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Avec les Libanais qui fuient les frappes israéliennes

Avec les Libanais qui fuient les combats et les frappes israéliennes
Les réfugiés s'entassent sur la place des Martyrs à Beyrouth.Keystone

Avec les Libanais qui fuient les frappes israéliennes

Les Libanais déplacés dans leur propre pays. Depuis l’offensive de l’armée israélienne au sud fin septembre, ils sont de plus en plus nombreux à fuir dans la direction opposée, vers le nord. Les plus chanceux y trouvent un toit. Reportage.
02.11.2024, 15:48
Lisa Schneider, Beyrouth / ch media
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La place des Martyrs, au cœur de Beyrouth, a été témoin de plusieurs événements historiques: l'exécution de nationalistes arabes en 1916, qui s'étaient insurgés contre l'Empire ottoman de l'époque, la guerre civile sanglante de 1975 à 1990, lorsque cette place marquait la ligne de démarcation entre l’est et l’ouest de la ville.

Et en 2019, les manifestations contre le gouvernement, accusé de corruption. Désormais, elle accueille des personnes déplacées du Sud-Liban et des banlieues sud de la capitale. Toutes fuient la guerre entre Israël et la milice du Hezbollah.

Le 23 septembre, l’armée israélienne a intensifié sa campagne dans le sud du pays voisin, ordonnant aux habitants de nombreux villages d’évacuer. Des centaines de milliers d'entre eux ont pris la route du nord, suivant l’autoroute côtière bondée.

Après la mort d'Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, tué dans un bunker dans le sud de Beyrouth par une frappe israélienne, un exode a aussi débuté dans les quartiers chiites de Dahieh. D’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), environ 1,2 million de personnes seraient actuellement en fuite au Liban.

Bloqués au cœur de la capitale

Nasser, qui ne donne que son prénom, fait partie de ceux qui ont fui directement après la mort du chef du Hezbollah. Avec sa famille, il a quitté le sud de Beyrouth pour se réfugier dans un parc près de la place des Martyrs.

Accompagné de sa femme et de ses quatre enfants — dont le plus jeune tête encore au sein — il dort sur une couverture. Derrière eux, une valise et un sac à dos, tout ce qu’ils ont pu emporter dans la précipitation de leur départ.

La famille ne possède pas de voiture. Elle s'en est donc allée à pied le long de l’autoroute, passant devant le stade de Beyrouth, à la frontière entre la ville et la banlieue, puis devant le rond-point de Cola, point de départ habituel des bus vers le sud du Liban.

Quelques jours après la frappe sur la tête pensante du Hezbollah, une autre offensive aérienne israélienne a visé la zone, tuant quatre personnes dans un bâtiment en partie détruit.

En poursuivant sur l’autoroute depuis le sud de Beyrouth, on arrive à la place des Martyrs, où de nombreux réfugiés se sentent relativement en sécurité face aux frappes israéliennes. Au fil des jours, certains campements se sont peu à peu dispersés.

Si certains trouvent refuge chez des proches, d’autres parviennent à louer un logement ou à rejoindre des abris d’urgence. Nasser, lui, est resté. Ayant perdu son emploi dans une usine de plastique, il n’a pas les moyens de s’installer dans des quartiers plus sûrs au nord de Beyrouth.

Ballotés d’un endroit à l’autre

Jinan, plus chanceuse, a quitté le sud, près de Sour, à 25 kilomètres de la frontière israélienne. Après le 23 septembre, elle s'est réfugiée chez des amis dans le quartier de Tayouneh, à proximité de Chiyah, qui borde Dahieh. Mais à mesure que le conflit s’intensifiait, elle a dû fuir de nouveau.

Mi-octobre, Jinan et son amie Janna, qui l’avait accueillie, se retrouvent alors dans une école transformée en refuge dans un village chrétien des montagnes libanaises, loin de la présence du Hezbollah. Elles partagent un grand dortoir avec neuf autres membres de leurs familles.

Jinan (à droite) et son amie Janna dans une école transformée en abri de fortune à Beyrouth.
Jinan (à droite) et son amie Janna dans une école transformée en abri de fortune à Beyrouth.Image: Lisa Schneider

Heureuses d’être arrivées ici, elles disposent de matelas, couvertures, oreillers et même de quelques lits. Une machine à laver est disponible au sous-sol, gérée par une organisation catholique qui soutient l’hébergement.

Il n'y a aucun problème entre les groupes religieux. Selon Janna, tous se comportent de manière très respectueuse. L'un des derniers dimanches, elles ont même reçu une bénédiction chrétienne - une expérience nouvelle et positive, disent-elles toutes les deux.

Abris d’urgence saturés

Le refuge de Jinan et Janna accueille environ 140 personnes et affiche complet, comme les quelque 1000 centres d'hébergement temporaire dans le pays. «Ici, on n’entend pas la guerre», confie Janna. Un soulagement comparé aux bruits des combats à Tayouneh.

Elle a aussi la chance d’avoir conservé son travail de journaliste pour un portail en ligne, malgré l’absence de Wi-Fi dans le refuge.

Un lit dans un centre d'hébergement.
Un lit dans un centre d'hébergement.Image: Lisa Schneider

L'Etat libanais affirme que tous les abris d'urgence sont saturés. Pour ceux qui campent toujours autour de la place des Martyrs, la question reste sans réponse: où aller?

Quelques jours après avoir parlé avec Nasser, le parc est désormais désert, entouré par un enchevêtrement de fils barbelés qui étincèlent sous le soleil libanais. Les accès au parc sont bloqués, forçant ceux qui y campaient à poursuivre leur errance, sans but ni solution.

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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