Parmi les 720 députés européens, Ilaria Salis est sans doute celle qui mène la carrière politique la plus étrange. Cette Italienne de 39 ans vient d'être élue au Parlement européen. Depuis plus de 15 mois, cette enseignante est emprisonnée en Hongrie. Le parquet lui reproche d'avoir grièvement blessé des manifestants d'extrême droite. Grâce à son mandat de députée, Salis bénéficie toutefois désormais d'une immunité.
En février 2023, l'enseignante milanaise s'était rendue à Budapest à l'occasion de la «Journée de l'honneur», au cours de laquelle les extrémistes de droite commémorent chaque année les troupes nazies et les collaborateurs hongrois. Beaucoup d'entre eux sont morts en 1945 en tentant de briser le siège de Budapest par l'Armée rouge.
Salis, antifasciste revendiquée, voulait participer à des contre-manifestations. Des militants de gauche de toute l'Europe ont fait de même. Certains d'entre eux auraient agressé des manifestants d'extrême droite et les auraient battus à coups de marteau. Selon les autorités hongroises, six extrémistes de droite ont ainsi été blessés. Salis a ensuite été arrêtée.
Outre les coups et blessures, le parquet l'accuse de terrorisme. Salis risquait donc jusqu'à 20 ans de prison. Lorsque son procès s'est ouvert en janvier, les médias italiens ont poussé un cri d'alarme. Des images montraient la femme de 39 ans, pieds et poings liés, menée en laisse par une policière dans la salle d'audience.
Mauvaise nourriture, vermine, cellule sale - les conditions de détention de Salis ont également suscité l'indignation en Italie. Et ce, au-delà des cercles de la gauche. La première ministre Giorgia Meloni a été mise sous pression. La cheffe du gouvernement de droite ferait-elle quelque chose pour aider une concitoyenne antifasciste?
Meloni a promis d'intervenir sur la scène internationale pour obtenir de meilleures conditions de détention pour la militante antifasciste. Cela signifiait que Meloni devait s'adresser à son ami - le chef du gouvernement hongrois de droite Viktor Orbán. Mais le paiement d'une caution lui a enlevé une épine du pied. Fin mai, Ilaria Salis a été assignée à résidence à Budapest.
Face à cette situation, la gauche italienne n'est pas restée inactive. L'alliance AVS a désigné la détenue comme candidate aux élections européennes. Le plan: si Ilaria Salis est élue au Parlement, cela lui conférera l'immunité dans toute l'Europe. De plus, l'alliance a profité de la sympathie pour Salis dans les milieux de gauche. Elle a pu la convertir directement en voix. L'alliance vert/gauche a obtenu six sièges. En 2019, elle n'en avait pas gagné un seul.
Dans les milieux de droite, en revanche, le choix de Salis a suscité l'indignation. L'incompréhension règne quant au fait qu'une criminelle présumée pourrait ainsi se soustraire aux investigations.
Au lendemain de son élection, la famille et l'avocat d'Iliria Salis ont demandé sa libération, évoquant son futur mandat. Mais le statut de députée d'Ilaria Salis doit encore être confirmé. On ne sait pas encore si cela se fera avant la session constitutive du Parlement européen. Celle-ci aura lieu le 16 juillet.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)