Les relations entre Israël et les Nations unies n'ont jamais été simples. Mais même selon ces critères, l'altercation entre le secrétaire général de l'ONU António Guterres et l'ambassadeur israélien à l'ONU Gilad Erdan s'est déroulée mardi de manière inhabituellement vive. Erdan a exigé que Guterres démissionne. Mercredi, selon les médias israéliens, il est allé encore plus loin: à l'avenir, les employés de l'ONU ne devraient plus recevoir de visa pour Israël.
Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen a annulé une rencontre avec Guterres. «Monsieur le secrétaire général, dans quel monde vivez-vous?», a demandé le ministre à Guterres.
C'est son discours au Conseil de sécurité de l'ONU mardi qui a mis le feu aux poudres. Il y a critiqué la contre-offensive israélienne après l'attaque terroriste du Hamas radical le 7 octobre.
Le chef de l'ONU a condamné l'attaque du Hamas contre Israël, mais a également déclaré que celle-ci n'avait pas eu lieu «dans le vide». Le peuple palestinien a vécu 56 ans «d'occupation écrasante». Mais la douleur des Palestiniens ne doit pas légitimer les «attaques terrifiantes» du Hamas ni justifier une «punition collective».
Cela a provoqué l'indignation en Israël. L'ancien chef de l'opposition Benny Gantz, qui fait depuis peu partie du gouvernement en tant que membre d'un cabinet de guerre, a qualifié Guterres sur X (anciennement Twitter) de partisan de la terreur qui ne devrait pas «parler au nom du monde».
«Je ne vois pas dans son discours une relativisation de la terreur», déclare Steffen Hagemann, politologue et ancien directeur de la fondation Heinrich Böll à Tel-Aviv. Selon lui, Guterres a fermement condamné les attentats terroristes du Hamas. La référence à l'occupation qui dure depuis 56 ans n'explique toutefois pas à elle seule les attentats du Hamas. Néanmoins, «la fonction du secrétaire général de l'ONU est d'exiger le respect du droit international».
Guterres lui-même s'est à nouveau exprimé mercredi après-midi: «Je suis choqué par la présentation erronée de ma déclaration d'hier au Conseil de sécurité, comme si je justifiais les actes terroristes du Hamas», a-t-il déclaré.
Guterres a ensuite répété d'autres parties de son discours, condamnant «sans équivoque» l'attaque du Hamas et affirmant que «rien ne peut justifier l'attaque contre des civils israéliens». «Je pense qu'il était nécessaire de remettre les choses à leur place, surtout par respect pour les victimes et leurs familles», a-t-il déclaré aux journalistes.
En effet, le conflit au sein du Conseil de sécurité de l'ONU ne s'est pas non plus déroulé dans le vide. Les relations d'Israël avec l'organisation mondiale sont difficiles depuis de nombreuses années. «Il y a une majorité automatique contre Israël à l'Assemblée générale de l'ONU», a déclaré Yuval Shany, professeur de droit international à l'Université hébraïque de Jérusalem. L'opposition traditionnelle des Etats musulmans et de nombreux pays en développement aurait depuis longtemps donné à l'agenda des Nations unies un fort accent sur les droits des Palestiniens.
L'ancien ambassadeur d'Israël à l'ONU, Ron Prosor, avait un jour décrit cette relation en ces termes: «L'Assemblée générale serait d'accord pour dire que la Terre est plate si les Palestiniens l'avaient proposé». Une image polémique, car souvent les sujets sont aussi tout à fait litigieux: le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a par exemple condamné à plusieurs reprises la poursuite de la construction de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés.
Récemment, des progrès isolés ont été réalisés dans l'intégration d'Israël aux Nations unies: en 2012, le pays a fourni pour la première fois un vice-président à l'Assemblée générale et en 2016 un président pour la commission juridique.
Ces petits pas vers la normalisation ont toutefois toujours été contrebalancés par d'âpres disputes sur la politique israélienne dans le conflit avec les Palestiniens. La dispute entre le secrétaire général de l'ONU et les dirigeants israéliens perpétue désormais cette tradition.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)