L'ancien chef de l'Etat brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro a été condamné jeudi à 27 ans de prison pour tentative de coup d'Etat à l'issue d'un procès historique, malgré les intenses pressions du président américain Donald Trump en sa faveur.
Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a presque aussitôt promis des représailles: les Etats-Unis vont «répondre en conséquence» à cette condamnation «injuste», a-t-il promis. Le Brésil ne se laissera pas «intimider» par les «menaces» des Etats-Unis, a répondu le gouvernement brésilien.
Par quatre voix contre une, la Cour suprême a déclaré coupable l'ex-président brésilien (2019-2022), 70 ans, le condamnant à 27 ans et trois mois de prison. Un séisme, à un peu plus d'un an de la présidentielle de 2026.
Bolsonaro, qui a toujours clamé son innocence, a été reconnu chef d'une «organisation criminelle» ayant conspiré pour assurer son «maintien autoritaire au pouvoir» après sa défaite face au président de gauche actuel, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l'élection de 2022. Selon l'accusation, le complot prévoyait notamment l'assassinat de Lula et ne s'est pas concrétisé faute de soutien de la hiérarchie militaire.
Les émeutes qui avaient vu le 8 janvier 2023, une semaine après l'investiture de Lula, des milliers de sympathisants bolsonaristes prendre d'assaut et vandaliser les sièges des institutions à Brasilia auraient été l'«ultime espoir» de voir aboutir le complot.
Inéligible jusqu'en 2030 et assigné à résidence, M. Bolsonaro n'était pas présent aux audiences, pour motif de santé selon sa défense. L'ancien chef de l'Etat garde «la tête haute pour affronter cette persécution, parce que l'histoire montrera que nous sommes du bon côté», a réagi le sénateur Flavio Bolsonaro, son fils aîné, devant le domicile de son père à Brasilia.
Le camp conservateur va mettre «toutes ses forces» pour «unir le Parlement» autour d'un projet d'amnistie incluant son leader, a-t-il affirmé. Le procès divise fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale.
Dans un bar de Brasilia où l'audience de jeudi était retransmise sur un écran géant, applaudissements et cris de joie ont salué la condamnation. «Après tant d'attente, cet individu exécrable se fait envoyer en prison», a dit à l'AFP Virgilio Soares, traducteur.
Dans un tout autre climat, une quinzaine de sympathisants bolsonaristes se sont retrouvés jeudi soir devant son domicile pour témoigner leur soutien à leur champion. «Avec l'âge qu'il a, nous savons tous qu'il finira par mourir en prison», lâche Vantuir Batista, pasteur évangélique de 50 ans. Il fustige un «procès injuste pour le sortir de la course électorale».
L'affaire Bolsonaro est aussi à l'origine d'une crise sans précédent entre la première puissance d'Amérique latine et les États-Unis. Dénonçant une «chasse aux sorcières» contre Jair Bolsonaro, Donald Trump a imposé depuis début août une surtaxe punitive de 50% sur une part importante des exportations brésiliennes.
«C'est très surprenant que ça puisse arriver», a réagi le président américain après la condamnation de son allié, la comparant à ses propres déboires judiciaires passés. C'est la première fois qu'un ancien chef de l'Etat est condamné pour de tels faits, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Sa défense devrait déposer des recours.
Déplorant des peines «incroyablement excessives», ses avocats ont promis de déposer «les recours appropriés, y compris au niveau international». Selon une source de la Cour suprême, la défense aura cinq jours pour faire appel, une fois le jugement publié. Bolsonaro ne pourrait être envoyé en prison qu'une fois tous ses recours épuisés, a expliqué à l'AFP Thiago Bottino, professeur de droit pénal à la Fondation Getulio Vargas.
La haute juridiction a condamné en outre sept anciens proches collaborateurs de Bolsonaro, dont plusieurs ex-ministres et généraux, à des peines allant de deux à 26 ans de prison. La bataille devrait rapidement s'accélérer pour le leadership à droite en vue de la prochaine présidentielle.
Avec une popularité renforcée par les attaques américaines, Lula, 79 ans, affiche son intention de briguer un nouveau mandat, se posant en champion de la «souveraineté» brésilienne. Jair Bolsonaro est le quatrième ancien locataire du palais présidentiel condamné depuis le retour à la démocratie il y a 40 ans dans le pays.
Avant lui, Fernando Collor de Mello, Michel Temer et Lula (qui fit deux premiers mandats entre 2003 et 2010) ont été condamnés pour corruption. Lula a été incarcéré en 2018-2019, avant que sa condamnation ne soit annulée pour vice de forme. (jzs/ats/afp)