Angela Rayner a reconnu avoir sous-payé un impôt lors de l’achat en mai d’un logement à Hove, station balnéaire du sud de l’Angleterre. «Je pensais avoir tout fait correctement», avait-elle assuré mercredi à Sky News, en larmes.
Le conseiller à l’éthique du gouvernement, Laurie Magnus, a estimé qu’elle avait agi «de bonne foi», tout en soulignant qu’elle avait «enfreint le code» de conduite ministérielle et devait être tenue responsable de ses déclarations fiscales, comme tout citoyen.
Dans sa lettre de démission, Angela Rayner, 45 ans, dit «regretter profondément» de ne pas avoir sollicité de conseil fiscal spécialisé et assume «l’entière responsabilité» de cette erreur. «Compte tenu des conclusions et de l’impact sur ma famille, j’ai décidé de démissionner», poursuit-elle.
Keir Starmer, dans une réponse publiée vendredi, s’est dit «très attristé» par ce départ, tout en assurant à Angela Rayner qu’elle demeurerait «une figure majeure du parti travailliste».
Cette démission a été vivement commentée. Kemi Badenoch, cheffe de l’opposition conservatrice, s’est félicitée sur X qu’Angela Rayner soit «enfin partie», accusant le premier ministre de «faiblesse» pour ne pas avoir agi dès les premières révélations.
Pour tenter de reprendre la main, Keir Starmer a procédé à un large remaniement gouvernemental. David Lammy, jusque-là ministre des Affaires étrangères, devient vice-premier ministre et ministre de la Justice. Yvette Cooper, actuelle ministre de l’Intérieur, prend la tête du Foreign Office. Shabana Mahmood est nommée à l’Intérieur. Dans la foulée, plusieurs ministres ont annoncé avoir été évincés, dont Ian Murray (Ecosse) et Lucy Powell (relations avec la Chambre des communes).
Ce changement d’équipe survient après un été difficile pour le Labour, marqué par une fronde interne contre une réforme de la protection sociale et une popularité en berne. Mi-juillet, un tiers des députés travaillistes s’étaient rebellés contre le projet de réforme, contraignant Starmer à rétropédaler pour éviter une défaite parlementaire.
La démission d’Angela Rayner est un coup dur pour le premier ministre. Issue d’un milieu modeste, mère célibataire à 16 ans, elle a gravi les échelons du parti grâce au syndicalisme et jouissait d’une forte popularité auprès de la base, certains la voyant comme une rivale potentielle de Keir Starmer.
Cette instabilité profite au parti populiste et anti-immigration Reform UK, dirigé par Nigel Farage. Lors du congrès de son parti, organisé vendredi et samedi à Birmingham, Farage a tenu un discours offensif, avançant son intervention de trois heures pour exploiter la démission d’Angela Rayner et le remaniement qui a suivi. «Ce gouvernement est dans une crise profonde», a-t-il lancé devant des milliers de partisans.
Dans une mise en scène digne d’un show américain, Nigel Farage est apparu sous des feux d’artifice, le drapeau britannique projeté derrière lui. Il a martelé: «Let’s make Britain great again», adaptant le slogan de son allié Donald Trump, qu’il a rencontré à la Maison-Blanche deux jours plus tôt.
Nigel Farage a promis d’«arrêter les bateaux de migrants dans la Manche en deux semaines» s’il arrivait au pouvoir, dénonçant la perte de l’«identité» britannique et appelant les électeurs à retrouver leur «fierté».
Reform UK ne dispose que de quatre députés sur 650 à la Chambre des communes, mais sa popularité est en forte progression. Aux dernières élections locales en mai, le parti, ancien «Brexit Party», a remporté douze conseils régionaux. Il revendique désormais 240 000 membres, contre 80 000 il y a un an. Depuis plusieurs mois, il est en tête des intentions de vote, devant les travaillistes, une première pour une formation de ce type au Royaume-Uni. Farage mise sur des élections anticipées, estimant qu’un scrutin pourrait être organisé dès 2027 au lieu de 2029.
«Nous devons nous tenir prêts», a-t-il insisté. Jeudi, l’ancienne ministre conservatrice Nadine Dorries a officiellement rejoint Reform UK, saluant sur scène «le parti du moment».
Pour Anand Menon, politologue au King’s College de Londres, la perspective de voir Nigel Farage à Downing Street est encore «éloignée mais tout à fait possible». Il estime que son principal défi sera d’éviter les divisions internes et de constituer une équipe crédible pour gouverner.
En attendant, Nigel Farage soigne son image: fini les photos avec une bière ou une cigarette. Très actif sur TikTok, il compte 1,3 million d’abonnés, plus que toute autre figure politique britannique.
Avec la démission d’Angela Rayner, un remaniement majeur et la montée en flèche de Nigel Farage, Keir Starmer se retrouve sous une pression politique maximale. La stabilité de son gouvernement et la survie du Labour pourraient dépendre des prochains mois, dans un climat politique de plus en plus imprévisible.