26 janvier dans le golfe d'Aden. Le pétrolier Marlin Luanda est touché par un missile tiré par les rebelles yéménites Houthis. Il n'y a pas de blessés, mais l'attaque contre le navire transportant de l'essence brute russe pour le géant des matières premières Trafigura, dont le siège est à Genève, provoque d'importants dégâts. Il faut des heures pour éteindre l'incendie.
Depuis des mois, les Houthis, proches du Hamas, attaquent régulièrement des cargos en mer Rouge afin de faire pression sur les alliés occidentaux d'Israël. En réaction, les Etats-Unis et le Royaume-Uni tirent depuis la mi-janvier sur les positions des rebelles. Le nombre d'attaques contre les navires a quelque peu diminué depuis, comme l'écrit le Financial Times. Mais la situation ne s'est pas détendue pour autant.
En effet, le nombre de compagnies maritimes qui évitent la mer Rouge ne cesse d'augmenter. L'exemple le plus récent est celui de la compagnie française CMA CGM, troisième plus grande compagnie maritime du monde. Elle aussi a décidé, il y a une semaine, de contourner l'importante route commerciale par laquelle transite environ 12% du commerce mondial. Les navires doivent donc faire un détour par le continent africain, ce qui prend une à trois semaines de plus.
Selon les chiffres de l'Institut d'économie mondiale de Kiel, le nombre de conteneurs traversant la mer Rouge et le canal de Suez est actuellement inférieur de 80% à ce que l'on pourrait attendre. Dans les principaux ports européens comme Hambourg, Rotterdam et Anvers, il y aurait environ un quart de navires en moins.
Qu'est-ce que cela signifie pour les entreprises suisses? Sont-elles déjà confrontées à des problèmes d'approvisionnement et à des prix plus élevés? Le fabricant suisse d'accessoires informatiques Logitech a été l'une des premières entreprises à mettre en garde contre ce risque. En janvier, la PDG Hanneke Faber a déclaré à l'agence de presse Reuters que les coûts de transport plus élevés allaient faire baisser la marge bénéficiaire. En outre, Logitech a recours à davantage de fret aérien pour éviter les goulots d'étranglement.
Gilles Andrier, dirigeant du fabricant d'arômes et de parfums Givaudan, prévoit lui aussi des délais de livraison plus longs à l'avenir. Il ne s'attend toutefois pas à des coûts supplémentaires pour le moment.
En revanche, le groupe industriel ABB ne ressent pas d'impact significatif sur son activité, selon son PDG Björn Rosengren, car il produit principalement localement. Même son de cloche du côté du géant du ciment Holcim. Le nouveau patron Miljan Gutovic a déclaré à Reuters:
Matthias Wolf, directeur suisse du groupe logistique international Kühne + Nagel, a déclaré, lundi, à la radio SRF qu'il n'y avait actuellement pas de pénurie de capacités de fret. «Mais nous voyons que les capacités se raréfient.» Cela pourrait conduire à une pénurie de conteneurs disponibles.
L'ampleur des conséquences économiques de la crise en mer Rouge est controversée parmi les spécialistes. Toutefois, les chercheurs de Kiel relativisent, car, actuellement, la situation «semble plus dramatique qu'elle ne l'est sur le plan économique». En effet, la quantité de marchandises expédiées dans le monde ne souffre pas de la crise en mer Rouge, elle a même augmenté en janvier – elle est «proche du précédent record atteint il y a environ deux ans».
Selon eux, le commerce mondial n'est pas en crise et reste donc stable. Certes, certaines entreprises pourraient souffrir de retards de livraison. Mais il ne faut pas s'attendre à des pénuries de produits intermédiaires ou de biens de consommation.
La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) se montre plus inquiète. L'institution de l'ONU parle de «conséquences économiques de grande ampleur». Des interruptions prolongées dans la navigation des conteneurs menaceraient directement les chaînes d'approvisionnement mondiales. Conséquences, des livraisons tardives et des prix plus élevés.
D'après la Cnuced, les prix du fret entre Shanghai et l'Europe ont plus que triplé. Les primes d'assurance ont également «grimpé en flèche». De plus, les navires détournés seraient contraints de naviguer plus vite, ce qui les conduirait à consommer plus de carburant et à émettre plus de CO2. Les détournements de pétroliers autour de l'Afrique ont augmenté la demande de pétrole de 200 000 barils par jour, d'après Reuters.
Enfin, la crise a également des répercussions sur les prix des denrées alimentaires dans le monde, comme l'explique l'institution de l'ONU. Les pays en développement sont particulièrement menacés.
Le géant bancaire américain JP Morgan craint également que la crise de la mer Rouge n'alimente à nouveau l'inflation. La banque estime que les prix à la consommation mondiaux des marchandises augmenteront de 0,7% au cours du premier semestre 2024. Si la situation perdure, il pourrait également y avoir des répercussions négatives sur l'industrie.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder