Vendredi soir, des hommes en tenue de camouflage ont attaqué une salle de concert de Moscou, tuant, selon le dernier bilan lundi matin, 137 personnes. Les spécialistes de la sécurité s'attendent à ce que le président russe, Vladimir Poutine, tente de tirer un capital politique de cet attentat islamiste.
Nico Lange, expert militaire et membre de la Conférence sur la sécurité de Munich, a déclaré au journal Bild am Sonntag:
Le maître du Kremlin a ignoré la menace d'attentats et a négligé la sécurité intérieure du pays au profit de la guerre, estime Nico Lange. Il en paie désormais le prix.
La Russie tiendra «de toute façon» les services secrets occidentaux, l'Ukraine et l'Otan pour responsables, «aussi pour détourner l'attention de l'échec de Poutine». Dans une intervention télévisée, le président russe a affirmé que l'Ukraine était impliquée dans l'attaque terroriste. Pourtant, il n'existe aucun indice en ce sens.
Le politologue Thomas Jäger partage l'avis de Nico Lange. Il s'attend à ce que Poutine utilise l'attaque pour «présenter la Russie comme menacée, entourée d'ennemis contre lesquels elle doit agir avec toute la force possible». Cela justifierait ensuite le renforcement de la répression à l'intérieur du pays et l'intensification de la guerre contre l'Ukraine.
Parallèlement, les «campagnes de désinformation contre les Etats démocratiques devraient monter en puissance», suppose l'expert, qui détient la chaire de politique internationale à l'université de Cologne.
L'attaque de vendredi soir a été revendiquée par la milice djihadiste Etat islamique (EI ou Daech). Elle a publié une vidéo de l'attentat, vraisemblablement tournée par les assaillants. On y voit et entend plusieurs personnes armées de fusils d'assaut et de couteaux qui ouvrent le feu dans le hall d'entrée du Crocus City Hall dans la banlieue de Moscou, à Krasnogorsk.
Daech a revendiqué l'attaque peu de temps après les faits, la responsabilité en incombant à la branche «Etat islamique de la province du Khorasan», connue sous l'abréviation EI-K ou ISIS-K. Les autorités russes n'ont toutefois pas donné suite à cette revendication. Au contraire, Poutine a établi un lien entre les auteurs présumés et l'Ukraine lors d'une allocution télévisée. Kiev a démenti toute implication dans l'attaque.
Roderich Kiesewetter, expert en sécurité et membre de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU) a également émis une autre hypothèse: «A l'heure actuelle, on ne peut pas non plus exclure qu'il s'agisse d'une opération sous fausse bannière de la Russie elle-même, même si une origine islamiste semble tout à fait probable, d'autant plus que l'EI l'a revendiqué», a-t-il déclaré au journal Bild am Sonntag.
Kiesewetter s'attend en outre à une nouvelle vague de mobilisation après l'attaque. En rejetant la faute sur l'Ukraine, Poutine cherche à «utiliser cet attentat terroriste de manière tactique pour mener sa guerre», a-t-il également déclaré au journal.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci