Cette rabbin française sort du «silence» face aux horreurs à Gaza
Comme beaucoup de juifs en France, des juifs plutôt de gauche, la femme rabbin Delphine Horvilleur, personnalité écoutée, s’était enfermée ces derniers mois dans un combat l’opposant à ceux qui ont ignoré les massacres du 7-Octobre ou les ont considérés comme le juste châtiment infligé à un Etat prétendument illégitime: l'Etat du peuple juif, Israël, reconnu en 1947 par la communauté internationale, au même titre que l’Etat palestinien.
«J’ai parfois bâillonné ma parole»
Dans une prise de parole publiée jeudi 8 mai sur le site Tenoua consacré au judaïsme, Delphine Horvilleur sort du silence. Un silence qui, comprend-on, pesait sur sa conscience et que les intentions éradicatrices affichées au grand jour par le gouvernement suprémaciste israélien à l’égard des Palestiniens de Gaza ne lui permettaient plus de garder. Le titre de son intervention?
Sortant de la binarité du «nous» et du «eux», elle explique sa démarche:
Elle ajoute:
«Tu aimeras ton prochain comme toi-même»
Femme de religion, auteure de Comment ça va pas? Conversations après le 7 octobre, paru en 2024 au éditions Grasset, elle se réfère à l'un «des versets les plus célèbres (et les moins bien compris) de la Bible», écrit-elle: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même».
«Je me suis tue, mais, aujourd’hui, il me semble urgent de reprendre la parole. Je veux parler, au nom de "l’amour du prochain" ou plutôt de ce que ce verset biblique (si mal traduit) en dit vraiment».
Aussi est-ce par «amour d’Israël», qu’elle retourne aujourd’hui à Israël un miroir dans lequel il apparaît si peu aimable. Elle écrit:
Cet amour d’Israël, ajoute-t-elle:
Delphine Horvilleur appelle à soutenir:
- «Ceux qui refusent toute politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire (celle du peuple juif);
- ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs cœurs à la souffrance terrible des enfants de Gaza;
- ceux qui savent que seul le retour des otages et la fin des combats sauveront l’âme de cette nation;
- ceux qui savent que, sans avenir pour le peuple palestinien, il n’y en a aucun pour le peuple israélien;
- ceux qui savent qu’on n’apaise aucune douleur, et qu’on ne venge aucun mort, en affamant des innocents ou en condamnant des enfants.»
Joann Sfar et Anne Sinclair prennent aussi la parole
Ce texte marque peut-être un tournant en France et en Europe dans l’analyse binaire, ou «campiste» (chacun campant fermement dans son parti pris), des horreurs commises au Proche-Orient depuis et y compris le 7-Octobre.
A la suite ou en même temps que le rabbin Horvilleur, la célèbre journaliste Anne Sinclair prend également la parole. Elle écrit, entre autres:
Elle ajoute:
Salut «le courage de Delphine Horvilleur», le dessinateur français juif Joann Sfar, l’auteur des bandes dessinées Le Chat du rabbin, s'exprime à son tour dans un texte publié sur son compte Facebook. Extraits:
«De même, reprend-il, personne ne peut soutenir les crimes commis en Cisjordanie, comme pas plus tard qu’hier (le 7 mai) le démantèlement de villages à Masafer Yatta.»
La publication Facebook de Joann Sfar
En affirmant sa volonté d’éradiquer, par le nettoyage ethnique, la population de Gaza, le gouvernement israélien franchit un pas qui sépare les horreurs de la guerre des horreurs contre l’humanité. C’est ce que ces juifs français refusent. Pas en leur nom, pas au nom d'Israël, disent-ils.
