Andreï hoquette, se balance d'un pied sur l'autre. La faute aux «troubles nerveux». Comme lui, des centaines de Russes ont fui, sous les bombes, la poche de Soudja ces derniers jours, dans le sillage de la reprise des terres russes occupées par l'Ukraine.
Andreï Klimenko a pu décamper «en voiture» vendredi quand les combats se sont invités chez lui, à Zamostie, champêtre localité russe proche de Soudja, à une dizaine de kilomètres de la frontière avec l'Ukraine, pays voisin contre lequel Moscou a lancé une offensive il y a trois ans.
Andreï, 52 ans et une demi-douzaine d'incisives en or, explique:
Et d'enchaîner: «Dieu a eu pitié de moi et j'ai survécu par miracle».
L'homme, «invalide», a trouvé temporairement refuge, avec plusieurs dizaines d'autres déplacés russes, dans un complexe sportif reconverti en centre d'hébergement à Fatej, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Koursk, chef-lieu de l'oblast du même nom.
Depuis début mars, les soldats russes avancent à grands pas dans la reprise des terres occupées par l'Ukraine, à partir du mois d'août dernier, lors d'une offensive en profondeur en Russie et d'une ampleur sans précédent. Ces territoires, Kiev espérait les utiliser comme monnaie d'échange dans d'éventuels pourparlers.
Chaque jour désormais, le ministère russe de la Défense annonce la reprise d'un voire deux villages lors de combats qui provoquent la fuite des habitants.
Le président russe Vladimir Poutine a appelé les soldats ukrainiens à déposer les armes, tandis que son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky a démenti tout encerclement de ses troupes.
Depuis mercredi, «371 personnes ont été évacuées des localités libérées, dont 14 enfants», a indiqué dimanche le gouverneur régional par intérim, Alexandre Khinchtein.
A Fatej, devant le centre d'accueil s'avancent trois compagnons d'infortune d'Andreï. Elena, sa fille Ekaterina, 35 ans, et son petit-fils Egor, sont arrivés vendredi de la zone de Soudja, après avoir été évacués par l'armée russe qui venait d'y gagner bataille.
Elena, 63 ans, vient tout juste de se voir «offrir» un tensiomètre de la part de la Croix-Rouge russe. «Je fais de l'hypertension», dit la babouchka en portant l'index à son front, comme pour signaler le poids des soucis qui l'accablent.
Car le mari d'Elena, père d'Ekaterina, a disparu. Sa famille est sans aucune nouvelle de Nikolaï depuis l'été dernier, lorsqu'ils ont tous dû effectuer un gymkhana d'un point à l'autre de la partie de la région contrôlée par les Ukrainiens.
Ekaterina lâche:
Nikolaï vient grossir les rangs du nombre de disparus du conflit, déjà colossal. Mi-février, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) disait ainsi travailler sur quelque 50 000 dossiers de personnes disparues, civils comme combattants des deux côtés, russe et ukrainien.
En janvier, 1174 personnes étaient portées disparues dans la région de Koursk, selon les autorités russes. L'Ukraine a décompté elle quelque 63 000 disparus en trois ans de conflit.
«Je ne comprends pas à quoi sert cette guerre», qui a fait des centaines de milliers de morts et de blessés ukrainiens et russes, se lamente Ekaterina, disant avoir été «bien traitée» par les soldats ukrainiens. Elle poursuit:
Soudain, une voix mécanique énonce d'un haut-parleur un énième avis à Fatej et ses habitants: «L'alerte aux raids aériens est terminée»... Pourtant aucune alerte initiale n'avait été annoncée.
La situation militaire dans la région de Koursk constitue un enjeu clé au moment où les efforts internationaux s'intensifient pour mettre fin au conflit.
Vladimir Poutine, qui devrait s'entretenir avec le président américain Donald Trump ce mardi après-midi, n'a pas rejeté la trêve proposée par les Etats-Unis mais a émis des réserves. Il a déclaré que les «prochaines étapes» dépendraient de la libération de cette région, où a eu lieu la plus grande bataille de chars de l'histoire. Le 23 août 1943, elle s'était achevée sur une victoire soviétique face aux troupes nazies. (afp)