Ils ne sont plus tout jeunes et ça dégaine du check-up comme des champignons magiques dans Super Mario. Il faut bien rassurer électeurs et donateurs. Mais ces papelards ont beau témoigner d'une santé physique et mentale pétaradante, Donald Trump et Joe Biden sont des grands-papas qui parfois trébuchent, fourchent ou radotent. Deux old boys qui s'apprêtent pourtant à vivre une campagne historique, contendante, éprouvante. À un âge où l'on est en droit de réfléchir à deux fois avant d'emprunter l'escalier ou un sécateur.
Avec ses meetings à rallonge, ses allers-retours dans les airs, ses bains de foule, son prime time médiatique, sa pression monstre et ses coups dans les rotules, l'élection présidentielle américaine ressemble à un match de 5e ligue ou un Ironman démocratique. Sont-ils prêts à relever le défi? Évidemment. Prétendre le contraire serait un suicide électoral.
La mort, et avant elle les lourdes maladies de l'âge, sont plus que jamais au cœur d'un processus qui, dans quelques mois, crachera l'heureux élu chargé de projeter la plus grande puissance dans l'avenir. D'ici là, tout peut arriver, un peu comme au Monopoly, de la prison à la banqueroute. Mais ces deux larrons le savent, leurs pieds sont à équidistance du Bureau ovale et de la tombe.
Cynique? Pragmatique. Mais on vous l'accorde volontiers, c'est un «sujet très inconfortable», comme l'écrit très bien le média The Hill. D'autant qu'Harrison Ford cumulait bien 80 printemps au moment de renfiler son gilet d'Indiana Jones. Or, la réalité est tenace et l'âge des capitaines effraie aujourd'hui plus d'un matelot. Et certains sympathisants sont persuadés qu'ils n'en auront pas pour leur vote ou leur argent.
Puisque tout se mesure (surtout en Amérique), sachez qu'un «homme de 80 ans comme Joe Biden a 31,35% de chances de mourir au cours des quatre prochaines années», assure Katia Iervasi, porte-parole de la société NerdWallet. Peu? Beaucoup? Question de point de vue et d'hygiène de vie. Sans avoir à réveiller le mauvais sort, le décès des deux principaux candidats avant la date butoir du 5 novembre 2024 est un risque que tout le monde prend très au sérieux et anticipe à sa manière.
Heureusement, la législation américaine a tout prévu (ou presque) en cas de disparition prématurée d'un prétendant. Car avant d'être politique, l'affaire est purement administrative.
Robinette n'est pas logé à la même enseigne que Donald, puisqu'il restera président des États-Unis jusqu'à l'investiture de son successeur. Et il faut savoir qu'un président en exercice peut être théoriquement dans la mouise s'il...
La Constitution américaine (mais aussi la loi sur la succession présidentielle de 1947) a défini un ordre précis pour être en mesure de nommer le vient-ensuite.
Ceux parmi vous qui ont dévoré Designated Survivor se seront forcément cognés contre le point 13. Dans cette série catastrophe, Kiefer Sutherland campe un banal «secrétaire au Logement et au développement urbain», projeté d'un jour à l'autre dans le Bureau ovale, à la suite d'un terrible attentat terroriste au Capitole.
Nous n'en sommes pas (encore) là.
Pour en revenir à nos moutons, c'est donc Kamala Harris qui reprendrait le guidon de la superpuissance, si Joe Biden venait à passer l'arme à gauche, avant la prochaine investiture. La théorie voudrait aussi que la vice-présidente soit du même coup la candidate toute désignée pour tenir tête à l'adversaire républicain. Hélas (ou pas), la logique n'est pas en très bons termes avec la bagatelle politique.
Si Joe Biden et Donald Trump décèdent avant la fin de la primaire (au mois de juin), une véritable foire à la candidature spontanée s'abattrait sur les deux familles politiques. S'ils venaient à trépasser juste après avoir été officiellement choisis par leur clan, ça se complique un peu et tout repose sur un timing assez serré.
Sur le papier, sachez qu'il n'y a pas de date limite nationale pour sortir du bois. A ce petit jeu, le règlement interne aux partis et les deadlines locales sont maîtres à bord. Et, à moins d'une catastrophe, les jeux sont faits depuis 2023 et dans tous les États du pays. Dans tous les cas, il est probable que les primaires soient repoussées, le temps que tout le monde reprenne ses esprits et que les plus agiles (ou opportunistes) jouent des coudes.
Ce fut par exemple le cas en 2020, au plus fort de la pandémie de Covid, quand une douzaine d'États avaient retardé l'échéance ou simplement élargi la possibilité de voter par correspondance.
Si les deux principaux partis ont inclus dans leurs statuts la possibilité de soumettre rapidement, et en interne, un nouveau poulain au vote, c'est bien parce qu'il est souvent trop tard pour placer son nom sur les bulletins de vote traditionnels, et ce, dans chaque État. Mais la Constitution considère aussi que, même mort, un candidat figure toujours sur le scrutin national. Oui, aux États-Unis, puisqu'on peut théoriquement élire un candidat emprisonné, on peut évidemment voter pour une personne qui n'est plus vivante. Il suffit ensuite au vice-président de se glisser discrètement dans le siège suprême.
En 2000, Mel Carnahan s'est tué dans un accident d'avion alors qu'il concourait au Sénat. Élu à titre posthume, «sa veuve a servi jusqu'à la tenue d'élections spéciales en 2002», nous rappelle la BBC.
L'élection présidentielle peut aussi se retrouver carrément reportée. Mais un accord bipartite étant nécessaire, autant croire au père Noël.
Pour l'anecdote, de toute l'histoire des États-Unis, aucun président fraîchement élu n'est décédé juste avant son investiture. Mais imaginons un instant que Donald Trump soit élu le 5 novembre prochain et décède le soir même, d'une overdose de champagne. La logique (encore elle) voudrait que son vice-président le remplace sans grande paperasserie. Mais est-il réellement mort en tant que 47e président des États-Unis?
Soyons francs, avant la ratification du 20e amendement de la Constitution, en 1933, c'était la jungle. Depuis? Disons que c'est faussement plus clair: «Si, à la date fixée pour le début du mandat du président, le président élu est décédé, le vice-président élu deviendra président».
Le jour du scrutin, le 5 novembre 2024? Au vote des grands électeurs un mois plus tard? Ou à la validation des votes par le Congrès début janvier? Pour le média Vox, qui s'est posé la même question en 2020, une fois passé l'étape des grands électeurs, on peut dire que le président est président. Ce qui ne devrait pas changer grand-chose, en temps normal, puisqu'on part du principe que les grands électeurs sont d'abord des êtres humains fidèles à la ligne du parti.
Il faut aussi préciser que, pour prévenir le grabuge, les États ont adopté des lois qui contraignent ces électeurs à voter pour le candidat qui a remporté l'État. En d'autres termes, Si Trump décède, il faudrait se résoudre à voter pour un mort.
Sans oublier qu'en 2024, avec un candidat MAGA qui a fabriqué son propre mouvement au sein des républicains, il y a fort à parier que tous les conservateurs ne se rangent pas poliment derrière un mort controversé ou son vice-président désigné. Même la Cour suprême se tient prête à cette catastrophique éventualité.
Reste enfin la bonne vieille technique de la franchise: nommer rapidement, clairement et publiquement le survivant désigné en cas de décès de leur cheval favori. Mais, là encore, la logique n'est pas follement populaire en cette année électorale de tous les dangers.
En conclusion, pour le bien de tous, il serait bon que personne ne décède avant 2025. Tout le monde a fait son check-up du mois de janvier?