Voici le «Kinder Surprise» chargé d'offrir la Moldavie à Poutine
Il est parfois présenté comme un possible successeur du président russe. Sergueï Kirienko, conseiller de tout premier plan du Kremlin, ne se contente pas de maintenir les territoires occupés en Ukraine dans la ligne politique de Moscou. Il s’occupe aussi des anciennes républiques soviétiques qui se sont éloignées de la Russie. Son nouveau terrain d’action: la Moldavie.
Le 28 septembre, le pays tiendra des élections législatives. Déjà lors du référendum européen et de la dernière élection présidentielle, Moscou a tenté d’influencer le scrutin par divers moyens de déstabilisation. Malgré cela, la présidente pro-européenne Maia Sandu a remporté de justesse l’élection. Pour l'instant, son parti, le PAS, détient la majorité absolue, tandis que le parti prorusse Sor ne compte que six sièges. Mais, selon plusieurs observateurs moldaves, Vladimir Poutine n’a pas renoncé à ses ambitions.
Selon le quotidien allemand Münchner Merkur, la Russie mise sur une stratégie de guerre hybride. Le Centre pour l’information stratégique et la lutte contre la désinformation a déjà mis au jour en 2024 d’importantes opérations d’achat de voix financées depuis Moscou:
Déferlante de propagande russe en Moldavie
C’est dans ce contexte que Sergueï Kirienko entre en scène. Sa mission: assurer le retour de forces pro-russes au pouvoir. «Kirienko est un fanatique. Et la Moldavie est pour lui l’occasion de faire ses preuves», estime Valeriu Pașa, fondateur et directeur du think tank Watchdog.MD, spécialisé dans l’analyse de la propagande russe.
D’après lui, Moscou a déjà testé ses méthodes d’influence en Roumanie et s’appuie largement sur TikTok. Lors des élections moldaves de 2024, «nous avons vu des vidéos atteindre 750 000, parfois 800 000 vues par jour», raconte Valeriu Pașa. Avec l’arrivée de Sergueï Kirienko, il s’attend à ce que ces activités de propagande s'intensifient.
Depuis avril, celui qui est considéré comme l’idéologue en chef de l’occupation de l’Ukraine supervise aussi l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, des régions séparatistes géorgiennes, où il soutient les autorités pro-russes. Il suit également de près la Transnistrie, territoire moldave sous contrôle russe se revendiquant indépendant, et tenterait de retenir l’Arménie dans l’orbite du Kremlin, selon le site de renseignement «Intelligence Online».
Sergueï Kirienko est l’homme de confiance de Poutine pour la mise en marche politique de son autoritarisme. Selon le New York Times, cet homme d'Etat de 63 ans joue un rôle-clé dans la répression de l’opposition en Russie et dans les zones occupées, dans la censure sur internet et dans l’imprégnation des écoles et institutions culturelles par l’idéologie du régime.
Plus d’une dizaine d’anciens collègues ou proches l’ont décrit auprès du quotidien new-yorkais comme un rouage central du système autocratique russe. Boris Nadejdine, un ex-collaborateur devenu opposant, affirme ainsi que Sergueï Kirienko «n’applique pas ses propres idées, il exécute simplement les missions qu’on lui confie».
Sixième dan d’aïkido, art martial japonais fondé sur l’utilisation de l’énergie de l’adversaire, l'homme de main de Vladimir Poutine adhère aussi à une philosophie héritée de l’époque soviétique, selon laquelle la société doit être modelée et dirigée d’en haut. En 1998, il a brièvement occupé le poste de premier ministre à seulement trente-cinq ans, ce qui lui a valu le surnom de «Kinder Surprise».
Maîtrise des réseaux sociaux
Sergueï Kirienko a également prouvé sa capacité à influencer par le biais des réseaux. En 2021, il a mis la main sur le réseau social russe VK: son fils Vladimir en est aujourd’hui le PDG, et une proche d’un oligarque allié, qui lui a apporté des fonds, siège au conseil d’administration. VK a annoncé en juin le lancement de la première application d’actualités «100% russe».
En Moldavie, les craintes portent sur une exploitation systématique des clivages internes. Ana Revenco les précise:
Des thèmes que Sergueï Kirienko mobilise déjà en Ukraine occupée et qui servent de socle idéologique à l’expansion russe.
La sophistication de ces méthodes s'est illustrée lors du dernier scrutin: la porte-parole de Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, a diffusé une fausse interview de la présidente de la commission électorale moldave, générée par intelligence artificielle. De telles manipulations pourraient bien se répéter. Sergueï Kirienko, conclut Valeriu Pașa, «veut une majorité pro-russe en Moldavie et il n’acceptera pas la défaite».
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

