses collègues le 10 octobre 2020, quatre jours après son cours sur la liberté d'expression. A aucun moment, il ne bénéficiera d'une protection policière.
Lui qui a l'habitude de rentrer chez lui à pied demande à des collègues de le raccompagner en voiture les quatre jours qui précèdent son assassinat. Sauf le 16 octobre, veille de vacances scolaires, où aucun enseignant motorisé n'est disponible.
Triste symbole du sentiment d'insécurité qui l'habitait, un marteau a été découvert dans son sac à dos après son assassinat. Le procès est prévu jusqu'au 20 décembre. (ats/afp)