Après quatre jours de fête bruyante, de confettis rouge-blanc-bleu, de trumpisme dégoulinant et d'hystérie collective autour de leur héros, c'est avec une sacrée gueule de bois que les participants de la Convention nationale républicaine ont quitté Milwaukee. Mais avec un goût de victoire plein la bouche. Difficile de les blâmer, après trois semaines d'une spirale positive et de bonnes nouvelles successives pour Donald Trump.
Et puis, tout a changé. Joe Biden a annoncé son retrait. L'ivresse a cédé sa place à un sentiment d’impuissance inhabituel. Pour la première fois depuis longtemps, Donald Trump ne contrôlait plus le récit.
Ce 21 juillet, la campagne présidentielle a pris une nouvelle tournure. Les républicains se retrouvent obligés de réécrire leur plan de bataille, changer l'orientation de la campagne et repenser leur stratégie. Avec l'abandon de Joe Biden, c'est une cible facile et l'adversaire rêvé de Trump qu'ils ont perdu.
Oubliés, les arguments et les attaques faciles sur l'âge et le déclin physique et mental du démocrate de 81 ans. Comme l'a déclaré un responsable de Trump à Puck, la campagne de Trump comptait se présenter contre «un cadavre».
Elle doit maintenant affronter un nouveau challenger, plus énergique et plus jeune que leur propre poulain, soutenu avec enthousiasme par les démocrates et qui a déjà battu des records de collecte de fonds. Les stratèges républicains vont désormais devoir placer l'accent sur de nouveaux thèmes, comme l'immigration, l'économie et l'éducation.
En apparence, pas de panique. «C’est une campagne différente, c’est sûr, mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour les démocrates que les projecteurs restent braqués sur eux», concède un responsable républicain proche de la campagne de Trump, au New York Times.
Dans le clan MAGA, on fait mine d'avoir envisagé ce retournement de situation depuis longtemps. En particulier après la performance désastreuse de Joe Biden lors du débat, fin juin. «C'était une évidence au sein de la campagne Trump depuis des semaines, et nous savions qu'il allait le faire», crâne Peter Navarro, un conseiller de Trump à la Maison-Blanche, à NBC News.
Ne reste plus qu'à se dégoter une nouvelle cible. Et même si rien ne garantit encore que la vice-présidente se trouvera effectivement à la tête du ticket, les proches de Donald Trump en semblent absolument convaincus: ce sera Kamala Harris.
De fait, une offensive spéciale contre la grande favorite a déjà été lancée.
Une heure et demie après l'annonce de Biden, le super PAC pro-Trump «Make America Great Again» lançait sa première salve: un spot publicitaire de 30 secondes diffusé en Arizona, en Géorgie, au Nevada et en Pennsylvanie. Le message est limpide. Kamala Harris, qui a côtoyé régulièrement le président en privé, aurait délibérément menti et caché son état au public pendant des années.
Kamala was in on it. She covered up Joe's obvious mental decline. Kamala knew Joe couldn't do the job, so she did it. Look what she got done: a border invasion, runaway inflation, the American Dream dead. pic.twitter.com/H3Oyew0ug9
— MAGA War Room (@MAGAIncWarRoom) July 21, 2024
Ce qui nous mène à une autre théorie largement relayée par le camp Trump depuis deux jours: Joe Biden aurait été forcé à quitter la course par des ténors de son parti, Kamala Harris en tête, piétinant les voix des électeurs des primaires - et, de fait, la démocratie. Un véritable coup d'Etat à la sauce démocrate.
L'occasion rêvée pour les trumpistes de retourner les accusations persistantes depuis l'attaque du Capitole. «Les gens qui nous ont qualifiés de menace pour la démocratie pendant des années viennent de lancer un coup d’Etat contre le président en exercice», lâche notamment Libs of TikTok, un influent compte de l'alt-right très en vue sur X.
The people who called us a threat to Democracy for years just ran a coup against the sitting President.
— Libs of TikTok (@libsoftiktok) July 21, 2024
Enfin, c'est sur le bilan partagé Biden-Harris que les républicains comptent mettre les bouchées doubles et enchaîner les attaques. Contrairement à un candidat fraîchement débarqué dans l'arène, Kamala Harris devra répondre des ratés de l'administration.
A commencer par le thème de l'immigration et de la gestion la frontière avec le Mexique, cette mission ingrate que Kamala Harris s'est vue confier en mars 2021 et qui lui a valu un surnom poétique: la «tsar des frontières», de plus en plus utilisé par la droite ces dernières semaines.
Aux yeux des républicains, «que l'on parle de Joe Biden ou de Kamala Harris, c'est la même course», résume le représentant républicain Anthony D'Esposito. «Ce sont les mêmes mauvaises politiques, les mêmes mauvaises décisions, les mêmes responsabilités.»
Reste que, derrière l'assurance affichée et ce nouvel ordre de bataille rapidement organisé, le fantasme d'une victoire facile de Trump s'est évaporé. Les rôles se sont inversés. Le voilà projeté dans la posture du candidat le plus âgé, volubile, parfois incapable de développer un argument clair ou de terminer une phrase sans dévier du sujet.
Si les conseillers de l'ex-président assurent que la campagne est prête à faire face à «n'importe quel scénario démocrate», ils n'oublient pas les sondages. Ceux qui traduisent le désir de nombreux électeurs d'un candidat plus jeune, raisonnable et expérimenté. En particulier dans les sept Etats clés qui regorgent d'indécis.
Une menace plus grande que Trump ne le pense pèse désormais sur le candidat: l'apparition d'un ticket démocrate à partir de zéro, modéré, jeune et issu d'un Etat-clé. Une perspective qui, cette fois, bousculerait radicalement les plans du camp républicain.