Le Mexique se rend aux urnes dimanche et s'apprête à élire, sauf coup de théâtre, la première femme présidente de l'histoire du pays, gangréné par la violence liée au narcotrafic. L'ONU y décompte aussi une dizaine de féminicides par jour.
La favorite de ce scrutin est la candidate de la gauche au pouvoir, Claudia Sheinbaum, 61 ans, devant sa rivale de centre-droit Xochitl Galvez. Le troisième candidat est Jorge Maynez, représentant du parti minoritaire Mouvement citoyen.
La violence a rattrapé la journée électorale dans le plus grand pays hispanophone du monde, où ont lieu également des élections au niveau local, avec l'assassinat d'un candidat à un mandat dans l'Etat du Michoacán (ouest).
Israël Delgado, 35 ans, a été tué par balle dans la nuit de samedi à dimanche. Avant lui, au moins 25 candidats avaient été assassinés, d'après le comptage de l'AFP.
De Cancùn (sud-est) à Mexico, les files ont commencé à se former dès l'ouverture des bureaux de vote à 08h00 locales (16h00 heure suisse pour Mexico).
En trois mois de campagne, Claudia Sheinbaum,du Mouvement pour la régénération nationale (Morena) et ex-maire de Mexico (2018-2023), a régulièrement devancé de 17 points en moyenne Xochitl Galvez, soutenue par une coalition de trois partis.
Clemencia Hernandez, femme de ménage de 55 ans, s'apprête à voter pour la première. «Une femme présidente représentera une transformation et espérons qu'elle fasse davantage pour ce pays. Ici la violence contre les femmes est à 100%», dit-elle.
Elle tient par ailleurs à apporter son vote à la gauche sortante. «Aucun gouvernement avant ne s'était préoccupé autant des personnes âgées», argumente-t-elle, en référence au président Andres Manuel Lopez Obrador.
Les électeurs sont également appelés à renouveler le Congrès et le Sénat, à choisir les gouverneurs dans neuf des 32 Etats et à désigner des députés locaux et maires.
En tout, 20 000 postes sont à pourvoir lors de ces élections à un tour. Les premières tendances pour la présidentielle seront connues quelques heures après la fermeture des bureaux de vote à 18h00 (02h00 heure suisse pour Mexico).
«Nous allons entrer dans l'histoire», a proclamé Claudia Sheinbaum, portée par la popularité du président sortant, lors de son dernier rassemblement de campagne mercredi à Mexico.
«Cela veut dire vivre sans peur et être libres de violences», a ajouté Sheinbaum. Chaque jour, une moyenne de neuf à dix femmes sont assassinées au Mexique, selon l'ONU Femmes.
La lutte contre la violence des cartels, des gangs et des bandes sera le premier défi de la future présidente, d'après Michael Shifter, chercheur au centre d'analyse Dialogo Interamericano, dont le siège est à Washington.
Au total, quelque 450 000 personnes ont été assassinées depuis 2006, quand l'ex-président Felipe Calderon a envoyé l'armée contre les cartels.
Sheinbaum a promis de poursuivre la politique actuelle, qui consiste à s'attaquer aux causes de la violence plutôt que le tout répressif, tout en luttant contre «l'impunité». Galvez, quant à elle, veut en finir avec les «accolades» aux cartels.
La «presidenta» devra également consolider l'Etat-providence dans un contexte budgétaire qui se dégrade. Des prévisions annoncent un déficit à 5.9% du PIB pour 2024, le plus important depuis des décennies.
Elle devra également gérer la relation bilatérale intense et complexe avec les Etats-Unis. Washington demande à Mexico de lutter contre le trafic de fentanyl, une drogue de synthèse qui provoque des milliers d'overdoses aux Etats-Unis.
Le Mexique a pour sa part déposé deux plaintes aux Etats-Unis contre des fabricants d'armes américains, qu'il accuse d'être responsables de tueries sur son territoire.
Les deux pays sont confrontés au défi de l'immigration clandestine qui bat des records, avec 2.4 millions d'arrestations côté Etats-Unis en 2023, d'après les autorités américaines.
La «presidenta» devra alors attendre l'élection de novembre au nord du rio Grande pour savoir si son interlocuteur sera le président démocrate sortant Joe Biden ou le républicain Donald Trump. (lal/ats)