Une première «rencontre pour la paix» a déjà eu lieu au Vatican, celle entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky: l'image des deux présidents assis face à face sur deux bêtes chaises après la messe des funérailles du pape François a fait le tour du monde.
Lors de cette brève entrevue, l'Américain et l'Ukrainien s'étaient quelque peu rapprochés, après que le premier – et son vice-président JD Vance – avait rabroué le second quelques semaines auparavant à la Maison-Blanche.
Il faut maintenant instaurer la paix au Vatican non seulement entre les Etats-Unis et l'Ukraine – qui sont en fait des alliés, mais aussi entre les véritables belligérants: l'Ukraine et la Russie. Après son entretien téléphonique de deux heures avec Poutine, suivi d'un appel à Zelensky et à plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement européens, Donald Trump avait annoncé des discussions «imminentes» au Vatican sur un cessez-le-feu.
Mercredi dernier, Léon XIV avait déjà évoqué le Saint-Siège comme lieu de négociation possible: lors d'une rencontre avec des représentants des Eglises orientales, le pape fraîchement désigné avait déclaré que «l'Etat pontifical reste disponible pour que les adversaires puissent se rencontrer et se regarder droit dans les yeux». Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'Etat, a ensuite expliqué que cela signifiait que le Vatican se proposait de jouer les médiateurs.
Lundi après la messe d'investiture, le pape Léon XIV a parlé avec le vice-président américain JD Vance et son secrétaire d'Etat Marco Rubio. Il a renouvelé l'offre d'accueillir des délégations de Moscou et de Kiev pour envisager un cessez-le-feu en Ukraine et une solution de paix.
On ignore encore la date et la forme que prendront ces pourparlers. On ne sait pas non plus qui du pape ou du cardinal Parolin jouerait les facilitateurs. Mais la vraie question, c'est avant tout de savoir si le rendez-vous aura vraiment lieu.
Trump paraît séduit par l'idée, lui qui voulait à la base mettre fin à la guerre en 24 heures. Il semble aujourd'hui moins motivé à jouer les facilitateurs après ses tentatives infructueuses jusqu'ici. Il préférerait sans doute se délester de cette responsabilité le plus tôt possible. Zelensky ne semble pas non plus réticent à l'idée de donner au moins une chance au pape: après tout, Léon XIV l'avait reçu dimanche, juste après son investiture, en tant que premier invité d'Etat de son pontificat.
Un déplacement au Vatican ne devrait, en revanche, pas enthousiasmer Poutine. Ne serait-ce que parce que, ce faisant, il snoberait le chef de l'Eglise orthodoxe russe, le patriarche Cyrille Ier de Moscou. L'occupant du Kremlin n'a assisté ni aux funérailles de François ni à l'investiture de Léon XIV à Rome.
Bon, et accessoirement, le maître du Kremlin est sous le coup d'un arrêt international pour crime de guerre pour la déportation illégale d'enfants. Car si le Vatican n'est ironiquement pas signataire du statut de Rome qui établit la Cour pénale internationale, l'Italie l'est. Une situation qui peut, sans sauf-conduit diplomatique, compliquer la venue de Poutine. Le Vatican n'ayant pas d'aéroport...
Les probabilités d'un sommet dans le petit état s'avèrent donc plutôt minces. Malgré tout, en mettant à disposition des locaux et des infrastructures, Léon XIV a donné une première impulsion diplomatique moins de deux semaines après son élection dans la chapelle Sixtine. Il suit en cela la voie empruntée par son prédécesseur: en février 2022, François avait déjà cherché le contact direct avec le Kirill moscovite.
Objectif: parvenir à une solution de paix avec l'aide de l'Eglise russe. Celle-ci constitue un levier du pouvoir essentiel dans la Russie de Poutine. Mais l'Argentin s'était heurté au patriarche de Moscou, animé par les mêmes fantasmes de grandeur que Poutine.
Par la suite, François a envoyé à plusieurs reprises son secrétaire d'Etat ainsi que d'autres cardinaux à Kiev et à Moscou. Ils ont au moins réussi à obtenir l'échange de prisonniers de guerre et le retour de plusieurs enfants ukrainiens enlevés à leurs parents. Il n'y a jamais eu de visite personnelle à Kiev, notamment parce que le souverain pontife avait longtemps hésité à qualifier la Russie d'agresseur.
On se souvient tout de même d'un coup d'éclat, lorsque François a demandé à l'Ukraine, dans une formulation très maladroite, de «hisser le drapeau blanc». Le chef de la diplomatie vaticane, le cardinal Parolin, a ensuite dû calmer le jeu en expliquant que, selon le pape, les deux parties au conflit devaient bien sûr le faire, et pas seulement le pays envahi.
(Adaptation vz et compléments jah)