Il n'a pas l'air d'avoir peur, le prince, en arrivant ce mardi matin devant le tribunal de la Haute Cour de Londres, pour aller combattre «la Bête».
«La Bête», c'est Andrew Green. L'avocat de la partie adverse, MGM, l'éditeur du Daily Mirror. Un as du barreau qui, au fil de ses décennies de métier, s'est forgé une réputation d'inquisiteur intraitable. On dit de lui qu'il «éviscère» ses témoins. Bref, un «adversaire à craindre», qui ne fera aucune faveur à Sa Majesté. D'autant que l'absence du prince, la veille, pour assister à l'anniversaire de sa fille, a provoqué le courroux de tout le tribunal.
Pour mener ce contre-interrogatoire musclé et convaincre le jury qu'il a bel et bien été victime de pirate électronique pendant 15 ans, le duc de Sussex pourra s'appuyer sur sa propre expérience dans l'armée. C'est du moins ce que lui souhaite l'experte royale Ingrid Seward, sur la chaîne GB News.
10h32. Harry entre dans le box des témoins. Il prête serment et se sert un verre d'eau, pendant que son avocat, David Sherborne, demande à Son Altesse comment elle souhaite être nommée. «Vous préféreriez être appelé Prince Harry?». Le duc de Sussex hoche la tête. L'audience peut débuter.
«La Bête», Andrew Green, entre dans l'arène. Il commence par réitérer les excuses de l'éditeur, MGN, pour un incident de collecte d'informations - un seul! - qui s'est effectivement produit. En 2004, un journaliste de The People, a chargé un enquêteur privé de recueillir illégalement des informations sur les activités du prince dans une discothèque.
Pour le reste, le groupe nie tout. Après les formalité, Andrew Green se lance.
Au long du contre-interrogatoire, l'avocat fait défiler les articles qui constituent la base de l'accusation d'Harry. 33 articles de presse qui prouveraient, selon le prince, que les informations des journalistes à son sujet ont été obtenues frauduleusement. Des coupures de presse sur sa vie privée, sa santé, ses relations, le divorce de ses parents ou encore sa consommation de drogues qui, affirme-t-il, «ont changé le comportement des gens autour de lui», dès la fin des années 1990.
Dans sa déclaration écrite, il avance que la presse aurait activement tenté de ruiner ses relations. «J'ai toujours eu l'impression que les tabloïds voulaient que je sois célibataire, car j'étais beaucoup plus intéressant pour eux et je faisais vendre plus de journaux».
Ce matin, à la barre, le prince a ajouté: «En 1996, j'étais un enfant, j'étais à l'école. Ces articles sont incroyablement envahissants. Chaque fois que ces articles ont été écrits, cela a eu un effet sur moi, ma vie et les gens autour de moi - y compris ma mère». Bref, à en croire le duc traumatisé, «en tant qu'enfant, chacun de ces articles a joué un rôle important - un rôle destructeur - sur ma croissance».
L'avocat du camp adverse, Andrew Green en profite pour rebondir sur l'acte d'accusation de 55 pages, rédigé par Harry, qui affirme que les «touches des claviers sont tachées de sang». «Qui a du sang sur les mains», exactement?
«Ne sommes-nous pas, prince Harry, dans le domaine de la spéculation totale?», interroge l'avocat Andrew Green, presque taquin. «Je ne suis pas celui qui a écrit l'article», répond le prince. «Non, mais c'est vous qui portez plainte», embraye le représentant du groupe de presse.
Fidèle à sa réputation, l'avocat accumule les saillies et les questions pièges. Il n'hésite pas à utiliser ses mémoires, Spare, et sa propre plainte écrite, pour les retourner contre leur auteur.
Cet article du Daily Mirror, en juillet 2000, sur l'absence d'Harry et son frère William à un gala, pour aller faire de l'escalade? Un communiqué de presse officiel déjà publié par le Palais. Le pouce cassé du prince Harry? Des photos de paparazzis. Cette «citation» sur la déception de Charles sur la prise de drogues de son fils? Une simple supposition. Le jour où Harry est devenu parrain? L'histoire était déjà sortie quelques jours plus tôt, dans un autre tabloïd.
Bref, le Daily Mirror peut avoir la conscience tranquille, selon son avocat.
L'après-midi touche à sa fin, le prince n'en démord pas. Les tabloïds appartenant au groupe MGN s'appuieraient sur des histoires déjà existantes et les pousseraient «plus loin» en obtenant illégalement davantage de détails.
Autant d'intrusions dans sa sphère privée qui ont ruiné sa vie. Sans parler de ses relations avec son frère, et le reste de sa famille. Il évoque un article de The People de 2003, comme point de départ de sa rupture avec Wiliam.
En fin d'après-midi, l'audience s'achève. Le prince en croisade n’a plus qu’un jour pour convaincre les juges de la justesse de sa cause. Et terrasser ce monstre qu’est la presse britannique.