La femme rabbin Delphine Horvilleur, à gauche. Un char israélien en bordure de la bande de Gaza (8 mai 2025).image: capture site Tenoua et keystone
Cette rabbin française sort du «silence» face aux horreurs à Gaza
Alors qu'Israël menace Gaza d'épuration ethnique, la rabbin française Delphine Horvilleur publie un texte-manifeste pour dire son «refus absolu de l’annihilation d’un peuple» pour réaliser «le rêve de survie» d'un autre peuple. La journaliste Anne Sinclair et le dessinateur Joann Sfar prennent à leur tour la parole.
Comme beaucoup de juifs en France, des juifs plutôt de gauche, la femme rabbin Delphine Horvilleur, personnalité écoutée, s’était enfermée ces derniers mois dans un combat l’opposant à ceux qui ont ignoré les massacres du 7-Octobre ou les ont considérés comme le juste châtiment infligé à un Etat prétendument illégitime: l'Etat du peuple juif, Israël, reconnu en 1947 par la communauté internationale, au même titre que l’Etat palestinien.
«J’ai parfois bâillonné ma parole»
Dans une prise de parole publiée jeudi 8 mai sur le site Tenoua consacré au judaïsme, Delphine Horvilleur sort du silence. Un silence qui, comprend-on, pesait sur sa conscience et que les intentions éradicatrices affichées au grand jour par le gouvernement suprémaciste israélien à l’égard des Palestiniens de Gaza ne lui permettaient plus de garder. Le titre de son intervention?
«Gaza/Israël: Aimer (vraiment) son prochain, ne plus se taire»
Sortant de la binarité du «nous» et du «eux», elle explique sa démarche:
«Toute autocritique menace l’union sacrée, se fait traîtrise ou, pire, carburant pour un ennemi qui cherche à nous détruire. Alors Chut… Taisons‐nous plutôt que de faire le jeu d’une quelconque récupération. Il en va de la sécurité de nos idées ou de nos enfants.»
Elle ajoute:
«Moi‐même, j’ai ressenti souvent cette injonction au silence. J’ai parfois bâillonné ma parole, pour éviter qu’elle ne nourrisse les immondices de ceux qui me menacent, ceux qui diabolisent et déshumanisent un peuple, et s’imaginent aider ainsi un autre. J’ai censuré mes mots face à ceux qui trouvent des excuses à une déferlante antisémite "ici" au nom d’une justice absente "là‐bas". J’ai entendu dans leur bouche les accords d’une haine ancestrale, la mélodie de ceux qui sont convaincus d’être du bon côté de l’Histoire.»
Femme de religion, auteure de Comment ça va pas? Conversations après le 7 octobre, paru en 2024 au éditions Grasset, elle se réfère à l'un «des versets les plus célèbres (et les moins bien compris) de la Bible», écrit-elle: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même».
«Je me suis tue, mais, aujourd’hui, il me semble urgent de reprendre la parole. Je veux parler, au nom de "l’amour du prochain" ou plutôt de ce que ce verset biblique (si mal traduit) en dit vraiment».
Aussi est-ce par «amour d’Israël», qu’elle retourne aujourd’hui à Israël un miroir dans lequel il apparaît si peu aimable. Elle écrit:
«C’est donc précisément par amour d’Israël que je parle aujourd’hui. Par la force de ce qui me relie à ce pays qui m’est si proche, et où vivent tant de mes prochains. Par la douleur de le voir s’égarer dans une déroute politique et une faillite morale. Par la tragédie endurée par les Gazaouis, et le traumatisme de toute une région.»
Delphine Horvilleur
Cet amour d’Israël, ajoute-t-elle:
«Est un rêve de survie pour un peuple (les Juifs) que personne n’a su ou voulu protéger et il est le refus absolu de l’annihilation d’un autre peuple (les Palestiniens) pour le réaliser»
Delphine Horvilleur
Delphine Horvilleur appelle à soutenir:
«Ceux qui refusent toute politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire (celle du peuple juif);
ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs cœurs à la souffrance terrible des enfants de Gaza;
ceux qui savent que seul le retour des otages et la fin des combats sauveront l’âme de cette nation;
ceux qui savent que, sans avenir pour le peuple palestinien, il n’y en a aucun pour le peuple israélien;
ceux qui savent qu’on n’apaise aucune douleur, et qu’on ne venge aucun mort, en affamant des innocents ou en condamnant des enfants.»
Joann Sfar et Anne Sinclair prennent aussi la parole
Ce texte marque peut-être un tournant en France et en Europe dans l’analyse binaire, ou «campiste» (chacun campant fermement dans son parti pris), des horreurs commises au Proche-Orient depuis et y compris le 7-Octobre.
A la suite ou en même temps que le rabbin Horvilleur, la célèbre journaliste Anne Sinclair prend également la parole. Elle écrit, entre autres:
«Nous nous sommes tus, car l’antisémitisme qui gagne du terrain, sous couvert d’antisionisme, nous a contraints à faire bloc face à ceux qui nous insultent et crient leur haine du juif»
Anne Sinclair
Elle ajoute:
«Mais la situation de la population de Gaza, comme celle de la Cisjordanie où la population est maltraitée chaque jour, concerne notre simple humanité. (…) Il s’agit maintenant de reprendre la voie du cessez-le-feu et de permettre aux organisations humanitaires d’avoir accès aux populations civiles.»
Anne Sinclair
Salut «le courage de Delphine Horvilleur», le dessinateur français juif Joann Sfar, l’auteur des bandes dessinées Le Chat du rabbin, s'exprime à son tour dans un texte publié sur son compte Facebook. Extraits:
«Delphine Horvilleur a eu le courage de parler, et nous devons être nombreux à prendre la parole contre la fuite en avant (du gouvernement israélien) à laquelle nous assistons. Il est contraire à la morale humaine et à l’éthique juive de se taire face aux déplacements de populations forcés et au nettoyage ethnique qu’annonce le ministre Smotrich (délégué à la Défense).»
Joann Sfar
«De même, reprend-il, personne ne peut soutenir les crimes commis en Cisjordanie, comme pas plus tard qu’hier (le 7 mai) le démantèlement de villages à Masafer Yatta.»
La publication Facebook de Joann Sfar
En affirmant sa volonté d’éradiquer, par le nettoyage ethnique, la population de Gaza, le gouvernement israélien franchit un pas qui sépare les horreurs de la guerre des horreurs contre l’humanité. C’est ce que ces juifs français refusent. Pas en leur nom, pas au nom d'Israël, disent-ils.
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