Svetlana, une habitante de Ramenskoïe, a soudain une prise de conscience: «la guerre» que subit depuis trois ans l'Ukraine n'épargne pas non plus sa banlieue moscovite.
Un peu plus tôt, vers 5h du matin (3h heure suisse), l'explosion d'un drone frappant son immeuble d'habitation l'a sortie de son lit. Selon les autorités russes, l'attaque lancée par l'Ukraine pendant la nuit est la plus importante contre les environs de la capitale russe depuis que la Russie s'est lancée le 24 février 2022 à l'assaut de sa voisine, bombardant quotidiennement le pays et ses villes.
«Le grondement était terrible» raconte Svetlana, une vendeuse de 59 ans qui n'a pas souhaité donner son nom, comme les autres personnes interrogées.
Jusqu'à ce matin, «nous savions qu'il y avait la guerre, mais nous n'en avions pas conscience. Maintenant, elle est là», avoue cette femme qui dit pourtant qu'elle a «tissé des filets» de camouflage pour les soldats russes déployés en Ukraine.
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Ramenskoïe, ville d'environ 100000 habitants située à une quarantaine de kilomètres de la capitale russe, et ses environs abritent diverses industries de défense, l'Institut de recherche en aéronautique Gromov ou encore l'aéroport Joukovski.
Aucune indication n'a été donnée, ni en Ukraine ni en Russie, quant aux éventuelles cibles militaires visées. En revanche, les cinq derniers étages d'une tour d'habitation de 22 étages ont été touchés. Des vitres y ont volé en éclat, et au moins deux appartements ont été endommagés, selon un journaliste de l'AFP ayant passé la matinée sur les lieux.
En contrebas de l'immeuble, débris divers et quantité d'éclats de verre jonchent la route. Quelques voitures ont été esquintées par les gravats tombés du bâtiment.
Olga, une informaticienne de 21 ans qui habite dans un immeuble voisin, raconte, elle aussi, avoir été réveillée par l'explosion. Les autorités russes n'ont pas déclenché de sirène d'alerte en dépit des dizaines de drones, qui selon l'armée russe, visaient la région.
Olga s'attend à une multiplication des frappes et ne peut même pas «imaginer que la nuit à venir sera tranquille».
L'attaque intervient cependant au moment où l'Ukraine se montre favorable à une trêve des frappes aériennes, à la condition que Moscou si soumette également. Des négociateurs ukrainiens veulent soumettre cette proposition aux Etats-Unis, lors de pourparlers en Arabie saoudite mardi.
Moscou n'a pas commenté, mais s'est toujours opposé à un cessez-le-feu, sauf reddition totale des Ukrainiens.
Sergueï, un autre habitant du quartier touché de Ramenskoïe, est lui convaincu que l'armée ukrainienne poursuivra ses attaques. Il reprend pour cela la nouvelle rhétorique du Kremlin, qui accuse désormais l'Europe d'être responsable de la poursuite de la guerre, épargnant Washington du fait du soudain rapprochement russo-américain sous l'impulsion de Donald Trump et Vladimir Poutine.
«C'est avant tout l'Europe. Ils approvisionnent encore (l'Ukraine), et ils ont mis en place une production de drones», martèle cet homme à la barbe grise interrogé aux abords de l'immeuble endommagé.
Ioulia, une architecte à la retraite qui vit également dans le quartier, est horrifiée par les évènements de l'aube, et le conflit qui sévit depuis trois ans. «J'ai mal au coeur, je ne crois pas qu'il y aura la paix», dit-elle, au moment où Washington met la pression à l'Ukraine pour qu'elle accepte de céder des territoires à la Russie et de renoncer à rejoindre l'Otan.
Semblant s'adresser aux deux camps, la femme de 75 ans essuie une larme et s'écrie: «Pourquoi ne peuvent-ils pas s'entendre? A quoi pensent-ils? C'est terrifiant».